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Buffon, il solo

Camp d’éloges – Le gardien de la Juve vient d’égaler le record de sélections avec l’Italie. Malgré une personnalité énigmatique, il est depuis longtemps entré au panthéon de sa profession.

Auteur : Christophe Zemmour le 26 Sept 2013

 


“Quand, enfant, j’entrais dans le stade Luigi-Ferraris, je rêvais les yeux grands ouverts de devenir un jour le nouveau De Prà… D’interpréter le rôle fascinant du gardien de but et d'être une référence universelle. Une légende.” C’est ce qu’écrit Gianluigi Buffon dans la préface d’une biographie de l’illustre Giovanni De Prà. Celui qui reste encore le gardien de but le plus cher de l’histoire [1] a d'ores et déjà sa place parmi les très grands de son sport. Mardi dernier, Buffon a égalé le nombre de sélections de Fabio Cannavaro (136), rejoignant celui qui “fut (son) chevalier” et l’auteur de son premier but encaissé sur un csc lors de ses débuts azzurri.
 


Gardien à réaction

L'anecdote est connue: Buffon a nommé son fils Thomas, en référence à son idole Thomas N’Kono. Les performances du portier camerounais lors du Mondiale 1990 font rêver le jeune Gianluigi, alors âgé de douze ans. Comme N’Kono, et à l’image de la tradition italienne, Buffon est avant tout un gardien à réaction, qui commande sa surface de réparation, loin de ce que peut être un goal-libéro. De son rôle, il pense ceci [2]: “Ma position de gardien de but consiste beaucoup à observer, attendre, et ensuite réagir au bon moment. Peu importe combien je m’entraîne, je suis incapable de contrôler totalement la situation et j’aime vraiment cette incertitude”. L’une de ses rares faiblesses vient peut-être de cette position très reculée, de laquelle ses arrêts réflexes extraordinaires peuvent parfois renvoyer le ballon dans les pieds des attaquants. Pieds dans lesquels son tempérament fougueux et téméraire l’a toujours poussé à sortir sans ménagement.
 

 



 

Car Gianluigi Buffon est un excentrique, un instinctif, un leader démonstratif qui donne de la voix quand Fratelli d’Italia résonne. Son caractère est à l’opposé du discret Dino Zoff, autre légende des bois transalpins, autre gardien artisan d’un titre mondial. Savoir qui est le meilleur des deux est l’un de ces délicieux et éternels débats sévissant entre amoureux du ballon rond. Zoff a d’ailleurs un avis bien particulier à ce sujet: selon lui, le jeune Buffon est le plus grand gardien de but de tous les temps, mais le Buffon trentenaire est moins bon que lui au même âge. Les comparaisons avec les glorieux anciens, et en particulier Lev Yachine, ne datent pas d’hier. Déjà, pour sa première sélection en Russie, les observateurs dirent de lui qu’il pouvait devenir aussi fort que l’Araignée noire. Ce à quoi l’ambitieux Buffon répondit: “Et pourquoi pas plus encore?”
 


L’instinct et l’héritage

Avec son profil athlétique et son mètre 91, le portier de la Juventus est dans la lignée de Peter Schmeichel et Oliver Kahn, quoique moins musculeux [3]. Buffon a grandi dans une famille de sportifs: ses parents pratiquaient le lancer du poids (sa mère Maria Stella fut trois fois championne d’Italie), son oncle Dante a été international de basket-ball et un cousin au second degré, Lorenzo, fut le gardien de but du Milan et de l’Inter dans les années 50-60. “À cause ou plutôt grâce à lui, j'ai été très ambitieux dès le départ", confie Gianluigi. Avec ses soeurs volleyeuses Guendalina et Veronica, il s’initie dès son plus jeune âge à un jeu où il faut dévier le ballon avec les mains. Mais le football reste son sport favori, dans lequel il évolue comme attaquant jusqu’à ses treize ans. Il vient au poste de gardien presque par hasard. “C’est ainsi que les choses étaient écrites. Peut-être avais-je juste un don qui attendait d’éclore”, dit-il.
 

Buffon est donc à la fois un héritier et un instinctif, un gardien unique. “Je n’avais jamais eu d’entraînement classique et en un sens, cela m’a probablement aidé. Je n’avais pas le temps de réfléchir donc j’agissais à l’instinct.” Voilà comment est né, tardivement et empiriquement, le gardien Gianluigi Buffon. Il se définit comme quelqu’un possédant une “immense curiosité à propos de tout”, qui s’initie aux choses “en s’amusant”, comme une personne qui “respecte (son) ignorance” et “garde son sens de l’humour”. Le choix du football comme profession est également un moyen pour lui de trouver une activité aux règles bien définies qui lui permet de s’amuser tout en évitant d’être distrait.
 


Passage dépressif

Ce rôle de clown, de bouffon comme son nom l’indique, Gianluigi l’assume parfaitement. Pour lui, il s’agit de “jouer avec les règles, de maintenir de façon intentionnelle un lien entre le sport et le spectacle”. Buffon est un homme qui veut vivre pleinement, sans cesse en quête de soi. Si bien qu’il traverse une difficile dépression entre décembre 2003 et juin 2004. Cet épisode sombre, qu’il définit comme “le passage à l’âge adulte”, l’a amené à douter de ses propres qualités humaines, à plonger dans une crise de confiance. La saison précédente, la finale de C1 perdue aux tirs au but face au Milan le marque profondément. Pourtant auteur sur une tête de Filippo Inzaghi de l'arrêt qu'il juge comme son plus beau, et brillant lors de la séance en stoppant deux tentatives, son échec face à Alessandro Nesta le mine, persuadé qu’il était d’arrêter son tir. Lorsque Andrei Chevtchenko s’avance pour donner la victoire aux Rossoneri, il est "déjà dans les vestiaires, l’adrénaline (l’)ayant définitivement quitté”.
 

Après le match, il reste dans un couloir, seul, cigarette au bec, parlant à voix haute: “P..., quand aurai-je à nouveau une chance comme celle-ci!” Elle arrive trois ans plus tard seulement, quand il devient champion du monde, détournant notamment cette fameuse tête de Zidane à la 103e minute de la finale du 9 juillet. Lors de ce tournoi allemand, il scelle définitivement sa place parmi les plus grands, réalisant de superbes parades [4] et cédant seulement deux fois, face à un csc de Cristian Zaccardo et à la panenka du capitaine français. Ce titre suprême, Buffon dit que la Juventus Turin l’a aidé à le conquérir et que de fait, il lui en était "énormément redevable”. Une Juve qu’il n’a pas quittée, même lors de la rétrogadation en Serie B, challenge suffisant à ses yeux pour ne pas rejoindre alors le Milan AC.
 


Controverses

Mais si Buffon est depuis de nombreuses années un homme d’équipe exemplaire, il traîne aussi des casseroles, et les questions autour de sa personnalité ne sont pas rares. En 2000, il demande à porter le numéro 88, ce qui soulève une polémique puisque l'équivalent alphabétique de ce nombre est HH, initiales de Heil Hitler. Pour lui, il y a un malentendu puisqu'il affirme alors que le 88 lui évoquait plutôt deux paires de testicules (!), symboles de force et de détermination selon lui. D'autres faits de ce type [5] ont participé à prêter à Gianluigi Buffon des orientations politiques ancrées très à droite, non vérifiées en l'absence de franche prise de position de sa part. À mettre en balance avec son adoration de Thomas N'Kono et de Nelson Mandela...
 

Sa relation particulière aux paris sportifs l’a aussi amené à être soupçonné d’avoir joué près d’un million d’euros lors du dernier scandale du Calcioscommesse. À Parme déjà, une affaire similaire l’avait touché sans qu’il fût condamné. À ces polémiques, Buffon a, comme sur le terrain, une parade: “Je fais ce que je veux avec mon argent!” Ce caractère frondeur s'est sans doute affirmé chez le jeune Gigi, qui était un ultra du Genoa puis de Pescara. "J'ai toujours suivi les outsiders alors qu'à l'époque en Italie, tout le monde supportait Maradona et le Napoli." Pendant le Mondial 1998, il refuse de plonger lors d'une séance d'entraînement, arguant qu'il n'y voit pas l'intérêt pour un troisième gardien. Cesare Maldini le renvoie alors promptement aux vestiaires. Depuis, Buffon a appris..
 


Footballeur accompli, personnalité énigmatique, le Superman [6] italien a aujourd’hui trente-cinq ans, et en vue une seconde Coupe du monde l’an prochain au Brésil. Il a prolongé récemment avec la Vieille Dame, renforcé notamment dans son juventinisme par le discours d’Antonio Conte. Il se voit “finir tard” et estime avoir encore quelques années devant lui. Il ne sera peut-être jamais une référence universelle, mais par sa carrière fastueuse et son histoire cabossée, il est déjà ce qu'un sportif peut rêver de mieux: une légende.
 


[1] Le montant de son transfert de Parme vers la Juventus en 2001 s’élève à 53 millions d’euros.
[2] Propos recueillis lors de cette interview.
[3] Lire à ce sujet le chapitre "Land of the giants" de l'ouvrage The Outsider: A history of the goalkeeper signé Jonathan Wilson. Nombre de déclarations et d'anecdotes de cet article sont issues de ce livre.
[4] Il est le gardien de cette Coupe du monde à avoir réalisé le plus grand nombre d’arrêts, preuve de son importance dans la solidité défensive de l’Italie.
[5] Il a été surpris arborant un tee-shirt sur lequel était inscrit "Boia chi molla" ("Achevons ceux qui abandonnent"), mot d'ordre fasciste du temps de Mussolini. Buffon a répondu ne pas en connaître l'origine et que c'était un slogan qu'il aimait depuis qu’il l’avait lu à l'école. Lors de la célébration du titre mondial de 2006, il a agité un drapeau donné par un fan sur lequel un symbole néo-fasciste était brodé.
[6] Buffon aime mettre sous son maillot le tee-shirt du super-héros volant.

 

Réactions

  • Zorro et Zlatan fouillent aux fiches le 26/09/2013 à 13h03
    Joli portrait, très intéressant. Les grands gardiens sont fascinants d'une façon générale - une série avec Kahn, Schmeichel, Schumacher (euh), etc. serait passionnante... je dis ça hein, je vais pas l'écrire non plus.

  • Cebrik Jécluse le 26/09/2013 à 15h58
    Article très sympa sur un de ces joueurs, ayant émergé au crépuscule des nineties avec sa grande équipe de Parme, qui était d'abord un ennemi avec la Squadra quand la France était au sommet, puis estimé comme un des plus grands avec tous ses succès et que je regretterai lorsqu'il prendra sa retraite, comme Pippo, Gattuso et les autres.

    "prêter à Gianluigi Buffon des orientations politiques ancrées très à droite, non vérifiées en l'absence de franche prise de position de sa part. À mettre en balance avec son adoration de Thomas N'Kono et de Nelson Mandela..."

    Ce passage me fait tiquer légèrement, car, à moins d'avoir loupé quelques étapes, on peut être fasciste sans être raciste et réciproquement, non? Enfin... on peut être les deux, c'est surement plus facile, certes...

    Comme quoi, on sait maintenant de qui parlait Hugues en évoquant d'un mec de droite qui avait 100 fois plus de classe que Georges...

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