L’Euro dans tous ses États
L'UEFA veut organiser l'Euro 2020 à travers toute l'Europe... Proposons une jolie variante: les Euros des grandes régions du continent. Neuf projets sur une carte interactive.
Il y a un peu moins d’un an, le Comité exécutif de l’UEFA annonçait, à la surprise générale, que l’organisation de la phase finale de l’Euro 2020 ne serait pas confiée à un ou deux pays comme à l’accoutumée, mais que celle-ci se déroulerait à travers toute l’Europe. Une initiative séduisante à première vue, bien que les motivations cet "Euro pour l’Europe" soient largement politiques, Michel Platini nous ayant habitués à sa conception de l’élargissement comme élargissement de sa base électorale: ce fut le cas avec le passage de l’Euro à vingt-quatre équipes et sa réforme de la coupe d’Europe, cela l’est encore avec sa récente proposition de Coupe du monde à quarante.
Plutôt qu’un éclair d’inventivité ayant traversé la salle de réunion du Comité, il semble justement que la genèse de cette idée soit, au moins en partie, à chercher dans cette expansion de la phase finale: une façon habile de rattraper une décision mal pensée, comme on peut le deviner dans ces propos de Gianni Infantino, le secrétaire général de l’UEFA: "Évidemment, le fait que la phase finale de l'Euro mette désormais en lice vingt-quatre équipes au lieu de seize impose des contraintes supplémentaires pour les pays candidats. Pour de nombreux pays, il devient de plus en plus difficile de postuler en raison des exigences de plus en plus élevées." Ce n’est pas le Portugal où la Grèce qui diront le contraire (lire "Le Portugal pas encore sorti de l'Euro").
Un "Euro pour l’Europe" ?
Mais ne boudons pas notre plaisir. En ces temps de montée des nationalismes où le pointage du doigt d’un pays par un autre est le quotidien des instances bruxelloises, un événement sportif de grande ampleur à même de mettre en valeur un sentiment pro-européen peut être salué, voire encouragé.
Cependant, plusieurs défis seront à relever pour les organisateurs et les participants (équipes comme supporters) à cet Euro trans-européen, et notamment la gestion des transports. Les treize sites qui accueilleront les différentes rencontres ne sont pas encore choisis, mais on peut supposer qu’une équipe qui ira loin dans la compétition rencontrera forcément, à un moment ou à un autre, le problème de la distance. Là où traditionnellement les sélections posaient leurs valises dans un ou deux lieux durant tout le tournoi, les intendants et autres responsables de la logistique vont avoir du travail sur un Euro s’étalant potentiellement de Moscou à Lisbonne. Et l’on imagine également sans mal la quasi-impossibilité pour un supporter lambda de suivre son équipe sur toute la durée du tournoi.
Un autre écueil concerne, justement, le choix des sites. Pour en faire un Euro "de l'unité et du partage d'expériences" (selon le communiqué de l’UEFA), il serait dommageable que la sélection se borne à prendre le plus grand stade disponible dans chacun des pays représentants les treize fédérations les plus influentes au sein de l’UEFA. Chaque rencontre serait alors l’occasion d’un défilé d’apparatchiks locaux, ce qui semble peu propice à la réussite de la "grande fête dans toute l’Europe" souhaitée initialement. Malheureusement, cela est à craindre.
Des Euros en Europe !
Une alternative serait alors une organisation intermédiaire, un Euro se déroulant dans plusieurs pays mais dans une zone géographique restreinte, qui inclurait un continuum culturel et faciliterait les transports des équipes comme des supporters. Un Euro qui rappellerait qu’avant d’être un regroupement d’États essayant tant bien que mal de cohabiter ensemble, l’Europe est avant tout un continent avec ses fleuves, ses montagnes, ses rivages, qui furent jadis propices à la circulation des hommes et des idées. Financièrement plus souple à gérer pour les villes et collectivités qu’un Euro dans un seul pays, cela aurait de plus un vrai intérêt en terme de tourisme et pourrait même, peut-être, un petit peu, créer un quelque chose se rapprochant d’une "européanitude" (terme non contractuel) parmi les populations concernées.
Dans cette optique, en regardant simplement une carte de l’Europe, six grands espaces se dégagent alors d’eux-mêmes : bassin méditerranéen, façade Atlantique, mer du Nord et Baltique, vallées du Rhin et du Danube, chaîne des Alpes, mer Noire et Caucase. En assouplissant les critères de capacité des stades (lire ci-dessous), nous avons défini neuf Euros (pour le détail des villes et des stades, voir aussi, plus bas, la carte interactive).
La question se pose de savoir si, en termes de sites d’organisation, ces espaces contiennent assez de stades satisfaisant aux critères de l’UEFA. Petit rappel, pour l’Euro 2020 ils sont ceux-ci: "La capacité minimum nette requise sera de 70.000 places pour les demi-finales et la finale, 60.000 pour les quarts de finale, 50.000 pour les 8es de finale et les matches de groupes. Et afin d’ouvrir le plus des possibilités d’organisation pour un plus grand nombre de pays et de villes, deux exceptions seront accordées pour les stades d’une capacité minimale nette de 30.000 places, pour les matches de groupes et les 8es de finale."
Ces contraintes sont les plus exigeantes jamais définies pour un Euro, et rédhibitoires pour tout autre compétition qu’un Euro organisé à travers tout le continent. À titre de comparaison, l’Euro 2016 sera organisé sur seulement dix stades, dont cinq ont une capacité inférieure à 45.000 places. En partant du principe qu’avec un Euro à 24 le nombre de “petites” équipes va augmenter, et qu’il n’est alors pas nécessaire de n’avoir que des enceintes géantes, il suffit donc d’assouplir légèrement ces critères et l’on peut dresser pour chaque espace concerné une liste de dix stades tout à fait adéquats pour organiser jusqu’à neuf “Euros EN Europe”.
Carte interactive
Voici donc nos neuf Euros trans-européens, et deux Euros bonus pour prendre le parti inverse, celui d'un championnat d'Europe dans une seule ville: ceux du Great London et du Grand Paris.
Texte Matthias Cunha, webmap réalisée par Mathieu Garnier (@matamix).
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