Monaco, la nouvelle ère a commencé
Highway to L1 – Postée à l'une de deux premières places de la Ligue 2 depuis la 14e journée, l'ASM veut accélérer son destin de "nouveaux riche".
À neuf journées de la fin, rien n’est encore joué en tête d'une Ligue 2 qui, pour une fois, voit les favoris répondre présent. Si Monaco, Nantes et Caen trustent le podium depuis le début de saison, ils sont encore nombreux à pouvoir encore prendre place dans l'ascenseur, au premier rang desquels on retrouve Guingamp et Angers. En embuscade, Nîmes et Dijon peuvent encore espérer, à moins que ce soit Auxerre ou Le Havre, tous les deux sur une pente ascendante depuis quelques mois, qui ne raflent la mise.
Portrait de quelques hommes fondamentaux dans la bonne saison de leur club, et susceptibles de (re)connaître la Ligue 1 la saison prochaine [1]. Aujourd'hui, l'AS Monaco (1er, 58 points, +23).
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L'opulence financière du club à la diagonale fait jaser au sein de cette Ligue 2 qu'il domine, d'aucuns le comparant au PSG. Cependant, la présence d'un Prince à la tête de cette institution est loin d'être une nouveauté, et en attendant de tutoyer à nouveau les cimes du football français, l'AS Monaco est dans l'antichambre de l'élite.
La formation avant tout : Valère Germain, "l'ancien"
Mai 2011, mois funeste s'il en est, reste à ce jour le dernier de l'ASM au sein de l'élite. Le sport étant constitué de cycles et de rebondissements, il voit également l'éclosion d'une génération dorée renouant avec la tradition d’une formation monégasque qui fit le bonheur des équipes de France. Symbole de ces jeunes victorieux de la Coupe Gambardella, Valère Germain fait ses débuts professionnels à Geoffroy-Guichard, le 1er mai. "Si la situation n'était pas aussi compliquée, cela fait longtemps que je l'aurais lancé", prétendit Laurent Banide, pour preuve du potentiel du garçon qui, malgré sa bonne volonté, ne put empêcher la relégation, ultime joker contre Lyon à Louis-II.
(photo : valeregermain.com)
Depuis, Germain s'est fait un prénom en Ligue 2. La saison passée, la stratégie du club, basée sur les jeunes, permet à Valère de devenir progressivement un élément incontournable de l'attaque monégasque. Si le collectif peine à trouver ses marques, le jeune n°18 se révèle l'une des rares satisfactions de l'équipe. Relégable à la mi-saison, le club va remonter au classement après l'arrivée d'un nouvel investisseur et d’un changement de stratégie, jusqu'à imposer sa marque sur la L2 cette saison.
Germain finira par triompher de la concurrence de recrues plus expérimentées, jusqu'à récupérer le brassard de capitaine en cours de match… avant son intronisation dès le coup d'envoi contre le Gazélec. À vingt-deux ans, l'aîné de la "génération Gambardella" semble un excellent modèle pour les prometteurs Dingomé, Labor, Kurzawa...et la révélation Ferreira-Carrasco. Attaquant travailleur, il est loin des fulgurances d'un Yohan Mollo ou du gabarit d'un Frédéric Nimani, mais apportera plutôt combativité, sens du timing, et intelligence de jeu supérieure, toujours au service de l'équipe. Avec déjà 4 passes décisives et 11 buts cette saison, Germain semble avoir franchi un palier en 2013. Une bonne nouvelle pour son club formateur qui ne s'est jamais aussi bien porté, malgré la méforme de son artilleur en chef Touré et l’absence de son dynamiteur Ferreira-Carrasco. De quoi espérer, en cas de montée, la confirmation en L1 et ouvrir la voie à ses jeunes coéquipiers.
La concurrence plus forte, la pression médiatique à l'échelon supérieur? Quand on a débuté dans les conditions qu'a connues Germain, nul doute que ces obstacles ne seront pas insurmontables.
> Son but contre Châteauroux et son doublé contre Le Havre.
Le recrutement "moneygasque" : Mounir who ? Mounir Obbadi !
On attendait Frank Lampard, capitaine champion d'Europe; On évoquait David Beckham. On a eu Mounir Obbadi. International marocain (une sélection), l’ex-milieu de l'ES Troyes Aube Champagne n'a pas vraiment un CV de rêve: PSG-reject, il fait sa carrière en L2 et en National, à Angers puis à Troyes, qu'il contribue à faire remonter dans l'élite. Arrivé lors du mercato, il se révèle en quelques semaines indispensable à l’ASM.
(photo : asm-fc.com)
Si peu de supporters monégasques l’attendaient, Claudio Ranieri, le désirait ardemment. "Il offre exactement ce que je pensais qu’il apporterait": un lien entre la défense et l'attaque, précise l'Italien. Difficile de le contredire tant les statistiques plaident en la faveur du n°19: depuis sa rentrée en jeu contre Guingamp (qui précéda de peu l'égalisation asémiste), il a enchaîné cinq matches, pour autant de victoires. Ses débuts coïncident également avec une nouvelle stabilité dans le jeu monégasque, qui paraît plus solide, plus constant, et moins dépendant de fulgurances individuelles comme ce fut le cas durant la phase aller. À mi-chemin entre porteur d'eau et chef d'orchestre, Obbadi se révèle comme le chaînon manquant de la mécanique monégasque, et d’un collectif qui semble enfin avoir trouvé son équilibre.
Mais quel est son avenir dans une équipe ambitionnant les sommets? Trentenaire en avril, Obbadi ne rentre pas dans la politique de recrutement visant "les futures stars de demain". Cependant, même si elles finissaient par arriver, il y aura sans doute de la place pour des profils plus discrets, mais ô combien précieux. Après tout, Claude Puel a bien fait toute sa carrière à l'ASM en regagnant sa place saison après saison…
Quelle stratégie pour demain ?
Alors que Monaco n'a pas encore composté son billet pour l'ascenseur, nombreux sont ceux qui voient en lui le seul contrepoids à une large domination du PSG sur l'élite française, dans une bataille oligarchique inéquitable. Le cas monégasque mérite-t-il pour autant cette comparaison? Difficile de deviner avec certitude si Monaco ressemblera au "QSG", à "Chelski", ou même à Hoffenheim… Le futur statut des deux joueurs cités ci-dessus sera sans doute un bon indicateur de la direction prise.
Si l'arrivée à la présidence du riche homme d'affaires russe, Dmitry Rybolovlev, coïncide avec le renouveau du club, on ne peut imputer ce dernier à l'argent seul, mais également à la nouvelle organisation (pour rappel, Keller et Brianti sévissaient sur le Rocher il y a peu encore). Quinze mois après son arrivée, Rybolovlev a investi environ 40 millions d'euros en transferts sur les 100 promis sur quatre ans. Actuellement, l’effectif du leader de la Ligue 2 est un alliage de quelques jeunes issus du centre, de quelques joueurs confirmés de Ligue 2, ainsi qu’une petite légion étrangère.
Quid de la gestion de l’effectif en cas de montée? Verra-t-on des Moutinho ou Tevez arborer la diagonale la saison prochaine? Officiellement, la politique de recrutement vise des "futurs stars de demain", à l’image du recrutement médiatique d’Ocampos, ou de l'arrivée récente de deux jeunes joueurs, promis à la réserve dans un premier temps. Quid du centre de formation? Très productif ces deux dernières années, treize joueurs ont signé leur premier contrat professionnel. L'arrivée de l'emblématique Jean-Louis Campora à la vice-présidence semble marquer la volonté de s'appuyer sur l'expérience et le glorieux passé du club, et plaiderait pour un certain respect de son identité (pour rappel, le club est toujours co-détenu par le Prince).
Beaucoup de questions se posent donc, avec une seule certitude: si les ressources financières des propriétaires limitent le risque de rechute, elles ne renseignent pas leur niveau de patience. La nature et le nombre des recrues cet été, avec en corollaire la place qui sera accordée aux protagonistes de cette saison, donneront plus d’indices quant au mode de gestion du président Rybolovlev, diront s’il s'apparente plus à celui d’un Al-Khelaïfi, Abramovitch ou Hopp. À moins que l’alignement fiscal décidé récemment par la LFP ne bouleverse les ambitions des actionnaires monégasques…
[1] Envisagée depuis quelques semaines, la liquidation judiciaire du Mans FC pourrait redistribuer les cartes. Si elle intervient avant la fin du championnat, tous les résultats des rencontres concernant Le Mans FC seraient annulés (article 513 LFP), avec des fortunes diverses pour les clubs concernés par la montée: Monaco perdrait 3 points, Nantes 6, Guingamp 3, Caen 1, Angers 6, Le Havre 0. De plus, Monaco, Guingamp et Le Havre disputeraient un match de moins.