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Narcisse zéro

Les images de supporters jubilant au moment de s'apercevoir sur les écrans géants des stades ont criblé les retransmissions de matches. Une mécanique narcissique, mais pas dépourvue de sens. 

Auteur : Nicolas Che le 21 Juil 2014

 

 

Soumis tant à l’empire des images, qu’à la dictature du ralenti, voilà le football définitivement converti à la culture du narcissisme. Débarrassés du bourdonnement assourdissant des vuvuzelas, nous avons été, téléspectateurs de ce Mondial brésilien, voués à un carnaval de gesticulations de supporters projetant leur ego sur grand écran.

 


 

Je me vois donc je suis

Pathologie psychologique de ce début de siècle, le narcissisme avait déjà contaminé les footballeurs : dans ce registre, on prendra pour exemple récent Cristiano Ronaldo lors de la Ligue des champions 2014, célébrant son penalty non décisif par une auto-contemplation, comme pour compenser sa prestation fantomatique. L’installation d’écrans géants, au-delà de soumettre les spectateurs d’un spectacle vivant à la représentation télévisuelle de celui-ci, propage l’exaltation du narcissisme aux travées des stades.
 

Chaque arrêt de jeu, comme un silence inconfortable, doit désormais d’être comblé par des gros plans sur des visages scrutant leur propre scrutation. Obnubilés par le flot d’images, oublieux du privilège que constitue la présence dans les tribunes d’une Coupe du monde, surtout de cette qualité, l’enthousiasme d’être vu dépasse celui de voir. La mode du selfie s’empare des réalisateurs qui abreuvent les mises en scène des rencontres de l’ivresse du narcissisme, dérive onanique de la facebookisation des esprits, jusqu'a nous faire rater des instants de jeu.
 

Car si les supporters de football, notamment les ultras, font traditionnellement preuve d’une certaine théâtralité dans leur soutien, cela consiste avant tout en une démonstration d’unité, un éloge du collectif à travers la coordination d’un coréo ou d’un chant. Ici la représentation est individuelle, explosion spontanée d’autosatisfaction travestie en joie, une beuglante existentielle dépendant de la consommation d’images et du regard des autres. Le paraître prend le pas sur l’être. Le culte du moi au prix du vide intérieur.
 

 

Flatterie populiste

Dans son essai La culture du narcissisme (1979), le sociologue Christopher Lasch identifie, comme conséquence de cette culture, l’avènement d’une théâtralité de la vie quotidienne qu’il définit comme "l’emprise croissante de la conscience de soi – sentiment que le moi est un acteur constamment surveillé par les amis comme par les étrangers", "succession d’images ou de signaux électroniques, d’impressions enregistrées et reproduites". Le supporter s’objectivant dans le soutien qu’il apporte à son équipe, "la réalité prend l’apparence d’une illusion" par la médiation de l’image. Le spectacle devient un rapport social, et le spectateur l’acteur-vedette de sa propre existence.
 

La FIFA use de ce que Erving Goffman appelle la "bureaucratisation de l’esprit afin que l’on puisse compter sur nous, pour qu’au moment prévu nous donnions une prestation parfaitement homogène", une réaction attendue. Le narcissisme devient un outil de propagande. Jamais autant critiquée, la FIFA tente de juguler son hémorragie de turpitudes sur la place publique (corruption des instances dirigeantes, socialisation des coûts et privatisation des profits, mépris de classe...), en comblant l’ego démesuré de ses contemporains. Contrepoids aux manifestations violemment réprimées dans les rues, elle polit l’image de son produit par le biais d’une flatterie populiste.
 

La confédération internationale préfère même ignorer certains débordements remarqués en tribune, car des sanctions viendraient ternir cette stratégie par l’image. Les joueurs camerounais ont été la cible d’insultes homophobes, sans suites au motif que les injures n’auraient pas été destinées à un joueur en particulier. Idem pour les drapeaux néo-nazis brandis par des supporters croates et russes, car les supporters n’auraient pu être identifiés. Claudio Sulser, le président de la commission disciplinaire de la FIFA a même prétexté que de tels actes ne sont pas couverts par le code disciplinaire de l’instance.

Le narcissisme du destinataire de la propagande fait de lui un outil de celle-ci. Cible et vecteur ne font plus qu’un. Ne reste plus comme mince satisfaction le fait que Sepp Blatter ne peut apparaître sur l’écran géant sans être copieusement conspué.
 

Réactions

  • Jeff Tran Hui le 21/07/2014 à 11h00
    Mouais, je pense que vous y allez un peu fort dans l'analyse...

    La réalisateur filme les supporteurs(trices ?), ça me semble normal.
    Ils sont contents de se voir à l'écran, ça me semble normal aussi.

    Je ne pense pas qu'il faille chercher bien plus loin.

  • johnny gategueune le 21/07/2014 à 11h27
    @Jeff Tran Hui
    Euh, tout le monde a constaté le nombre délirant de plans sur les supporters, assorti de l'attente de leur réaction. Cela a été si systématique, chez tous les réalisateurs, que cela n'a pu que résulter de consignes. Le tout dans le contexte d'une réalisation qui a manqué, à chaque match, plusieurs minutes de jeu (sans parler de ses autres travers).

    Je pense que tu devrais aller chercher plus loin que ton commentaire. (merci pour l'article, qui fait cet effort)

  • vertigo le 21/07/2014 à 11h56
    Tout ceci me fait penser à quelque chose: je crois qu'en Italie il existe des émissions où les tifosi qui n'ont pas trop les moyens de se payer un abonnement peuvent suivre des matchs de Serie A en scrutant les réactions de journalistes-supporters commentant les matchs en studio.

    A terme, puisque les droits de retransmission de la Coupe du monde vont probablement devenir stratosphériques, la Fifa pourrait finir par proposer aux chaînes gratuites un deuxième produit moins cher qui consisterait en une succession de plans serrés sur les spectateurs présents dans le stade avec le son d'ambiance, permettant ainsi aux téléspectateurs les plus modestes d'essayer de comprendre ce qu'il se passe sur la pelouse.
    Bien sûr, ce concept ne pourrait pas être diffusé sur les écrans du stade, sinon on ne verrait qu'une succession de visages extatiques et de coucous adressés à la famille, aux amis et aux collègues restés à la maison.

  • suppdebastille le 21/07/2014 à 13h08
    Pal mal ce concept de balancer les restes de la bouffe aux pauvres.

  • vertigo le 21/07/2014 à 13h19
    J'ai pas dit que j'étais pour, hein... Juste que vu le chemin qu'a pris la Fifa, on peut tout imaginer.

  • Jeff Tran Hui le 21/07/2014 à 17h38
    @ johnny:

    Je vais développer:

    Si un supporter qui se voit apparaître sur un grand écran en est tout content, c'est normal. Ce n'est pas le supporter qui recherche absolument à être filmé (dans son immense majorité et j'exclus les déguisements rigolos et les supportrices courts vêtues) mais le réalisateur qui cherche à meubler. 99% des supporteurs présents le sont...pour voir le match, pas leur tronche sur écran géant.

    Donc, parler d'ivresse du narcissisme et de dérive onanique me semble quel que peu exagéré (et en plus onanique reste souligné en rouge dans le champ du commentaire et ça m'énerve)

  • poiuyt le 21/07/2014 à 17h48
    Euh...
    Une supportrice court vêtue, elle cherche forcément à être filmée, à montrée ses formes, etc... elle peut pas juste avoir envie d'avoir moins chaud, par hasard?

  • chapoto le 21/07/2014 à 23h14
    vertigo
    aujourd'hui à 11h56
    ---------------
    Fais attention à ne pas donner des idées à l'ATP.

  • André Pierre Ci-Gît Gnac le 22/07/2014 à 08h55
    Très bon article je trouve. Bien construit.

    Cependant, je pense qu'il faudrait également mettre ça en rapport avec une logique plus commerciale. En d'autres termes, voir si ces zoom ne sont pas l'occasion de donner de la visibilité aux produits des partenaires commerciaux de la Fifa (Budweiser par exemple.

  • Jeff Tran Hui le 22/07/2014 à 12h54
    @ poiuyt: Ben tiens ;)

    Je pense que vous comme moi savons faire la différence entre la supportrice lambda qui s'habille en conséquence en fonction de la température et la supportrice AW qui s'habille en conséquence pour passer sur écran géant.

    @ André Pierre: bonne remarque, ça me semble certain en effet. Budweiser paye assez cher pour remettre la bière dans les stades. Au moins on évite les "Budweiser replay" et autres "coca-cola super HD sky cam" en incrustation.

La revue des Cahiers du football