Bossis 1982, cheikh point à Valladolid
Un jour un but – En soixante-seize sélections en équipe de France, Maxime Bossis n'a inscrit qu'un seul but. C'était le 21 juin 1982 à Valladolid, pendant la Coupe du monde en Espagne, face au Koweït.
Depuis le début de la deuxième période, l'équipe de France mène 3-0 et déroule tranquillement sur la pelouse du stade José-Zorilla à Valladolid. Son adversaire, le Koweït, est complètement dépassé et n'est finalement pas à la hauteur de ce qu'il avait laissé entrevoir lors de son premier match, lors duquel il avait accroché (1-1) la Tchécoslovaquie.
Savourer l'instant
Les hommes de Michel Hidalgo se rassurent. La nette victoire qui se dessine efface l'entrée ratée, cinq jours plus tôt, à Bilbao face à l'Angleterre (1-3). La défense passe une rencontre assez tranquille. Sur son côté gauche, Maxime Bossis est d'humeur offensive. À la soixante-neuvième minute, il est au milieu du terrain et combine avec Alain Giresse. Le Bordelais lance le Nantais seul vers le but, la défense koweïtienne ayant encore joué le hors-jeu de manière approximative.
Maxime Bossis honore alors sa trente-neuvième sélection et n'a jamais inscrit le moindre but en équipe de France. Lancé seul tel un attaquant, il a tout le loisir de savourer l'instant. Le gardien adverse, Al-Tarabulsi, s'avance pour s'opposer au Vendéen, mais celui-ci le contourne d'un dribble assuré. Puis, il frappe dans le but vide, du gauche, à ras de terre. 4-0 pour la France.
Le latéral nantais affiche une joie contenue. Il court le poing levé et attend ses coéquipiers. Il descend brutalement de son nuage: l'arbitre, M. Stupar, n'accorde pas le but, sans doute pour un hors-jeu (que ne confirmera pas le ralenti). Le sentiment d'injustice est d'autant plus fort que pour Max Bossis, l'occasion ne se représentera pas sans doute pas de sitôt. Le Nantais n'en fait pas un drame et se replace. Il reste vingt minutes à jouer et une victoire à assurer.
Colère mythique
Ce n'est pas la seule péripétie de cette rencontre un peu décousue. Dominés de toutes parts, les joueurs du Golfe parviennent pourtant à réduire l'écart sur un but bien construit conclu par Al-Buloushi. Puis vient l'épisode le plus ahurissant de l'histoire de la Coupe du monde: un but de Giresse, à la 80e minute, accordé par l'arbitre mais contesté par les joueurs koweïtiens en raison d'un coup de sifflet venu des tribunes. Ceux-ci restent au bord du terrain et refusent de reprendre la partie. Ils sont soutenus dans leur démarche par le président de leur fédération, le puissant Cheick Fahd, qui descend lui-même de la tribune officielle pour aller dire son fait à l'arbitre. Et chose incroyable, l'arbitre soviétique revient sur sa décision! Le jeu reprend après une dizaine de minutes de palabres surréalistes ponctuées une colère mythique de Michel Hidalgo.
Le match se poursuit sans incident jusqu'à son terme. Il reste quelques secondes à jouer et alors qu'on s'indigne encore du scandale, Gérard Soler mène une dernière offensive. Le futur Toulousain donne le ballon sur sa gauche à Max Bossis. Le Nantais entre dans la surface, s'engage dans une série de dribbles sur le côté gauche, atteint la ligne de but et crochète une dernière fois un défenseur. À ce moment-là, il n'a plus qu'à donner le ballon à un coéquipier mieux placé, mais le Nantais se sent un appétit de buteur. Tel un renard aguerri, il trouve un trou de souris entre les jambes du gardien koweïtien et frappe. Cette fois, le quatrième but de l'équipe de France est bel et bien validé.
Plaisir égoïste
Ce but a quelque chose d'une revanche sur les petites contrariétés qui n'ont pas manqué au cours de ce match. Une revanche sur le but refusé à Giresse par l'intervention du Cheick, bien sûr. Mais pour Bossis, une revanche personnelle sur le but qu'il avait inscrit une demi-heure plus tôt, lui aussi injustement refusé.
"Ma joie a été en partie gâchée par la première décision de l'arbitre. Le but refusé m'avait procuré plus de plaisir que le second", racontera Max Bossis dans Maxi-Max, le livre de Jean-Marie Lorant, sorti deux ans plus tard. "Le buteur est au bout de la chaîne, à l'aboutissement de l'action, ajoute-t-il. Sa joie, il a beau la partager avec toute l'équipe, remercier l'auteur de la dernière passe, elle n'est pas la même. Le buteur éprouve un petit plaisir personnel, un peu égoïste, mais tout à fait normal. Marquer un but, c'est réellement une joie extraordinaire." Après cet épisode espagnol, il ne la ressentira plus jamais avec le maillot bleu.