In Bed with le PSG : J. R.
Prenez l'avion avec Jérôme Rothen, qui s'apprête à retrouver le Parc des Princes avec Bastia, cette fois dans la peau du visiteur...
Les écouteurs, j'ai, la tablette, aussi. C'est bon. Je me suis acheté L'Équipe, pour lire pendant le vol. Vu l'effectif du PSG cette saison, pas sûr d'avoir envie de lire celui du retour. Alors je vais déjà savourer celui-ci, qui présente la rencontre, on peut encore rêver d'une victoire... J'ai le temps, il faut dire que ce trajet va être un peu long. Et particulier. Pourtant, j'en ai pris des avions en direction de Paris. Je connais. Sauf que c'était des trajets retour, ils avaient un goût de repos. Là, c'est mon premier aller direction la capitale depuis... Je ne sais plus trop. Peut-être près de dix ans?
Je me suis assis à ma place, près du hublot, j'écoute ma musique, j'ai sorti mes affaires et je suis dans ma bulle. J'essaye de respecter mes habitudes au maximum. Je ne voudrais pas me laisser submerger par les souvenirs. Je retourne à la maison, je retrouve le Parc des Princes. Mais ce n'est que pour une journée. Et ce n'est plus pareil.
Je vois Micka, assis quatre rangs devant moi. Je me demande s'il éprouve un sentiment particulier lui aussi... On a quitté le PSG la même année mais lui il y revenu depuis. Je n'ai pas trop envie d'aller lui en parler en fait, j'aimerais plutôt penser à autre chose. Je crois qu'avant tout, je n'ai pas envie de manquer mes retrouvailles.
Comme ça me manquait un peu, comme j'y pensais, j'en ai discuté avec des journalistes, ou avec des coéquipiers qui y ont joué après le plan Leproux. On est d'accord, le Parc n'a plus rien à voir avec ce qu'il était. Hier, j'ai regardé des vidéos sur Internet, je fais ça, de temps en temps pour retrouver l'ambiance, les tribunes. Bon, Armand-Cesari est un stade chaud, mais pour un Parisien, ça n'est pas pareil...
Je vais marcher un peu dans l'allée, ça me détendra les jambes, je m'engourdissais là. Il paraît que le public des virages s'est complètement renouvelé, qu'il n'y a plus les anciens, tous ceux qui organisaient les tifos, qui lançaient les chants... En fait, je me demande s'il reste des supporters qui se souviennent de moi, ou s'ils m'ont oublié, ou s'ils sont tous partis. Je me demande ce qu'il reste de mon PSG, depuis 2009.
Au Parc, j'ai vu des choses que les joueurs actuels ne pourraient pas croire. J'ai senti les tribunes gronder, les vagues nous frapper quand les chants dévalaient les travées et venaient nous couvrir lors de l'échauffement. Est-ce que Pastore a déjà connu ça? Je me souviens des tifos, ceux qui nous faisaient nous arrêter à notre entrée sur la pelouse. Je revois leurs couleurs alors que les bâches se déroulaient au ralenti, comme dans un rêve. Thiago Silva a-t-il déjà retenu son souffle avant un match? Moi, j'ai senti le brûlé des fumis dans mon dos. La gorge sèche des pots à fumée. Moi j'ai joué devant un brouillard de feu. Des éclairs et des cris de rage. J'ai vécu le PSG. C'était le Kop qui zlatanait ses adversaires. Ibrahimovic en dit autant?
Mon PSG chantait mon nom et je chantais le sien. Mes passes pour Pauleta avaient un sens. Celui de l'amour de mon club. J'ai joué pour ma ville. J'ai porté mon maillot. Paris était chez moi. Le Parc était le mien. J'ai été insulté partout. J'étais le PSG. En interview. Par les mots. Et sur les terrains. J'ai goûté l'affront. Les défaites. La peur. La mienne, celle des gars. J'ai essayé. Fort. PSG relégable. Les jambes qui ne veulent plus. Saint-Étienne qui mène. Le Parc hurle comme jamais. Plus jamais. Le but de Clément. Rencontre finie. Les oreilles sifflent encore. Le cœur bat. Encore vivants. Hébétés. Remonter à la surface, tous. Et la honte qui nous collait au maillot, jusqu'au bout du match à Sochaux. Je l'ai construite, cette victoire sur l'humiliation. Les buts de Diané, pour moi aussi ce sont les plus beaux des buts de raccroc. J'ai participé à leur histoire, avec tout ce que cela compte de dépit, même des années après. J'ai marqué mon club autant qu'il m'a marqué, l'un et l'autre nous faisons partie de nos histoires.
Je suis au fond de l'avion, j'ai du mal à respirer. L'hôtesse me regarde d'un air inquiet, elle ne comprend pas. Je reviens au Parc des Princes, pour la première fois depuis mai 2009 je retourne à la maison. J'aimerais tant goûter de nouveau cet air, revivre des images, une ambiance. Mon passé.
J'ai peur de ce que je vais trouver. Une maison, ma maison, pleine d'inconnus? Peur de découvrir que mon PSG est mort, depuis longtemps. Et que je n'étais plus là...