Le cable réseau du serveur étant presque saturé, merci de ne vous connecter qu'en cas d'absolue nécessité de vous amuser. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

À la Ligue, Judge Fred fait la loi

L'arrangement à 50 millions d'euros entre la LFP et l'AS Monaco montre une conception très particulière du droit. Dont l'instance est malheureusement coutumière.

Auteur : Pierre Barthélemy le 31 Jan 2014

 

 

Dans Judge Dredd, Sylvester Stallone déclare: "La loi, c’est moi". Frédéric Thiriez est avocat au Conseil et président d’une Ligue professionnelle, mais il n’est ni Judge Fredd ni législateur. Universalité de la loi, égalité de tous devant la loi, autant de principes dont la LFP semble s’amuser selon la nature des enjeux en présence – entre extrême sévérité pour les uns et petits arrangements avec les autres.
 

 


 

 

Pur opportunisme

Le 21 mars 2013, le Conseil d’administration de la LFP décide de modifier l’article 100 des règlements administratifs de la LFP en matière de domiciliation sportive. À compter du 1er juin 2014, le siège de la direction effective de la société constituant un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 doit impérativement être implanté sur le territoire français. Cette décision intervient alors même que Dmitri Rybolovlev vient d’acheter le club de l’AS Monaco et promet d’y investir substantiellement. Premier constat: un règlement centenaire à caractère universel fait donc soudainement l’objet d’une modification à objet individuel. Moralement, la méthode interpelle en ce qu’elle fait de la norme un outil malléable. Le régime fiscal dérogatoire de l’AS Monaco, accepté durant des décennies, devient donc inéquitable parce que son propriétaire est fortuné. Juridiquement, prendre une mesure réglementaire pour régir une situation individuelle est peu commun. Et ce d’autant plus que le droit considère bien souvent qu’un long silence devant un régime dérogatoire vaut acceptation tacite, et qu’une différence de situation (géographique et politique, en l’espèce) justifie une différence de traitement.


Cette manœuvre, de pur opportunisme économique, est néanmoins juridiquement difficilement contestable. En revanche, l’issue du différend qu’elle a fait naître entre l’AS Monaco et la LFP l’est bien davantage. En effet, dans une décision en date du 23 janvier 2014, soit six jours avant l’audience au fond au Conseil d’État, le Conseil d’administration de la LFP a autorisé son président à "finaliser la transaction" avec l’AS Monaco (lire aussi "Le dessus de table de l'AS Monaco"). 
 


Carte "Sortez de prison"

Régler un différend individuel par un mode alternatif comme la transaction est courant et vertueux. Autoriser une entité à s’abstraire de l’impérativité d’un texte à portée universelle est, en principe, parfaitement illégal [1]. Il ne s’agit pas ici d’une transaction mettant fin à un litige de droit privé [2], ni d'un arrangement pénal ou fiscal soldant une infraction passée, mais bien du paiement d’un "droit de ne pas respecter le droit pour l’avenir", si l'on peut dire. Car l’AS Monaco ne sera pas moins en infraction au 1er juin 2014 après avoir versé les 50 millions d’euros convenus. La LFP a simplement renoncé, contre de l’argent, à ne pas faire appliquer le droit qu’elle a elle-même établi [3].


Cette transaction, manifestement motivée par d’autres ambitions que le respect du droit, de la morale ou de l’équité, souffre donc d’une faiblesse originelle. D’une part, elle pourrait être illégale, car contraire à l’ordre public. D’autre part, elle n’est opposable qu’à la LFP... ce qui autorise tout tiers [4] à faire valoir le non-respect par l’AS Monaco dudit article 100. Rien ne semble interdire à chaque club de Ligue 1 de transiger avec l’AS Monaco la renonciation à tous recours contre le versement d’une somme d'argent. Le seul moyen de donner l’apparence de respecter le droit serait d’abroger cet article 100 avant qu’il n’entre en vigueur, alors même qu’il n’est précisé, ni les modalités de calcul du montant de 50 millions, ni pour quelle durée l’AS Monaco bénéficie de cette carte "Sortez de prison". Mais ce serait définitivement reconnaître que règlements et recours juridictionnels n’ont d’autre objet, dans l’esprit de la LFP, que de servir de levier financier.
 


Satisfaction des diffuseurs

Cette conception pécuniaire et utilitariste du droit et de ses principes heurte d’autant plus que cet épisode n’est guère isolé. Le week-end dernier, la ville de Bordeaux a pris, pour des raisons de sécurité, un arrêté interdisant la tenue de toute rencontre sportive sur les pelouses communales – dont le match entre les Girondins et l'AS Saint-Étienne. La LFP a choisi de passer outre afin de ne pas contrarier les diffuseurs. Elle a donc invoqué l’article 546 de son règlement, lequel prévoit l’inopposabilité par un propriétaire d’une interdiction d’accès à son terrain. Juridiquement, on peut s’étonner qu’un règlement sportif puisse permettre de passer outre une décision de police administrative garante de l’ordre public. Moralement, on peut s’inquiéter du fait que la satisfaction d’un diffuseur prenne le pas sur la sécurité des joueurs et des spectateurs présents au stade.


Pourtant, l’étonnement ne peut qu’être feint. En effet, la LFP montre depuis longtemps que les considérations financières et l’intérêt de ses diffuseurs priment sur la sécurité ou les libertés des spectateurs. Le conflit actuel avec le collectif Ligue 2 est à cet égard probant. Au-delà de la question d’une programmation horaire qui fait primer le téléspectateur sur le spectateur, ce différend traduit le peu d’égard de la LFP pour la liberté d’expression des supporters. Celle-ci a donc menacé les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 de les sanctionner si eux-mêmes ne sanctionnent pas leurs supporters se réclamant de leur droit à contester, par le truchement de banderoles, les horaires de programmation (lire "SOS Ligue 2 attaque la LFP en justice"). Ce commandement aux clubs de méconnaître leurs droits fondamentaux aux supporters semble pourtant n’interpeller personne.
 


L'ordre et la sécurité

Ce traitement fait écho à celui subi par les supporters matériellement les plus investis. En proposant explicitement d’interdire tous les déplacements de supporters (lire "La disparition programmée des Ultras"), la LFP se montre à nouveau encline à méconnaître un droit fondamental: la liberté d’aller et venir. S’il est possible d’interdire, individuellement et dans des circonstances de temps et de lieu précisément circonscrites, le déplacement de certaines personnes en vue de prévenir des troubles à l’ordre public, une interdiction absolue serait irrémédiablement illégale. Paradoxalement, la LFP invoque à cet effet la sécurité des spectateurs… cette même sécurité qu’elle leur dénie lorsque les conditions climatiques sont source de péril. La LFP invoque à cet effet la sauvegarde de l’ordre public… ce même ordre public qu’elle méconnaît en exigeant la tenue d’une rencontre sportive.


Annoncer vouloir méconnaître le droit pour menacer les éléments contestataires et plaire aux investisseurs est parfaitement symptomatique d’une dérive obsessionnelle de la LFP: valoriser les droits de retransmission.

 

[1] Lire à ce sujet la tribune de mon confrère Me Berthelot : "La Ligue réinvente les 'indulgences'". 
[2] L’article 2044 du code civil énonce que la transaction est "un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître".
[3] Pour rappel, l’article 433-1 du code pénal énonce qu’est "puni de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin […] qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat".
[4] Les articles 2051 et 2052 du code civil disposent que "la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés" et que "les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée".

 

Réactions

  • JL13 le 31/01/2014 à 08h32
    Pour ce qui concerne l'arrêté municipal d'interdiction de compétitions à Bordeaux, il me semble que la plainte d'une association ou même d'un particulier, contre la Ligue serait recevable, au motif des frais de remise en état de la pelouse par la Ville, Frais induits par le non respect de l'arrêté et payés par le "contribuable".....cette menace de remise en état, au frais du contrevenant, m'a permis dans le passé de faire appliquer cette décision..........surtout auprès de l'arbitre, si on lui dit que c'est lui, en tant que décisionnaire final, qui sera mis en cause.
    Une belle "affaire" pour un TA.

  • Chantôminho le 31/01/2014 à 09h29
    Bonjour JL13,
    je t'avoue n'être pas vraiment compétent sur cette question de responsabilité a priori civile. Je vais regarder ce point quand j'aurai un peu de temps.
    En revanche, je me pose sérieusement la question de la légalité d'un règlement autorisant son auteur à s'affranchir d'une mesure de police administrative.

  • syle le 31/01/2014 à 09h47
    Alors pour rendre à Jules ce qui appartient à César, Judge Fredd, c'est lui : lien

  • José-Mickaël le 31/01/2014 à 10h26
    Donc finalement, au vu de la note [3], c'est Thiriez ou Rybolovlev qui va faire dix ans de prison ?

  • loulou N le 31/01/2014 à 13h16
    merci pour cet article qui remet en perspective la position de la ligue professionnelle de football, simple émanation de la FFF, au regard du droit des individu, des clubs et surtout des collectivité territoriales.

    1)je permets d'y apporter des précisions:
    "Juridiquement, prendre une mesure réglementaire pour régir une situation individuelle est peu commun": c'est même illégal lorsque cette mesure n'a d'autre objet que d'impacter une situation sans aucun rapport avec un intérêt général; c'est du détournement de pouvoir.

    2)l'art 546 de la ligue ne peut s'opposer une interdiction d'accès lorsque celle ci est motivée par la sécurité publique d'une part parce qu'il s'agit d'une mesure de police édicté pour l(intérêt général (au pire un désaccord se règle devant le TA, y compris le cas échéant par des dommages intérêts.)

    3)"une interdiction absolue serait irrémédiablement illégale": absolument./ ce qui se conçoit pour un match dans un conteste particulier (psg om par exemple) ne peut s'appliquer à tous les matchs du championnat.

    4)@JL13

    pour cela il faut obtenir une "autorisation de plaider" devant le TA justement.
    mais ça ne marcherait probablement pas pour les raisons expliquées au 2, la commune ayant le pouvoir d'imposer son interdiction.

  • loulou N le 31/01/2014 à 13h20
    j'ajoute que si l'article 100 est maintenu tel quel, tous les matchs de l'ASM sont perdus comme quand joue un joueur non autorisé par exemple.

    et la pénalité de 50M ne permet effectivement pas de déroger, en principe, à la règle de la territorialité incluse par cet article.

    ceci dit je fais confiance à thiriez pour faire amicalement comprendre aux clubs l'intérêt qu'ils ont à ne pas faire de recours.

  • José-Mickaël le 31/01/2014 à 13h58
    Il y a quand même le 4è et le 18è du championnat qui auront intérêt à protester : le 4è pour récupérer la place de Monaco en C1, et le 18è afin de gagner une place si Monaco a tous ses matchs perdus.

    (De toute façon je ne vois pas quel intérêt les clubs français auraient à laisser Monaco devenir dominateur comme le P.S.G. Ça fait encore une place de moins pour exister, et de toute façon ce n'est pas la présence ou non de Monaco qui peut améliorer les finances du championnat.)

  • JL13 le 31/01/2014 à 14h11
    @loulou N

    Je précise, que dans l’arrêté que j'avais fait signer au Maire, il était précisé que tout contrevenant se verrait demander les coûts de remise en état.
    Lors de ma "discussion", (!), avec l'arbitre, en présence d'un huissier, je lui ai expliqué que nous considérerions que c'était lui qui prenait la décision de faire jouer le match.

  • Tous en slip le 31/01/2014 à 15h14
    Plutôt édifiant cet article ! J'y connais que dalle, mais je pose ma question quand même :

    L'Etat français ne pourrait-il pas s'en mêler pour faire appliquer ce règlement ?

    Je m'explique : le règlement qui impose que les clubs de L1 doivent avoir leur siège en France contraint normalement l'AS Monaco à poser ses valises en France et à se soumettre aux mêmes impôts que les autres clubs. Au-delà de l'équité sportive, cette mesure était un gros bonus pour la France, qui devait récupérer tout un tas d'impôts, non ? Le petit arrangement actuel fait gagner 50 M€ à la ligue, mais l'Etat perd, ou plutôt ne gagne pas un argent qu'il aurait pu espérer.

    Je suis à côté de la plaque ou pas ?

  • Chantôminho le 31/01/2014 à 15h36
    @Tous en slip

    Question aussi légitime que pertinente. Au lieu d'une rentrée fiscale pour l’État, on se retrouve avec une sorte de "droit d'entrée" dans le championnat dont seule la Ligue bénéficie. Étant acquis que les associations ou sociétés privées de football de L1 et de L2 vont toucher cet argent qui devrait être ventilé.

    La question est parfaitement traitée sur Une Balle Dans Le Pied (blog du lien).

La revue des Cahiers du football