Zidane, une érection à scandale
Une Balle dans le pied – Dressée devant le Centre Pompidou, la statue géante de Zidane et Materazzi a choqué des présidents de district...
Œuvre d'Adel Abdessemed [1] installée il y a un mois sur le parvis du Centre Pompidou à Paris, la statue représentant la rencontre inamicale entre Zinédine Zidane et Marco Materazzi, lors de la finale de la Coupe du monde 2006, a suscité une tardive réaction de réprobation de la part d'une trentaine de présidents de districts. Dans une lettre ouverte à l'ancien numéro 10 des Bleus, ils se sont adressés à "l'ancien champion sportif, au futur entraîneur, à l'homme et surtout au papa (...), afin [qu'il puisse] dénoncer et faire cesser immédiatement cette utilisation négative de [son] image", et aussi qu'il "témoigne de [son] soutien indéfectible aux valeurs éducatives de notre football, pour lesquelles nous sommes nombreux à nous battre" (AFP). Nos braves dirigeants du foot d'en bas ont ainsi lancé une sorte d'appel à la censure [2] en estimant qu'un artiste n'avait pas le droit de s'emparer de ce sujet en ces termes.
COULÉS DANS LE BRONZE
Pourtant, la scène représentée n'appartient pas exclusivement au football, à la Coupe du monde FIFA™ ou à ses deux protagonistes, dans la mesure où elle est directement entrée dans l'imaginaire mondial en faisant l'objet d'innombrables reprises, parodies, détournements et autres memes sur Internet. Selon un processus très classique, l'artiste s'est emparé de ce morceau de culture populaire pour en faire un objet plus strictement artistique, en détournant voire en inversant les codes de la statuaire. Là où il s'agit généralement de glorifier un quelconque héros national en l'immortalisant à son zénith dans une pose, la composition s'arrête à un moment trivial et violent, peu flatteur quoique profondément visuel (l'artiste a ainsi joué de la contradiction entre l'impression de mouvement qui se dégage de la posture des deux joueurs, une fraction de seconde après l'impact, et la lourdeur de cette composition de cinq mètres de haut, qui fige la scène).
Le geste est d'ailleurs à mettre en relation avec la frénésie d'érections de statues qui s'est emparé des stades anglais, dont les spectateurs sont accueillis par de glorieux anciens – plus ou moins anciens, puisque Thierry Henry a pu inaugurer son effigie de bronze devant l'Emirates Stadium avant de rejouer quelques semaines pour Arsenal en chair et en os. Cette vogue ouvrira peut-être aux sculpteurs européens un marché sans précédent depuis les monuments aux morts de l'entre-deux-guerres, alors on peut souffrir que pour cent statues apologétiques, une prenne le contrepied et questionne toutes les autres. Pour éviter tout malentendu, celle-ci a même été placée devant un musée et non devant un stade.
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