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Le footballeur et le dictateur

Les joueurs d'exception – Peut-on s’opposer à la dictature en jouant au football? Retour sur l’engagement de Carlos Caszely, légende du football chilien, et sur son combat contre le régime militaire du général Pinochet.

Auteur : Pierre Cordier le 10 Jan 2014

 


17 juin 1982, Estadio Carlos Tartiere d’Oviedo. Le Chili affronte l’Autriche pour son entrée en lice dans le Mundial espagnol. Carlos Caszely, fauché quelques instants plus tôt, pose le ballon sur le point de penalty. Il recule jusqu’à la limite de la surface, engage sa course d’élan et arme une frappe forcée... à côté du montant droit. "Caszely se lo perdio" (Caszely l'a raté), s’exclame et répète le commentateur chilien, comme pour s’en convaincre. Ce jour-là, la Roja s’incline par un but à zéro. Deux défaites plus tard, la sélection rentre tristement au pays.
 

Rarement un penalty raté aura fait couler autant d’encre dans la presse chilienne, celle-ci faisant de Caszely le bouc émissaire d’un échec pourtant collectif. Le meilleur buteur de l’histoire de la sélection redevient indésirable en équipe nationale. Et peut-être pas seulement pour des raisons sportives. Car si Carlos Caszely est connu pour cet échec, il l'est aussi pour son engagement politique. Il fut en effet l’un des opposants les plus célèbres au régime militaire du général Pinochet.
 


Icône footballistique et politique

Carlos Caszely débute sa carrière professionnelle à Colo-Colo. Sa rapidité, ses dribbles et son intelligence face au but lui valent les faveurs des supporters et de la presse. En dehors des terrains, le droitier affiche ses convictions de gauche. Il soutient l’Unidad Popular, la coalition qui permet l’élection de Salvador Allende à la Présidence de la République en 1970, et s’affiche aux côtés de candidats communistes durant les élections parlementaires de 1973. Son engagement lui vaut les égards de la presse officielle et il fait régulièrement la couverture des journaux, montré en exemple pour la jeunesse et les travailleurs.
 

 


 

Sa carrière prend son envol au printemps 1973. Après une brillante campagne continentale, Colo-Colo atteint la finale de la Copa Libertadores face au tenant du titre, l’Independiente. Dans le même temps, le Chili est en proie à une grave crise: l’économie est en récession, les mouvements de mécontentement se multiplient et l’armée se prépare pour renverser le gouvernement. En cette période de trouble, l’épopée du plus populaire des clubs chiliens donne un peu d’air au président Allende, qui compte bien profiter de l’image médiatique du meilleur buteur de la Copa Libertadores.
 

Peu avant la finale, Carlos Caszely est invité au palais présidentiel pour y annoncer son intention de rester au Chili malgré les offres mirobolantes de clubs étrangers: "Je ne suis pas une chose qu’on négocie, je ne suis pas une marchandise. Tout ce que je suis en train d’apprendre, je veux le rendre à la jeunesse chilienne et me dédier à la formation de nouveaux footballeurs." Peu après la finale aller, où Colo-Colo décroche un nul prometteur à Buenos Aires, le président Allende bouscule son agenda pour féliciter les joueurs. Pour la traditionnelle photo de presse, il s’affiche avec Caszely, un bras fraternellement posé sur son épaule. Quelques semaines plus tard, la photo a déjà jauni. Colo-Colo perd la finale — après prolongation lors du match d’appui — et Caszely signe avec le club espagnol de Levante. Aux journalistes qui lui rappellent sa promesse, le joueur se justifie en expliquant que l’argent du transfert servira à terminer la construction du grand stade et permettra à des milliers d’enfants de jouer au football. Et à ceux qui l’interrogent sur son futur salaire, il répond en riant: "C’est curieux, mais je ne m’en souviens plus."
 


1973-74 : coup d’État...

Le 11 septembre 1973, l’armée dirigée par le général Pinochet prend le contrôle du pays par la force. Le président Allende, retranché dans son palais bombardé, se suicide. Une longue période de dictature débute. Le régime militaire contrôle la presse, restreint la liberté d’opinion politique et place ses hommes à la tête des institutions sportives.
 

 


 

 

Sur le plan sportif, le coup d’État intervient lors des éliminatoires pour le Mondial 1974, à l'occasion desquels le Chili doit affronter l’URSS. Après un match nul à Moscou, la sélection soviétique refuse de jouer le retour à Santiago, dans un Estadio Nacional servant de prison aux opposants à la dictature. Un simulacre de match est tout de même organisé devant 18.000 spectateurs, au cours duquel le onze chilien s’engage dans la moitié de terrain adverse vide, et marque le but de la qualification. La FIFA sanctionne l’absence des Soviétiques tandis que le Chili s'envole pour l'Allemagne.
 

Peu avant son départ, l’équipe nationale est présentée au chef de l’État. Lorsque Pinochet tend la main à Caszely, dont la mère a été séquestrée et torturée par les militaires quelques mois plus tôt, le joueur range la sienne dans son dos. "Je ne sais pas si je l’ai fait par courage ou par peur, j’ai simplement senti le soutien de tout un peuple en train de souffrir." Ce geste fort, qui a fait la légende du joueur, lui coûtera sans doute cher quelques mois plus tard.
 


…et Coupe du monde

Lors du match inaugural, la RFA, favorite de son Mondial, reçoit le Chili à l’Olympiastadion de Berlin-Ouest. À l’heure de jeu, Caszely reçoit son deuxième avertissement et par la même occasion le premier carton rouge de l’histoire du football. Le Chili s’incline un but à zéro. Deux matches nuls plus tard, la Roja est éliminée et la presse chilienne accable l'attaquant, épinglant tout ce qui pourrait être lui être reproché, jusqu’à son attitude désinvolte lors de l’hymne national. Selon certains, il aurait délibérément provoqué son exclusion pour ne pas avoir à jouer le match suivant contre ses camarades de la RDA.
 

Carlos Caszely est écarté de l’équipe nationale. Les dirigeants du football chilien recommandent à plusieurs reprises au sélectionneur de ne pas le convoquer. Et pour palier son absence en attaque, le DTN présélectionne Oscar Fabbiani, un joueur… argentin, naturalisé chilien dans un délai de quarante-huit heures. Caszely se concentre alors sur sa carrière en club et demande la double nationalité espagnole pour ne plus occuper un poste d’étranger dans le championnat. La presse chilienne ne manque pas de condamner la démarche, le qualifiant de "traître à la patrie". Transféré à l’Espanyol Barcelone, il y inscrit 29 buts en 46 matches.
 


1978 : le retour au pays

En mal du pays, Caszely décide de rentrer au Chili en 1978. Il retrouve le club de ses débuts, Colo-Colo, qui ne domine plus le championnat depuis qu’il s’est séparé de son attaquant vedette. Dans le nouveau stade Monumental, l'enfant prodigue est accueilli en héros. Pour ses trois premières saisons en Noir et Blanc, il termine trois fois meilleur buteur du championnat et remporte deux titres de champion et une coupe nationale. Toujours engagé contre le régime militaire – il appelle à voter non au référendum pour ratifier la constitution et demande le départ de Pinochet – il reste indésirable en sélection. Mais les ternes prestations de son pays rendent sa convocation inévitable.
 

Dès sa réintégration, la Roja reprend des couleurs. En 1979, Caszely emmène les siens jusqu’en finale de la Copa America, dont il est élu meilleur joueur. Il participe également aux éliminatoires du Mondial 1982, qui mènent le Chili en Espagne et à son fameux penalty raté face à l’Autriche. Décidément maudit en Coupe du monde, il ne réapparaîtra qu’à de rares occasions en équipe nationale. Il continuera cependant à être acclamé par les supporters du Colo-Colo, où il remportera encore un titre de champion et deux coupes jusqu’à sa retraite en 1985. Son match d’adieu est précédé d’un vibrant hommage que la télévision d’État omet de diffuser, préférant… une interview de l’arbitre.
 

Son retrait des terrains ne l’empêche pas de continuer à s’engager en politique. Lors du référendum de 1988, Caszely apparaît avec sa mère dans la campagne contre la prorogation de Pinochet au pouvoir. La victoire du No ouvrira progressivement la voie à la démocratie et à sa réhabilitation. Depuis reconverti en journaliste sportif, il continue à s’inviter ponctuellement dans les affaires politiques. Si bien qu’aujourd’hui, Carlos Caszely est un prétendant sérieux au poste de ministre des Sports du nouveau gouvernement chilien.

 

Réactions

  • Pas haut les tas! le 10/01/2014 à 09h52
    Je ne connaissais même pas ce monsieur. merci pour la découverte.
    Il fallait les avoir bien accrochées pour oser ne pas serrer la main de Pinochet ... Et pour retourner au pays en 1978 quand la junte était encore au pouvoir, si je ne m'abuse!

    Il n'a pas été plus embêté que ça? Intimidations, enlèvement, torture, non? L'article n'en parle pas.

    Est-ce son statut qui l'a protégé? il s'est planqué?

    Si on pouvait éclairer ma lanterne ...

  • Pascal Amateur le 10/01/2014 à 10h39
    La main dans le dos, le vrai geste anti-système.

  • Mangeur Vasqué le 11/01/2014 à 09h22
    Merci pour cet article, intéressant. Quelques amis chiliens de Sheffield m’avaient parlé de Carlos Caszely y’a 20 ans quand je vivais dans le South Yorkshire (bonne communauté chilienne à Sheffield, ville principale de ce comté surnommé « The Socialist Republic of South Yorkshire » dans les années 80 pour sa politique anti Thatcher).

    Toutes proportions gardées, son histoire me rappelle le geste de Stan Cullis, le grand entraîneur des Wolves dans les années 50-60 et ex international anglais (Puskas le considérait comme le meilleur arrière central de l’époque mais la guerre lui vola ses meilleures années et il n’obtint que 12 capes. Cullis est aussi, bien sûr, indirectement à l’origine de la création de la C1).

    Cullis fut le seul Anglais à refuser de faire le salut nazi lors de ce funeste Allemagne-Angleterre (3-6) du 14 mai 1938 à Berlin. Pour éviter tout incident diplomatique, il fut décidé de ne pas l’aligner (salut ordonné par le Foreign Office à ses joueurs au nom de la politique d’apaisement du Premier Ministre britannique, Neville Chamberlain).

La revue des Cahiers du football