Milan veut se remettre dans le sens de l'histoire
Dépouillé de ses cadres, appauvri et auteur d'un début de saison difficile, l'AC Milan est-il sur une mauvaise pente ou sur le point de relancer avec un vrai projet?
Au pointage de la 22e journée de la Serie A 2012/13, l'AC Milan est classé cinquième, à douze longueurs du leader, la Juventus Turin. Le champion 2011 vit un exercice contrasté, avec notamment un début de saison marqué par sa seizième place fin septembre et fin octobre. Le club lombard a dû attendre la quatorzième journée pour se hisser dans la première moitié du classement et ainsi entamer sa remontée. Mais même si elle est couplée à une qualification pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions [1], cette première partie de saison est en deça des standards du Milan et questionne notamment son effectif actuel. Elle est également le témoin d’une période de transition délicate, entre adieux à la génération Ancelotti et préparation de l’avenir.
Intergenerazionale Milan
La fin d’exercice 2011/12 a vu un grand brassage au sein de l’effectif rossonero, avec le départ d’une dizaine de joueurs cadres. Entre le besoin de renouvellement qui se faisait pressant compte tenu de l’âge de certains, de la retraite d’autres et du pouvoir d’achat du Paris Saint-Germain, Milan a mis fin à ce que l’on appelle l’ère Ancelotti et compte désormais sur une nouvelle génération de joueurs. Ainsi, Inzaghi, Gattuso, Ibrahimovic, Cassano, Nesta, Seedorf, van Bommel, Thiago Silva et Zambrotta ont quitté les rangs de l’effectif lombard. Des joueurs qui ont écrit les années récentes du club et contribué à ses titres de champions d’Europe (2003, 2007) et d’Italie (2004, 2011).
L’institution a donc perdu une partie majeure de son identité et s'appuie désormais sur un effectif considérablement renouvelé. Nettement moins prestigieux, plus international et plus jeune, il compte peu de trentenaires [2], Mathieu Flamini ou Robinho figurant parmi les plus anciens. Un changement de style et d’époque dont les promesses mettent quelque temps à se dessiner, notamment via Stephan El Shaarawy, actuellement deuxième meilleur buteur de la Serie A avec 15 réalisations, ou Bojan Krkic dont l’éclosion et la régularité au plus haut niveau se font attendre depuis cinq ans.
Le recrutement et les débuts de M’Baye Niang, dix-huit ans, ont surpris nombre d’observateurs du club rouge et noir [3]. Mario Balotelli vient de signer pour 22 millions d’euros, alors que Silvio Berlusconi avait déclaré qu’il n’accepterait jamais que l’ex-joueur de Manchester City fasse partie du vestiaire du Milan, usant même de la métaphore de la pomme pourrie. On se demande encore s’il s’agit de grossières erreurs de casting et de communication, ou bien d’un vrai pari pour l’avenir et d’une stratégie à long terme.
Reprendre un temps d'avance
Autant de nouveautés que certains raillent en qualifiant le club d'antichambre du PSG pour évoquer son changement de standing, ou que d’autres, comme Gennaro Gattuso, ont franchement dénoncées [4]. Pourtant, les dirigeants restent présents, à l’image de Silvio Berlusconi qui semble revenir aux affaires après le début de saison délicat, et d’Adriano Galliani qui a protégé Niang devant la presse en mettant l’institution au-dessus du reste. Et même s’il s’est murmuré que Pep Guardiola pourrait venir remplacer Massimiliano Allegri et ainsi chambouler l’organigramme des Rossoneri en vue d’une reconstruction en profondeur, tous sont restés à leur place.
Manque d’attractivité actuel du club, immobilisme, volonté de stabilité ou changement de cap de la part des têtes pensantes? Difficile d'identifier les vraies raisons d'un statu quo maintenu malgré le mauvais début de saison. Toujours est-il que le Milan AC reste sur trois saisons au-dessus de 235M€ de revenus générés (257 en 2011/12 – voir les chiffres ici) et que les signes d’une vision à plus long terme commencent à se dégager. Outre cet effectif rajeuni et meilleur marché [5], qui anticipe le fair-play financier voulu par l’UEFA, la création des Milan Technical Centers et l’émergence de la Milan Academy à travers l’Italie témoignent d’une volonté de miser sur l’avenir, plutôt que de se reposer sur des cadres confirmés. À l’image du Milan Lab qui avait été une solution interne efficace, notamment en 2007, le club a sans doute intérêt à maintenir sa ligne de conduite. À l’orée des années 90, et lors des années 2000, l'AC Milan avait eu un coup d’avance sur le terrain avec ses révolutions tactiques (Arrigo Sacchi, le 4-3-2-1 de Carlo Ancelotti). Cette fois, il mise sur l'innovation dans ses structures.
Le club lombard a rendez-vous en huitièmes de finale de la C1 avec le FC Barcelone, qui s’est justement appuyé sur son centre de formation pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Avec l’avantage de pouvoir compter également sur des stars importées, comme Dani Alves, Henry, Eto’o ou Ronaldinho, ce que ne semble pas se permettre le Milan à l’heure actuelle. Cependant, le club italien a beaucoup de joueurs en prêt en Italie et à l’étranger, et peut compter sur une dynamique plutôt positive depuis son nul sur le terrain de Naples lors de la 13e journée [6] qui en fait désormais un vrai prétendant à l’Europe.
Il lui reste à être plus chanceux ou plus performant face aux grosses écuries, comme face à la Juventus Turin à domicile (victoire 1-0 le 25 novembre 2012). Une condition sine qua non pour survivre au double duel face aux Blaugranas et donner corps à ce qui semble être une nouvelle politique pour les années à venir.
[1] Un bilan mitigé dans cette compétition également, avec deux victoires, deux nuls, deux défaites, sept buts pour, six contre.
[2] Sept en tout et pour tout: Marco Amelia, Christian Abbiati, Philippe Mexès, Daniele Bonera, Luca Antonini, Massimo Ambrosini et Mario Yepes.
[3] Il a joué 269 minutes au total. Sa première apparition date d’un match de Serie A Bologne-Milan AC, disputé le 1er septembre 2012 et dans lequel il n’est entré qu’à la 91e.
[4] “Avant, à Milan, les joueurs ne devaient penser qu'au football, car derrière, il y avait une organisation qui pensait à tout le reste. Si je suis parti, c'est que cet aspect a un peu disparu.” (RMC)
[5] Selon une enquête de la Gazzetta dello Sport, la masse salariale du Milan AC est passée de 160 à 120 millions d'euros. Les plus haut salaires sont ceux de Pato, Robinho et Mexès: 4 millions d’euros nets annuels.
[6] Le Milan AC a depuis enchainé sept victoires, un nul et une défaite en championnat.