FK Vozdovac, le club sur le toit
En Serbie, le FK Voždovac évolue dans un stade flambant neuf... construit au sommet d'un immeuble. Ambitieux, le club de ce quartier de Belgrade est pour l'instant coincé dans l'ascenseur. Malgré Stefan Babovic.
La folie du naming n'a pas encore atteint Belgrade. À quelques kilomètres des deux enceintes mythiques, le Marakana et le Stadion Partizana, mais aussi de celle du Rad, un petit club a inauguré cet été un stade ultramoderne. Son nom: le Stadion Event Place. Posé avec majesté sur le toit d'un centre commercial de 75.000 m². À trente mètres du sol, ce serait donc le plus haut stade d'Europe...
Le tout a été bâti en quelques mois sur les ruines de l'ancien terrain du FK Voždovac. Voilà comment le club du quartier du même nom, au sud de la capitale, a fêté son retour parmi l'élite du football serbe (une accession obtenue après la rétrogradation administrative du Hajduk Kula). En bonus, il offre une vidéo promotionnelle qui fait le tour du web (voir ci-dessous).
"Le projet a été mis sur pied avec l'appui d'une société allemande, le club n'a rien eu à payer, d'autant que le centre commercial, qui a créé 800 emplois, est loué par les boutiques", explique Srdjan Stojic, journaliste à Sportski zurnal. Côté football, l'ouverture de la saison s'annonce prometteuse: 4.000 spectateurs (pour une capacité de 5.200 sièges) assistent à un match nul contre Jagodina.
Depuis, les Dragons — surnom officiel du club au maillot blanc et rouge — ne sont toutefois revenus que deux fois dans leur antre. La raison? Elle n'est pas homologuée pour les rencontres classées à hauts risques, soit celles contre les clubs phares du pays. Pourtant, le FK Voždovac se vante sur son site Internet de répondre aux "standards de l'UEFA"...
Le soutien des Invalides
Mi-décembre, pour la troisième affiche au sommet de l'immeuble, l'affluence a chuté: 200 spectateurs sont les témoins, impuissants malgré le flot d'insultes et la dizaine d'occasions franches de leurs protégés, de la défaite contre le Sloboda Uzice (0-2). La météo n'a sans doute pas aidé les gradins à se remplir. Un vent glacial balaie la pelouse (un synthétique gelé).
Les arbitres placés derrière les buts et les ramasseurs de balle tentent de se réchauffer comme ils peuvent, dans un espace réduit. Car non seulement le mur se dresse à quatre mètres de la ligne, mais en plus le terrain est cerné par une muraille de neige haute d'un mètre (forcément, à moins de jeter la neige par dessus le toit, l'évacuation semble bien difficile).
Dans la tribune nord, la trentaine d'Invalides — le surnom donné, sans rire, aux ultras locaux — ose quand même démarrer quelques chants. Sans piment. Et à la trêve hivernale, qui dure deux mois et demi en Serbie, Voždovac occupe une modeste onzième place, à 17 longueurs de la tête. Autant dire que l'ambition du président Branimir Babarogic de créer la troisième puissance du pays — donc de la ville —, derrière le Partizan et l’Étoile rouge, va prendre un poil de retard. Encore plus dans les coeurs des Serbes, où le FK Voždovac occupe autant de place qu'une rose posée dans le gigantesque cimetière, situé de l'autre côté de la rue.
Déjà des rêves d'Europe
Comme quoi, un stade à 50 millions d'euros, un nouveau logo et un nouveau site Internet ne suffisent pas. Ni même des recrues haut de gamme pour la Jelen Super Liga: des joueurs de la trempe de Stefan Babovic ou de Dejan Milovanovic, dont Nantais et Lensois se souviennent. Ou pas d'ailleurs. Soit tout de même les anciens capitaines du Partizan et de l’Étoile rouge. Techniquement, Babovic [1] est d'ailleurs au-dessus du lot sur son côté droit ce jour-là contre Uzice. C'est aussi une véritable star locale, qui a prétexté une histoire de garde d'enfants pour esquiver nos questions après la rencontre.
Las, ni Babovic ni Milovanovic ne parviendront à égaler la miraculeuse troisième place décrochée par le FK Voždovac, lors d'une de ses rares saisons parmi l'élite... C'était en 2006, lors du dernier championnat de Serbie-Monténégro. Le club avait alors refusé de s'inscrire en coupe de l'UEFA, faute de moyens. Une autre époque, vraiment, car à en croire le club belgradois aujourd'hui, il compte bien s'installer durablement dans le paysage européen. Mais seulement une fois que l'ascenseur qui monte au stade franchira le premier étage.
[1] Il est arrivé de Saragosse au dernier jour du mercato. Sa signature chez les Dragons sent toutefois l'entourloupe: il se murmure que sa sœur, mariée au coach de l'équipe, a joué les intermédiaires de service...