Les docteurs m'abusent
Commençons par l'UEFA. La confédération européenne a quasiment gracié Frank De Boer qui pourra jouer dès le début de septembre, sa peine de 12 mois de suspension ayant été réduite à une durée symbolique.
Ne pensez pas que la mesure du taux de nandrolone constaté dans les urines du Néerlandais (4 fois plus élevé que le seuil toléré) est remise en cause, mais la Commission d'appel a considéré que ce taux avait de fortes chances de résulter de la prise de compléments alimentaires "contaminés" par des substances illicites.
Voilà qui va donc faire progresser la thèse de prises involontaires de nandrolone pour expliquer les épidémies régulières de cas positifs, aux dépens de la thèse de la production endogène (voir notre rubrique "dopage"). Mais au-delà, cette mesure démontre une nouvelle fois la détermination très variable des instances : impitoyable dans les discours, d'une étrange souplesse dans les décisions.
La stratégie du Néerlandais est douteuse à plus d'un titre. Les footballeurs professionnels se targuent généralement de surveiller scrupuleusement ce qu'ils absorbent. D'autre part, le verdict revient à excuser l'absorption de "compléments alimentaires" douteux et à considérer que les joueurs sont trop bêtes, ou assez malins pour s'abriter derrière cette justification thérapeutique ("on est des footballeurs, on est un peu cons et on avale n'importe quoi"). Les cyclistes ont leurs certificats médicaux, les footballeurs présenteront-ils à l'avenir leurs certificats d'irresponsabilité? En tout cas, ils ont trouvé le produit masquant parfait : le complément alimentaire.
L'impossibilité d'une ingestion accidentelle, c'était justement la défense de Davids, qui se décrivait comme un intégriste du self-control alimentaire. Cela n'empêche pas son avocat d'invoquer maintenant… l'absorption involontaire via une boisson homéopathique (!). Davids s'engage sur les pas de son compatriote, en espérant une décision clémente des instances italiennes en septembre. Il vient néanmoins d'être enfoncé par Sepp Blatter, lequel a laissé entendre que d'autres substances incriminaient le milieu défensif.
Passons sur cette façon détestable de diffuser les informations, au bon vouloir du président, qui témoigne de la rigueur impartiale avec laquelle la FIFA gère sa politique antidopage et communique à ce propos. Si le cas Davids s'avère plus grave que prévu, on verra une nouvelle fois la Juve attirer les suspicions. Après la mise examen de hauts dirigeants de la Juve au motif de "fraude sportive" pour avoir utilisé des produits illicites, l'épisode confus autour des "révélations" du Corriere dello Sport concernant Zidane et le docteur Ferrari a encore tourné les regards vers Turin, alors que cette fois le bidonnage était évident. Les démentis de Zidane et surtout de Menthéour (qui a cependant confirmé avoir été interrogé avec insistance par le procureur Soprani à propos de footballeurs qu'il aurait pu croiser ici ou là) accréditent l'idée d'un "coup" plutôt malveillant à l'égard nouveau meneur du Real. Son ancien club figure dans des instructions plus sérieuses, dont on devrait entendre reparler dans les mois à venir.
Plus près de nous, Libération a tenté de faire frémir les Parisiens sur la plage avec une vraie-fausse affaire qui frise la malhonnêteté ou qui atteint à l'incompétence, avec la publication d'une liste très officielle de médicaments emportés par la délégation française à Sidney, parmi lesquels figuraient 18 produits interdits. En dehors du fait qu'aucun athlète n'y a eu accès, il suffisait de se renseigner sur ce que des médecins emmènent quand ils partent avec un groupe de 600 personnes (dont quelques-uns pourraient être les grands parents des athlètes). Au pire l'encadrement de l'équipe olympique française a commis une maladresse en ne séparant pas les deux pharmacies, mais il n'y avait pas de quoi rameuter les foules et suggérer de funestes conclusions.
Ces deux dernières péripéties montrent les dommages infligés à la lutte antidopage par le goût du sensationnel de journalistes qui parodient le journalisme d'investigation, alors qu'il y a pourtant matière à enquêter sur ce sujet. Quant aux vrais rebondissements de cet été médico-médiatique, ils accentuent aussi la confusion qui règne autour du dopage, particulièrement dans le football: le voile ne se déchire pas encore, mais on commence à voir au travers.