Ballon d'Eau fraîche 2012, les candidats: Andrade et Le Lan
Deux façons bien différentes de servir le football, deux superbes candidats: l'un improbable, l'autre... trop probable?
Andrade, le surfeur du banc
“Certains vivent le match avec une intensité folle depuis le banc. À Marseille, j’avais été marqué par l’attitude du gardien remplaçant, Andrade, qui était à fond, comme s’il était sur le terrain. Il a été un artisan important de nos titres grâce à sa joie de vivre. C’est une attitude appréciable.” Ces mots sont d’un autre nominé, Edouard Cissé. Et il ne doit pas avoir été le seul à être marqué par le comportement de ce gardien au CV atypique. Douze ans à écumer les bancs aux quatre coins du monde du Brésil à l’Italie en passant par la Roumanie ou le Vietnam, des trous comblés en s'entraînant tout seul à la montagne, au milieu des chèvres (et non, il n’est pas question ici de Diarra ou Morel).
Son arrivée à l’OM, véritable mystère du recrutement direct to DVD, fait office de surprise du chef (reste à savoir duquel). Pris pour faire nombre et remplacer un Riou blessé, promis à la Coupe de la Ligue (sans en jouer la finale), Andrade s’assoit chaque week-end sur le banc. Equipé de la tête aux pieds, avec une joie et une motivation à la limite du suspect, il fête chaque victoire de ses coéquipiers comme une finale de Coupe du monde. Avant tout, Andrade est donc un homme de vestiaire entièrement dévoué au collectif, passionné par son sport et par les hommes qui l’entourent, et de fait très apprécié de son groupe.
La saison 2012 d’Andrade, c’est surtout le fantasme de tout supporter fait réalité : profitant de la suspension de Mandanda et du sabordage de Bracigliano, il se retrouve titulaire pour le quart de finale contre le Bayern. Et prend le match comme un huitième de finale de Coupe de la Ligue: “Je n'ai aucune raison d'être stressé, je vis une journée magnifique, ce match est le sommet de ma carrière.”
Le sommet, mais aussi la fin. Non renouvelé en fin de saison, Andrade continue de s’entraîner activement dans la région marseillaise, dans l’attente d’un coup de fil du staff marseillais qui n’arrivera jamais. Et pourtant, comme à son habitude, Andrade n’exprime aucune rancœur envers les dirigeants marseillais. Il négocie même une dernière visite du Vélodrome “pour dire au revoir aux supporters [...] Pas pour rester ou pour insister, mais parce que [il] a vraiment ce club dans [son] coeur.”
Certains avanceront que ses rares apparitions sur le terrain auraient mérité une nomination au Ballon de Plomb. Mais ce serait quand même sévère pour un joueur invaincu en Coupe de la Ligue. Et surtout mésestimer le rôle d'Andrade. Après tout, comme le dit Matthias Sammer: “Andrade est numéro 3 à Marseille, il serait numéro 13 dans un club allemand”. C'est tout à fait ça: un porte-bonheur. Alors votez Elinton pour ne pas tomber en rade.
Point fort
Sa biographie sur son site officiel (avec le récit de ses entraînements avec des moutons – quand le lien marche). Je vous mets au défi de la lire et de ne pas voter pour lui ensuite.
Point faible
Il est capable de fondre en larmes et d’étouffer Jérôme Latta dans une étreinte sans précédent lors de la remise du trophée. Ou de faire tomber le trophée.
Le slogan de campagne
“Votez Andrade, pour qu’il attrape au moins un ballon cette année.”
“C’était attendu et convenu. De part son implication et la qualité de son jeu, nous souhaitions le prolonger. C’était important pour le club. Il a encore des jambes et une superbe mentalité dont on ne pouvait pas se priver. C’est quelqu’un d’irréprochable et nous sommes très heureux qu’il continue l’aventure avec nous”. Christian Gourcuff n’a pas hésité longtemps quand il a fallu reconduire le contrat de son latéral gauche de trente-quatre ans. En course pour la troisième fois dans la quête du Ballon d'Eau fraîche, Arnaud Le Lan n’est plus à présenter. Les portraits des éditions précédentes (ici et là) ont déjà rappelé la singularité de son parcours et du personnage: ses études en STAPS, son contrat pro signé à sa grande surprise, la légende de l'AX, son tour de Bretagne (Lorient, Rennes, Guingamp, Lorient). Mais aussi sa constante simplicité, sa lucidité et son respect du maillot.
Cette saison, son expulsion face à Valenciennes aurait pu l’écarter de l’élection. Le défenseur lorientais en a profité pour démontrer toute sa classe. “Je m'en veux. Je dois être capable de mieux me contrôler. Ce n'est pas dans mon tempérament de commettre ce genre de faute. (...) Ma faute est liée à la frustration d'avoir perdu le ballon. Sur cette action, je ne prends pas l'information correctement, je ne suis pas suffisamment concentré. Résultat : je veux me racheter de mon erreur rapidement et je commets cette faute. Je ne voulais pas mettre mon équipe en danger. À l'arrivée, c'est l'inverse qui s'est produit. Comme quoi, on peut avoir trente-quatre ans, beaucoup d'expérience, et commettre ce genre de bêtise.”
Plus souvent remplaçant cette saison, Arnaud Le Lan ne sera peut être bientôt plus sur les terrains de Ligue 1. N'en faisons pas le Maldini du BdEF – un joueur qui l'aurait mérité chaque année sans jamais le décrocher. N’attendons plus pour le mettre à l’honneur, même si ce n’est pas dans son tempérament.
Point fort
Ça fait quinze ans qu’il est en campagne, ça devrait finir par payer.
Point faible
Romain Danzé pourrait être son Chevènement.
Slogan de campagne
“Le Lan, c'est maintenant.”