Trois propositions pour améliorer la gouvernance de la FIFA
Le départ prochain de Sepp Blatter ne résoudra pas tous les problèmes qui gangrènent l'instance dirigeante du football mondial. Voici trois propositions qui, sans constituer une révolution, contribueraient à améliorer son fonctionnement.
Au-delà d'indispensables mesures fortes pour lutter contre la corruption et le clientélisme (par exemple, "faire gérer tous les contrats commerciaux de la FIFA par un organe autonome du comité exécutif", comme le proposait Jérôme Champagne) qui nécessiteront une extrême rigueur légale, voici trois propositions d'envergure plus modeste pour un meilleur fonctionnement de la FIFA.
1. Pondérer le poids des fédérations en fonction du nombre de licenciés
L'une des failles du système repose sur son égalitarisme extrême: la voix de Montserrat (200 licenciés enregistrés en 2006) vaut autant que celle de l'Angleterre (1,5 million de licenciés), celle de Saint-Marin (1.586 licenciés) autant que celle de l'Iran (449.644 licenciés), celle de la Nouvelle-Calédonie (5.200 licenciés) autant que celle du Sénégal (176.685 licenciés). Tous ces petits pays constituent un réservoir de voix considérable et des cibles de choix pour diverses tentatives de séduction.
Pondérer, au moins en partie, le poids des fédérations en fonction de leur nombre de licenciés reflèterait plus adéquatement le paysage footballistique mondial. Les dernières données globales remontent à l'enquête "Big Count" de 2006; elles ne concernent que les joueurs âgés de dix-huit ans et plus. Au nombre de "joueurs enregistrés", l'Allemagne serait en tête (6,3 millions), devant les États-Unis (4,2 millions), le Brésil (2,1 millions) et la France (1,8 million). Dans le top 10, on retrouverait également l'Afrique du Sud et le Japon. Loin d'une razzia européenne, donc.
Le classement serait légèrement différent si l'on prenait en compte l'ensemble des joueurs de football. Après tout, même les non-licenciés peuvent bénéficier des projets de développement financés par la FIFA. La Chine (26,2 millions) disposerait alors du plus gros poids électoral, devant les États-Unis (24,5 millions) et l'Inde (20,6 millions). L'Indonésie (7,1 millions), le Nigéria (6,6 millions) et le Bangladesh (6,3 millions) figureraient aussi dans le top 10.
Ces hiérarchies sont plus ou moins biaisées par le nombre total d'habitants et n'indiquent donc donc pas fidèlement le poids du football dans ces différents pays. On pourrait imaginer une autre méthode, basée sur le pourcentage de joueurs par rapport à la population totale. Les possibilités sont multiples.
Pour éviter que les plus grosses fédérations verrouillent les votes au point de disposer pratiquement d'un droit de veto, cette pondération pourrait ne pas se calquer exactement sur la même échelle que celle du nombre de licenciés, en établissant un seuil minimal et un plafond maximal de voix.
2. Diminuer le coût de fonctionnement
Cette proposition rejoint celle exposée par Jérôme Champagne dans son programme. L'ancien candidat à la présidence de la FIFA, s'il est monté au créneau pour défendre Sepp Blatter, dénonçait l'accroissement considérable des frais de fonctionnement de l'instance: "Sur 2015-2018, selon le rapport financier 2013, la FIFA dépensera plus en coûts de fonctionnement (990 millions de dollars) qu'en projets de développement (900 millions)". Une situation inacceptable pour une organisation dont la mission, clamée haut et fort sur son site Internet, est de "développer le football partour et pour tous".
La FIFA est aujourd'hui un mastodonte administratif dont les plus hauts représentants vivent dans le luxe. Les 474 employés de l'organisation ont touché 397 millions d'euros sur quatre ans (une hausse de 146 millions par rapport à la période 2007-2010), soit un salaire mensuel moyen de 17.449 euros. Dans ce domaine, l'heure doit aujourd'hui être à la transparence. Et cela commence par rendre public le salaire du président, chose que Sepp Blatter a toujours refusée, ainsi que du comité exécutif. Des éléments absents du dernier rapport financier.
3. Fixer un plafond aux réserves financières
Aujourd'hui, la FIFA disposerait d'1,5 milliards de dollars de réserves. Si l'on comparait cette somme avec le PIB des États (même si celui-ci est le résultat d'une seule année), cela placerait l'instance devant une trentaine d'États, dont Djibouti. Celle-ci se justifie par une nécessaire stratégie visant à l'indépendance financière par rapport aux revenus de la Coupe du monde, en raison de la disparition de l'assurance annulation. Prévention du risque, en quelque sorte, comme motivation de la maximisation des profits. L'organisation d'un Mondial coûte 1,3 milliard, répartis sur quatre ans (si l'on se fie aux chiffres de la période 2007-2010), à la FIFA, qui a donc atteint son but. Un graphique du site Expert Market illustre l'évolution de ses réserves, qui donne à l'association à but non lucratif des allures de gigantesque multinationale.
Une croissance liée à celle des revenus des Coupes du monde: d'1,7 milliards d'euros pour le Mondial 2002 en Corée du Sud et au Japon à 5,2 milliards d'euros de recettes pour la Coupe du monde brésilienne selon France 2. Fixer un plafond à ces réserves permettrait de s'assurer que la FIFA redistribue bien le maximum de ses recettes pour le développement du football. Dans le cas contraire, la somme continuera de grimper à l'issue de chaque Mondial, compétitions qui "génèrent une marge d'activité de 62%".
Mais maintenant que la sécurité financière de la FIFA est assurée, il faut fixer un plafond à ses réserves pour s'assurer de la redistribution de toute marge supplémentaire. Ce ne semble pas être le cas: la FIFA a récemment annoncé avoir réalisé 308 millions d'euros de bénéfices sur la période 2011-2014, via un chiffre d'affaires de 5,1 milliards d'euros, ce qui permet donc à ses réserves d'atteindre 1,5 milliards de dollars.
L'instance clame profiter "du succès de la Coupe du Monde de la FIFA pour soutenir les projets de développement du football au sein de [ses] 209 associations membres". C'est ce développement qui devrait être sa priorité plutôt que celui de ses propres recettes. Pourtant, selon son dernier rapport financier, si ses recettes ont augmenté de 36% sur la période 2011-2014 (5,7 milliards de dollars) par rapport à 2007-2010 (4,2 milliards de dollars), les dépenses pour les projets de développement n'ont augmenté "que" de 32%, de 794 millions à 1,052 milliard de dollars. La solution: endiguer cette accumulation sans fin de richesses pour déboucher sur une meilleure allocation des ressources.