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Riquelme, l’acteur et le metteur en scène

Passeur génial, Juan Roman Riquelme est un joueur à part. Un mythe ambivalent dans un football où il fait figure d’anomalie.

Auteur : Christophe Kuchly et Paul-Adrien Champeau le 4 Juin 2013

 


Le football est un sport qui répond à la définition du jeu par l’intermédiaire de six caractéristiques, mises en évidences par Roger Caillois dans Les Jeux et les Hommes. Activité libre, séparée du reste de la vie et circonscrite dans l’espace et dans le temps, son issue s’avère nécessairement incertaine. Elle reste en elle-même improductive car elle n’a pas vocation à créer une quelconque valeur économique. Enfin, elle est à la fois réglée et fictive. Néanmoins, le football combine ces attributs de manière plus ou moins contradictoire.
 

Lorsque l’on interroge Alessandro Piperno, écrivain italien, sur son sport préféré, il a l’habitude de répondre que "le football n’est pas une métaphore de la vie, c’est la vie qui est une métaphore du football". Et comme "il n’y a rien de plus contradictoire ni d’ironique que la vie elle-même" selon Robert De Niro, se passionner pour les contradictions, c’est s’enthousiasmer pour la vie. Le football offre cette fascinante perspective de pouvoir traquer et apprécier les contradictions et paradoxes dont il fait l’objet. Si, pour Arrigo Sacchi, le football est "un sport collectif avec des moments individuels, pas le contraire", on pourrait également ajouter que c’est un sport sale avec des moments d’éclats.
 

Doucement ironique, le football a un parfait représentant en la personne de Juan Roman Riquelme. Joueur complexe, le meneur de jeu de Boca Juniors est à la fois un acteur et une formidable grille de lecture de son sport.
 

 



 


L’individualiste altruiste

Juan Roman Riquelme est individualiste. Juan Roman Riquelme est nonchalant. Son implication dans un cadre collectif, autant défensivement qu’au niveau de la motivation, n’est généralement pas celle que ses entraîneurs attendent. Pourtant, il symbolise de ce que le football a de collectif puisqu’il a élevé la passe au rang d’art. Son art.
 

Roman est l’élément indispensable de son équipe car il endosse la responsabilité de bien la faire jouer, mais il est également un poids, cette dernière étant en infériorité numérique lorsqu’elle n’a plus le ballon du fait de son incapacité à remplir un rôle assurant l’équilibre de l’organisation collective. L’absence à la récupération, un luxe que peut s’offrir Messi à Barcelone, est ici un poids certain. En choisissant d’aligner Riquelme sur un terrain, un entraîneur– Carlos Bianchi actuellement à Boca – fait un pari: aligner un demi-joueur et espérer que ses fulgurances offensives compenseront les trous qu’il laissera inévitablement dans son dos.
 

La volonté d’évoluer à onze, et donc d’aligner un joueur plus complet à sa place, est tout à fait compréhensible. Elle a pourtant abouti sur l’un des plus grands crimes pour les passionnés de football: son remplacement par Julio Cruz en quart de finale de la Coupe du monde 2006, pour le résultat que l’on sait. Au sommet de sa forme et avec un collectif suffisamment fort et bâti pour le faire briller, Juan Roman Riquelme était l’un des seuls joueurs du monde à obliger une sélection aussi puissante à jouer pour lui. L’individualisation pour le collectif.
 

 

La gloire de son mythe

Une attitude est associée au personnage: les mains sur les hanches. Même si elle résulte de limites physiques, à quel moment peut-on dire que celle-ci n’est pas, aussi, liée au personnage? Qu’elle est entretenue, voire volontairement mise en scène? Bref, qu’il en joue?
 

Bien que collectif, car responsabilisé par l’idée d’être le dépositaire du jeu et du bon fonctionnement de sa formation, son individualisme s’exprime au travers de cette manière de s’autoriser des moments à la gloire de son mythe. Mains sur les hanches, il met en scène son défaut pour en faire une marque de fabrique, un instant d’humanité. Une défaillance que l’Argentin transforme en fait d’arme. Il aspire à flatter son égo, autant par le grandiose d’une ouverture brillante que par une trivialité qui ne devrait plus avoir droit de cité dans un football toujours plus intense. Un football où les stars naissent balle au pied mais sans mythe ni grandeur. Un football en perpétuel mouvement, où l’improductivité ne semble plus permise.
 

Les mains sur les hanches… à l’image de l'image ci-dessus où le flou s’opère avec les autres acteurs, réduits au rang de bokeh situant le contexte. Elle témoigne d’un détachement paradoxal. Ainsi s’énonce son inadaptation au football moderne (disparition du numéro 10 dans les schémas tactiques, carences physiques et mentales), sous forme d’une distanciation visuelle, avec une certaine forme d’arrogance et de fierté vis-à-vis de cette défaillance. En même temps, ce flou souligne qu’il est extérieur à la situation, mais dans un second sens: au-dessus des autres, capable de faire la décision sur une inspiration, même en livrant son talent par intermittence, il se sent supérieur.
 

Il fait autant jouer les autres qu’il se regarde jouer sa partition, non pas technique, mais mythique. Il est sur le terrain pour assouvir son besoin d’éclairer le jeu, mais il profite de ce jeu pour attirer les lumières sur son individualité. Il est dedans et dehors. Il s’associe aux autres car il a besoin d’une équipe construite autour de lui pour s’exprimer et, en retour, valoriser les mouvements de ses partenaires. Mais, paradoxalement, il se dissocie de ses coéquipiers en s’adjugeant le droit de révéler son unicité par le biais d’une posture à la gloire de son mythe.
 


Un Román, plusieurs lectures

Riquelme est tour à tour figurant d’un football qui ne lui sied pas, acteur d’une équipe qui ne peut se passer de lui, et réalisateur de sa mythologie, de ce qu’il incarne, de ce que son corps et ses prises de libertés renvoient tant dans l’esprit des amoureux du football que dans son orgueil d’individualiste altruiste.Il est autant un formidable joueur de football au style de jeu suranné dont les supporters raffolent, séduits par cet homme qui les renvoie à leur nostalgie, qu’il est une légende. Figure symbolique du joueur talentueux qui n’a pas besoin de faire d’efforts, technicien génial qui joue en marchant, aristocrate affranchi des contraintes défensives, il est le meneur de jeu fantasque tel qu’on l’imagine. Un chef d’orchestre un peu capricieux à qui on pardonne tout dès les premières notes de la symphonie.

Juan Roman Riquelme n’a jamais voulu transiger, porté par une certaine idée du football. Numéro 10 à l’ancienne, son anachronisme détonne à l’époque de l’extrême polyvalence, lui qui n’avait de toute façon pas vraiment le choix des armes pour briller au plus haut niveau. À un poste où il faut faire briller ses partenaires, il refuse ostensiblement de s’abaisser aux tâches obscures, desservant autant le collectif qu’il le sert.
 

Du magicien de l’ombre, il a surtout gardé la patrie magique, l’ombre n’ayant jamais vraiment fait partie de sa vie. Lui qui confie: "C’est une très belle responsabilité de devoir défendre ce poste. Parce que mon opinion, c’est que le football dépend des numéros 10. Quand l’équipe joue bien, c’est que tout le monde a bien joué. Mais quand l’équipe joue mal, c’est la faute du 10. Voilà. Et c’est une responsabilité magnifique, j’adore ça. Parce que c’est ce que les gens viennent voir. Si tu prends place dans la file des gens qui achètent leur ticket au stade et que tu leur demandes qui ils viennent voir jouer, ils vont te répondre Zidane, Iniesta, etc. Je n’ai jamais vu un hincha payer pour voir un gardien ou un défenseur central" (So Foot) restera comme une anomalie… et une légende.
 

Peu importe le nombre de fois où il aura atteint l’excellence, il l’aura atteinte, cumulant ce qu’il faut de trophées et d’échecs pour porter le costume du sauveur sur un continent et celui du perdant magnifique sur un autre. L’histoire dira s’il aura été le dernier vrai meneur de jeu. De moins en moins brillant, il aura en tout cas tout fait pour magnifier jusqu’au bout sa présence sur un terrain. Assez pour que, dans quarante ans, des papys racontent fièrement à leurs petits-enfants qu’ils ont vu jouer Juan Roman Riquelme.

 

Réactions

  • Xeneise le 04/06/2013 à 02h44
    Petit lapsus dans le début, le coach de Boca c'est Carlos Bianchi, non pas Marcelo "Carlos" Bielsa ;)

  • khwezi le 04/06/2013 à 13h26
    J'ai pas (encore ?) de petits enfants (même pas d'enfants), mais j'ai vu jouer Ròman. A qui vais-je le raconter ?

  • manuFoU le 04/06/2013 à 19h00
    Moi je raconterai à ma fille que j'ai vu Roman marquer à la Bombonera, mais je crains que cela ne provoque guère plus qu'un haussement d'épaules.

    Merci pour l'article, en tout cas.

  • leo le 05/06/2013 à 00h35
    Chouette article sur cet extraordinaire joueur de football, un des rares qui m'ait donné l'impression, comme Laurent Blanc le disait de Ronaldo à Barcelone, d'être un adulte jouant avec des enfants (c'était en finale de la Coupe Intercontinentale et les enfants étaient les joueurs du Real Madrid), de jouer un football "supérieur".

    Un autre joueur m'ayant parfois donné cette impression est Valerón, qui a peut-être joué son dernier match le week-end dernier. Un autre numéro 10 à la vision du jeu et à la technique parfaite, lui aussi sans qualités physiques particulières. Zidane aussi pouvait donner cette impression (tiens, un autre 10 pas particulièrement rapide ou explosif), ou Iniesta, parfois.

    J'ai un peu de mal à le décrire mais même Messi, Cristiano Ronaldo ou Ronaldinho ne m'ont jamais fait ressentir ça. Eux, ils sont "simplement" très très forts.

    Sinon, sur les équipes défendant en infériorité numérique à cause de gars comme Riquelme, ça me dérange beaucoup moins que les équipes attaquant en infériorité numérique à cause de leurs joueurs aux pieds carrés... Je n'échange pas une pincée de Riquelme contre un baril de Khedira.

  • Ptit Mytho le 06/06/2013 à 13h39
    Très bel article qui complète celui de SO FOOT que j'ai fini de lire ce matin en buvant mon café :)

    La classe à l'état pur... Et en effet Valeron a un peu le même style. Zidane c'était encore autre chose.

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    Un football en perpétuel mouvement, où l’improductivité ne semble plus permise.
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    Je ne suis pas forcément convaincu par cette phrase. Encore aujourd'hui certains joueurs de très haut niveau comme C. Ronaldo, Ronaldinho, Ibra, Neymar etc se permettent des choses aussi folles qu'inutiles. Les passes aveugles, les passes du dos, les gri-gris sorties d'un spot de pub Nike etc... Et ce dans des matchs de "haut-niveau"..

    Mais dès qu'ils sortent une fantaisie de ce style pas mal de monde leur tombe dessus en leurs repochant de ne pas respecter l'adversaire. Alors qu'au final ce n'est qu'un jeu. Si CR7 se déchire sur sa passe du dos, c'est bien lui qui passe pour un idiot devant tout le stade. Le joueur prend un risque complètement inutile, juste pour la beauté du geste et pour aussi s'attirer les projecteurs. Mais ça aussi ça fait parti du jeu.

    Voilà. J'aime les joueurs du style de Riquelme comme ceux du style de CR7 car ils inventent des trucs. C'est pas le même style mais dans le même esprit. Le seul souci de Riquelme c'est qu'en Europe il était vachement sur courant alternatif.

  • Radek Bejbl le 06/06/2013 à 16h01
    Je disais plus ça dans le sens "être fantomatique". Une passe du dos c'est de la décoration mais c'est quand même productif en théorie, le joueur a le ballon et il le transmet à un partenaire. Mon idée, qu'on défend sur les Dé-Manager, c'est qu'on peut de moins en moins se permettre d'avoir des joueurs hors du ton général. Messi marche, mais il pourrait très bien faire le même boulot que le reste, il bénéficie simplement d'un collectif fort qui lui permet de se reposer pour maximiser ses talents d'explosivité. Sinon c'est très compliqué, d'où le décès du renard des surfaces etc.

    Merci pour les retours positifs, l'idée vient de mon acolyte aussi connu sous le nom de Michel Panini, je n'ai fait que cadrer la réflexion en apportant un brin de tactique et de lyrisme (je vois que vous avez aimé cette chute improbable sur le récit du grand-père !).

    Comme leo, je suis fan de ce type de joueurs, Valeron était un joueur que j'admirais au plus haut point. Je regrette vraiment ce football espagnol du début du siècle.

La revue des Cahiers du football