Paris ouvre sa marque
Le néo-PSG poursuit une mutation qui passe aussi par un nouveau logo. Que nous dit-il de la façon dont le club veut désormais se voir?
Comme ceux des villes, les logos des équipes de foot forment un cas particulier: quelque part entre le symbole et le blason, ils lorgnent et du côté de la stylisation et du côté de l’allégorie. Au final, ils n’ont ni la simplicité radicale des insignes des entreprises classiques [1], ni les vertus narratives et illustratives du blason: ce sont des compromis souvent décevants. C’est vers les exigences du logotype moderne et épuré que l’on penche toujours désormais pour faire mieux, et le logo du PSG n’échappe pas à la règle. Reste que pour simplifier l’ensemble, il a fallu faire des choix.
Paris est graphique
Graphiquement, l’ensemble gagne en élégance et en modernité: la même structure globale, mais moins d’éléments et plus de cohérence graphique (une seule droite, le tiret au milieu, qui achève de représenter la tour Eiffel et sert de repère astucieux pour positionner le logo bien droit et centré, autour duquel s’agencent harmonieusement des courbes simples et plutôt élégantes). Rétrospectivement, le berceau du modèle précédent apparaît bien disgracieux, car très anguleux. Il exigeait, en outre, que soit conservée une immense tour Eiffel pour l’accueillir entre ses jambes (si l’on peut dire). "Saint-Germain" est petit, mais d’un point de vue strictement graphique, le choix est pertinent.
Les commentateurs n'ont voulu voir, jusqu’à présent, que la petite taille de Saint-Germain, mais un designer qui se contre-fiche de l’histoire du club et passera devant le logo verra prioritairement que la largeur des mots occupe un même espace, que la moitié basse du dessin est plus chargée (la fleur de lys qui s’ajoute aux pieds de la tour Eiffel), et donc que l’équilibre global est obtenu grâce aux partis pris typographique. Certes, l'affirmation du statut désormais privilégié de la ville de Paris n'est pas très subtile: elle passe d'autant moins inaperçue qu'on n'avait plus vu ce déséquilibre entre les deux villes depuis... le premier logo, dont on s'est peut-être inspiré pour proposer un alignement des largeurs. Du côté du PSG, on aurait dû communiquer autour de ce "retour aux sources", cela fait toujours bon genre.
On pourra aussi évoquer que les lettres qui composent "PARIS" donnent inévitablement l’impression que le mot penche très légèrement à gauche, mais dans l'ensemble, l’évolution proposée aère le logo, qui respire mieux. Bénéficiant d'un plus grand bandeau autour de l'image centrale, on n’a pas simplement agrandi le mot PARIS: l’interlettrage est plus grand, la graisse des lettres (leur épaisseur) est moindre, on distingue davantage les blancs de lettre (l’espace vide autour et à l’intérieur du dessin d’une lettre, par exemple le triangle au cœur du A), les lettres sont presque aussi larges que hautes. En bref, le texte est moins concentré, plus lisible, plus approprié aux objectifs d’un logo (susceptible d’être imprimé ou affiché en tout petit). Enfin, la raideur des majuscules apporte un peu de tenue à ce qui aurait été, sans cela et malgré le tiret, trop arrondi et chancelant.
Alors même que le rouge est quantitativement moins présent qu’avant, il parait plus éclatant: il s’oppose mieux à ce nouveau bleu plus lumineux, tirant moins vers le violacé. L’ensemble donne l’impression d’être plus moderne, car les couleurs sont plus "éclatantes", comme l’on dit pour vendre de la lessive. Le doré du lys est plutôt bienvenu: le choix reflète l’identité du club qui se veut prestigieux, et brise la monotonie de la perpétuelle bichromie. La fleur est en outre d'autant plus éclatante que sous la tour Eiffel, toute la place est désormais pour elle (son articulation avec le berceau était franchement laborieuse). [2]
En conclusion, l’évolution graphique est assez réussie: le fameux "changement dans la continuité" propose effectivement des améliorations significatives. Qu’en est-il maintenant de l’évolution du positionnement? Ce logo défend-il une nouvelle image de marque? Et si oui, pourquoi?
Paris plus que Saint-Germain
"Ici c’est Paris", chantent les supporters: peut-être les a-t-on écoutés, car voilà apparemment le club repositionné vers la capitale. Le souci d’une certaine continuité (ou peut-être, la crainte d’afficher clairement la rupture) a néanmoins conduit les commanditaires du logo à conserver les liens avec Saint-Germain: il n’est pas interdit d’estimer que le berceau et la fleur de lys (deux éléments qui désignaient exclusivement la ville de Saint-Germain-en-Laye, où est né Louis XIV) faisaient double emploi. La fleur de lys est même revalorisée.
En ce sens, ce nouveau logo participe bel et bien d’une stratégie de "simplification", pour reprendre le mot de Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du Paris SG, et non pas d’une initiative strictement opportuniste qui abandonnerait Saint-Germain pour ne revendiquer que l’identité parisienne, très positive "à l’international". En tout cas, la présence du berceau sur l’ancien logo n’était pas moins "marketing" que son absence sur le nouveau.
Sans nul doute, on voit Paris plus que Saint-Germain – mais qui, très honnêtement, ne pense pas ainsi? La question est alors de savoir s’il fallait contribuer à insister, en quelque sorte, sur l’origine du club (la fusion du Paris FC et du Stade Saint-Germain), ou s’il fallait proposer un logo qui assume l’image de marque d’un PSG "club de la capitale". Jean-Claude parle d’une "mise en conformité". C’est manifestement avec l’image actuelle du club (et celle que l’on veut voir advenir) que le logo se veut en conformité, mais la nature de l’acte fondateur du club n’est pas évacuée non plus: "Saint-Germain" et la fleur de lys sont toujours là. Parce qu’on a eu peur d’y aller trop fort? Par respect de l’histoire du club? Parce que le Camp des Loges se trouve à Saint-Germain-en-Laye? On n’en sait rien – et au fond, peu importe. Cela reste le logo du "Paris Saint-Germain".
Qui saute n'est pas parisien?
Reste qu’un dernier choix à commenter apporte de l’eau aux moulins de ceux qui trouvent franchement à redire: la date de naissance du Paris SG a disparu. Ce choix s’explique par ce qu’il faut décrire comme une gêne, ou en tout cas un complexe, par rapport aux grands clubs européens ("aux autres grands clubs européens", reprendrait le service communication du Paris SG). Jean-Claude Blanc est on ne peut plus clair: "Quant à la date, elle ne tire pas vers le haut, en comparaison avec d’autres grands clubs européens qui ont 1800 sur leur logo." En clair: l’histoire du club n’est assumée que lorsqu’elle ne souffre pas de la comparaison avec les grands clubs européens.
Ainsi, l'image, plus que l'histoire, causera l'identité. Le PSG est un jeune club. Le PSG n'a pas quarante ans, c'est ainsi. Le problème est que pour savoir si on assume ou pas, on se demande si c'est prestigieux ou pas. Au-delà du caractère superficiel du critère, la méthode Coué est manifeste: le logo n'est pas tant le reflet de l’identité concrète du club qu’une prise d’initiative pour apparaître aux yeux du monde comme un grand, quitte à mentir par omission. À la lumière de ce flagrant délit d'opportunisme, on est tenté d'estimer que, plutôt que de commémorer l'histoire dans un souci d'authenticité, le tri sélectif de tous ces éléments (la date, la couleur, la typographie, la simplification...) a insisté sur le paraître plutôt que sur l'être. Ainsi pensent de nombreux détracteurs, et même de nombreux supporters, qui intègrent progressivement l'avènement de la prochaine étape: il faudra bientôt renoncer au Parc des Princes, trop petit pour un si grand club au si beau logo.
En définitive, gardons surtout à l'esprit qu'un logo est toujours du paraître, et que dans un univers où l'objet graphique fondamental est le maillot, le logo n'est quasiment qu'un gadget. On en reparlera un peu en septembre, quand le nouveau remplacera concrètement l'ancien, et puis on oubliera cela jusqu'à la prochaine version. Le PSG aura une meilleure image s'il brille en Ligue des champions, si les supporters ne s’entre-tuent plus et si la Ligue 1 devient plus attractive. En attendant, les services de communication surestiment les effets de leurs outils.
[1] L’effet de lumière, éclairant la premier quart du nouveau logo sur la plupart des reproductions qui circulent, ne sera peut-être pas conservé sur la version la plus exploitée et déclinée du logo. Cette texture, qui donne à l’insigne une allure de bouclier, existe aussi pour "enjoliver" la version actuelle, sur le site officiel du PSG notamment.
[2] Pensons à la Fnac, à Nike, à Apple, qui réalisent tous l'objectif préconisé par le graphiste suisse Adrian Frutiger, référence classique des designers: "Le secret d’une belle forme réside dans sa simplicité. Le meilleur logo est celui qu’un enfant peut dessiner dans le sable avec son doigt."