Bilan 2000/01 : Saint-Etienne, la chute
Si le mot gâchis est particulièrement galvaudé cette année (ou particulièrement justifié pour un trop grand nombre de clubs), il semble inévitable à propos de l'incroyable scénario stéphanois qui a vu l'ASSE passer des plus grands espoirs aux pires désillusions. Il y a un an, le phénix forézien terminait la saison à une enviable sixième place et s'offrait le luxe de snober la Coupe Intertoto, pour, selon les termes de son propre président, ne revenir sur la scène européenne que "par la grande porte". Ce classement était pourtant un peu trompeur, car la fin de saison avait été mi-figue, mi-raisin. Mais peu importait pour des dirigeants déjà tournés vers la saison à venir, aux commandes d'une équipe prête à faire se rencontrer le mythe et le marketing, le goût du beau jeu et les grandes ambitions.
Malheureusement, la longue intersaison commençait avec la rupture de l'idylle du trio gagnant Bompard-Soler-Nouzaret, l'attelage qui avait en trois ans ramené le club aux avant-postes de la D1 après l'avoir vu frôler le National. Si cette déchirure n'a été rendue publique que bien plus tard, la volonté de Soler de mettre Nouzaret sous tutelle a créé un climat de défiance qui ne cessera plus de dégénérer. L'été fut paradoxal, l'essentiel d'un effectif brillant était conservé (Pedron, Aloisio, Alex, Mettomo, après quelques houleuses renégociations salariales), mais la campagne de recrutement connut des épisodes obscurs, dont celui de Berezowski, gardien arménien qui déclina son transfert au dernier moment, tout aussi subitement qu'il fut remplacé par "l'Ukrainien" Alex Levytsky. Mais en dehors de Huard et Fellahi (Panov étant appelé à quitter très vite l'effectif, dans des circonstances mystérieuses), les renforts espérés n'étaient pas au rendez-vous. Mais après tout, cette équipe avait l'an passé joué de malchance, il lui suffirait de peu pour progresser encore. Un début de saison plus que rassurant mit de côté les inquiétudes et la galère put voguer vers son destin.
Le reste est connu, du moins en partie. La crise judiciaire s'est doublée d'une crise sportive, notamment en raison de la blessure précoce d'Aloisio. On soutiendra ici que le Brésilien est un des tous meilleurs attaquants en Europe et que son absence a plus pesé au final que la suspension ultérieure d'Alex, plus efficace devant le but mais moins destructeur de défenses. L'incomparable point d'appui offert par Aloisio a immédiatement manqué aux Verts, qui ont semblé reculer d'un cran et perdre leurs assurances offensives. D'autant qu'en interne la barque était bien secouée.
Le départ de Nouzaret, premier d'une longue liste en D1, apparut vraiment comme une solution politique qui aggrava la situation sportive (notons que la blessure de Mettomo fut une autre calamité). John Toshack vint rompre les derniers équilibres du groupe avec un retour à la rigueur sans aucune utilité. Le départ honteux du Gallois laissa en effet un chaos plus grand encore, et la solution d'urgence (voire de désespoir) Wallemme-Garcia fit d'autant moins illusion que le jeu s'était entre-temps déplacé sur un autre terrain. L'année 2001 vit la valse des points entraîner le championnat dans sa danse funèbre, et une déprime rédhibitoire s'emparer de l'effectif stéphanois. La messe était dite.
Les causes entremêlées qui poussèrent le club au rang des relégués sont trop nombreuses pour qu'une seule soit désignée. Mais sans qu'il soit aujourd'hui possible de les définir précisément, les responsabilités des dirigeants sont accablantes, qu'elles surpassent ou non celles de leurs collègues monégasques et messins qui ont injustement échappé aux sanctions, que ces responsabilités soient de simple négligence (!) ou relèvent d'une complicité active. Ils payent aujourd'hui le prix d'ambitions qui ont gravement dérapé, inversant la progression d'un club qui avait tout pour s'installer dans l'élite française. Aujourd'hui, le rêve de Bompard s'est brisé sur le mur de la vanité. A-t-il encore les épaules pour rééditer l'exploit de la remontée, dans un contexte stéphanois qui est redevenu explosif? Le club se trouve en outre dans une situation absurde, obligé de brader une excellente équipe avec des joueurs de tout premier plan. On n'avait plus vu une aussi paradoxale misère depuis la banqueroute du FC Brest d'Yvinec.
A Saint-Etienne, les meilleurs atouts sont pourtant toujours là : un maillot, un stade, un public. Advienne que pourra.
La fiche de synthèse
agent trouble
Que savais Jean-Michel Aulas des passeports stéphanois, et pourquoi Alex n'a pas disputé le derby du 6 septembre?
calculs
Si Pedron avait cadré toutes ses frappes, combien de points aurait aujourd'hui l'AS Saint-Etienne?
la brève stéphanoise de l'année
Procès de l'ordre du temple Soler : c'était pas voyage vers Sirius, mais direction la D2.
consolation
Marseille a encore pris une claque à Geoffroy.
match de l'année
Saint-Etienne-Toulouse.
uchronie
Si Alain Bompard avait écouté les dirigeants toulousains dans son bureau le jour du match contre Toulouse et écarté Levytsky, y aurait-il eu une affaire des faux passeports?
fatalité
Ce n'est pas Jean-Guy Wallemme qui allait inverser les statistiques sur la réussite des entraîneurs-joueurs.
les boules de l'année
Ciao Alex, Aloisio, Pedron, Guel, Sarr, Potillon…