Dans les cartons des Dé-managers : #1
Une "Gazette" tactique pour revenir sur les hauts-faits du week-end, c'est à partir de dorénavant sur les Cahiers avec Les Dé-Managers.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les trois dé-managers regardent des matches des différents championnats européens sans y trouver la matière suffisante pour écrire des articles entiers. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a rien à en dire d’un point de vue tactique, même sans schémas alambiqués et notions pseudo-savantes. Billet(s) d’humeur du week-end.
Et vive le kick and wait !
Christophe Kuchly – Le kick and rush, c’est rigolo. Bon, bien sûr, sur la durée il lasse et heureusement qu’il existe d’autres philosophies de jeu. Mais voir une équipe attendre derrière et balancer de grands coups de botte devant a parfois un côté incongru et anachronique. Bref, rafraîchissant. C’est au moins le cas pour moi, qui ne suis pas tellement les championnats britanniques, et ce sentiment est sans doute partagé par beaucoup d’amoureux d’une approche plus latine du football et de la tactique.
Samedi, surtout en fin de partie, Osasuna nous a offert autre chose, un football du genre minimaliste mais exécuté à la perfection: du kick and wait. Le concept n’est pas très difficile à imaginer, il consiste à rendre volontairement le ballon à l’adversaire et à attendre devant son but. Une version inversée mais finalement tout aussi totalitaire du football que celle pratiquée par Barcelone depuis Guardiola. Plutôt que de confisquer le ballon, on le refuse, ce qui est encore plus facile à faire. À l’adversaire de se débrouiller pour réussir à en faire quelque chose. Magnifiée par José Mourinho lors d’un célèbre match retour de Ligue des champions majoritairement disputé à dix, cette philosophie est d’autant plus intéressante qu’elle est menée de manière licite et jusqu’au-boutiste.
Pas de coups plus ou moins vicieux pour stopper les attaquants adverses (seulement trois jaunes, tous dans le dernier quart d’heure), pas non plus de buteur laissé en pointe au cas où il y aurait une opportunité de contre-attaque, mais un simple refus de jeu. C’est moche mais c’est beau. Et quand ça permet de ne pas prendre de but face à Barcelone alors qu’on aligne une défense avec Jordan Lotiès, ça ne peut qu’être salué.
Tous milieux
Raphaël Cosmidis – De Londres à Florence, en passant par Newcastle ou Rome, les équipes “victorieuses” auront toutes dominé le milieu du terrain par le nombre. Le trio De Rossi-Strootman-Pjanic domina le duo Inler-Behrami, le trio Tioté-Cabaye-Sissoko se joua de Gerrard et Henderson, et la supériorité numérique (ainsi que technique) prit aussi le contrôle des matches Fiorentina-Juve et Arsenal-Norwich.
Ce week-end n’est qu’un moment isolé, mais il traduit une tendance: la disparition du double pivot en tant que duo délaissé. Si Newcastle et Arsenal jouent dans un dispositif appelé 4-2-3-1, il serait plus judicieux de trouver une nouvelle façon de qualifier les formations afin de coller à la réalité. Sissoko rejoint régulièrement Tioté et Cabaye pour dessiner un triangle, tandis que Wilshere, Cazorla et Özil l’ont fait à tour de rôle avec les Gunners. Le 4-3-3 n’est plus aussi influent qu’il a pu l’être dans les années 2000, mais il a établi une règle: le milieu est supérieur ou égal à trois. Il n’est plus en V comme lors de la grande période lyonnaise, mais inversé, avec une pointe haute. Le “4-2-1-3” est apparu ces derniers temps dans le vocabulaire tactique, sa meilleure illustration étant sans doute le trident espagnol vainqueur des deux dernières grandes compétitions: Busquets-Xabi Alonso placés derrière Xavi.
Raymond Verheijen, entraîneur adjoint du Pays de Galles, critique régulièrement David Moyes sur Twitter. Récemment, il a visé le coach de Manchester United pour son manque d’autorité et son erreur tactique d’opter pour un 4-4-2 “old school”, sans attaquant qui redescend. Wayne Rooney a affirmé son désir de ne plus jouer au milieu comme il le faisait sous Ferguson, et son égoïsme coûte à United de la fluidité et de la variété dans le jeu. L’extrême étant, évidemment, à nouveau, incarné par Pep Guardiola et son Bayern, qui compte beaucoup de milieux et convertit ceux qui ne l’étaient pas au poste...
On a aimé
L’entente cordiale entre Morel et Thauvin sur le côté gauche marseillais, qui aura retrouvé de sa superbe lors une somptueuse volée du dernier à la conclusion d’un centre parfait du premier.
La souplesse d’Ibrahimovic, qui par ses capacités athlétiques inédites sur un terrain de football, ressuscite des actions mal embarquées.
L’entrée en jeu de Maxwell au milieu de terrain face à Bastia, qui bien que courte, aura une fois de plus montré que le dénommé Sherrer a la palette technique et l’intelligence d’un milieu de très haut niveau.
Le retour de Philipp Lahm à son poste de latéral à la mi-temps du match contre Mainz, à la place d’un Rafinha transparent, et par ricochet, le replacement de Schweinsteiger à la récupération.
L’entrée en jeu de Götze, très disponible entre les lignes, et sa passe en profondeur entre les défenseurs qui aboutit à l’égalisation d’Arjen Robben.
L’audace de Borja Valero sur le quatrième but de la Fiorentina, qui au lieu de contrôler un ballon qui vient de très haut, lance miraculeusement, en une touche, extérieur du pied droit, Cuadrado pour la contre-attaque.
Les déviations en une touche de Totti qui, depuis sa position d’avant-centre reculé et sans courir, a montré qu’on pouvait influer sur le jeu grâce à la technique et la science du placement offensif.
La renaissance de Gervinho, qui percée après percée, a ennuyé la défense napolitaine toute la soirée. Le coup franc de Pjanic existe grâce à une de ses différences.
L’appel de Rodrigo Palacio qui se signale à son partenaire, se fait oublier par la défense et surgit pour la devancer. Avec une simple course digne d’un receveur de NFL, il transforme le centre en bout de course de Belfodil en but alors qu’ils sont deux Interistes face à six joueurs du Torino.
On a moins aimé
La faille spatio-temporelle dans laquelle sont tombés les défenseurs de la Juve, seule explication rationnelle à l’absence totale de marquage dont Joaquin a su profiter sur son but.
La fin de partie sans queue ni tête de l’Atlético Madrid de Simeone, qui a sorti ses relayeurs au profit de petits gabarits offensifs, coupant l’équipe en deux sans jamais plus pouvoir franchir le milieu de l’Espanyol.
Les montées sans couverture de Dodô, remplaçant d’un jour du suspendu Balzaretti sur le côté gauche de la défense de la Roma. Restées sans conséquences grâce aux poteaux, elles n’ont en plus pas tellement aidé un Gervinho qui n’a pas besoin du surnombre apporté par un latéral pour tenter, souvent avec succès, d’éliminer les défenseurs.
Le rôle sans queue ni tête de Marek Hamsik dans le 4-2-3-1 du Napoli. Trop haut pour influer sur le jeu, jamais servi, il perd même sa capacité à attirer des adversaires par la menace qu’il représenterait. Dans ce schéma, il a besoin d’un numéro 9 fort pour bénéficier des deuxièmes ballons et combiner dans l’axe, ce que Pandev ne permet pas.
La défense cataclysmique de la Lazio, particulièrement sur le but vainqueur de German Denis pour l’Atalanta. Trois joueurs couvrent le hors-jeu, le premier tente de revenir, le deuxième marche, le troisième ne bouge pas d’un centimètre.
La réalisation du match Bayern - Mayence, aux plans trop serrés pour apprécier la qualité du match. Bon courage aux entraîneurs pour analyser la partie après coup quand on voit à peine huit joueurs à l’écran.
La décla
“Il a toujours beaucoup d’espace mais il dispose de cet espace en le créant par sa vision et son contrôle de balle”, Dennis Bergkamp sur Mesut Özil.
La revue de presse anglophone
Zonal Marking continue sa série sur les changements d’entraîneurs dans les grands clubs: au tour de Tata Martino pour un examen quasi exhaustif du Barça 2013/2014.
Le rapport daté de 1978 d’un recruteur du Barça (et pas n’importe qui, César Rodriguez) sur Maradona, qui avait alors 17 ans. Plutôt clairvoyant.
Analyse de la popularité du 4-2-3-1 en Premier League, délivrée par le très bon Bleacher Report.
David Moyes veut que Manchester passe par les ailes pour faire la différence. Pour l’instant, le résultat n’est pas à la hauteur, explique Miguel Delaney.
Présentation par Sam Tighe du match entre Arsenal et le Borussia, duel entre deux équipes au style de jeu relativement proche.
Jonathan Wilson peut écrire sur tout. Cette semaine, il a décidé d’étudier les différentes possibilités tactique à la disposition de Gus Poyet, le nouveau coach de Sunderland.