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Le voyageur romantique

Football fiction – À la fin des années 2010, un footballeur français devient une star à Santiago et écrit l\'histoire avec la sélection nationale du Chili...

Auteur : Santitonio le 23 Août 2012

 

Comment un joueur français, un mec dans la fin de la vingtaine, pas une star en France, juste correct, se retrouve-t-il à 14.000 km de chez lui? En l’An de grâce 2017, Nicolas Parbot, un p’tit footeux frenchie, débarque au Chili et devient une star. Oh, pas d’un coup. Les débuts sont moyens. Problèmes d’adaptation, après huit ans de L1. Il faut retrouver sa place. On le trimballera un peu partout sur le front de l’attaque. D’abord à gauche. Puis à droite, pour rentrer sur son pied intérieur. Ça ne prend pas trop, il n’a jamais joué là, et il n’arrive pas à centrer. Quelques matches plus tard, il touche le fond en attaquant de soutien. Lent, emprunté. Après un penalty raté, le public le prend en grippe, lui et son salaire de luxe. Puis, à la faveur de la blessure rocambolesque de la star locale sur un plateau télé, il explose derrière le trio d’attaque. Ne quitte plus le onze titulaire. Claque des passes. Plante quelques coups francs. On ne parle plus trop de son salaire, on s’intéresse plutôt à son passé.

 


Une carrière dans l'ornière

Formé au PSG, il dispute quelques matches de coupe mais ne reçoit pas de proposition de contrat. Il part au FC Lorient, où il y va jouer quatre saisons. La troisième, il explose. Milieu relayeur avec une bonne vision du jeu, il envoie même quelques mines sur des deuxièmes ballons. En fin de contrat, il signe à Paris. Rêve son grand retour. Échoue. Le soufflé retombe. Blessures, méforme, mésententes avec le coach, qui lui préfère des joueurs plus explosifs. La presse le dit sur le déclin. Certains spécialistes le donnent pour fini.

 

Et puis il y a eu cette proposition insolite. La U de Chile, jamais entendu parler auparavant. Son agent trouve l’idée intéressante. Ca vaut au moins la peine de l’explorer. L’émissaire du club tient absolument à faire sa connaissance. Que risque-t-il à le rencontrer? Il y va sans grandes attentes, n’ayant toutefois rien contre une expérience. Paris est même prêt à le libérer de sa troisième année. La première rencontre se passe très bien. En guise d’émissaire, c’est le président du club, un jeune type d’une trentaine d’années, qui est là à titre privé. C’est sa lune de miel. C’est la mariée qui doit être contente, se dit Nicolas. Le courant passe tout de suite. Fernando parle bien Français. Il a étudié à la fac de Grenoble, un master de sociologie. Il lui parle de ce projet un peu fou, qu’il mène depuis trois ans. Un club "équitable", une inspiration qui lui est venue en visitant une clinique sportive installée au bord d’un bidonville. Il y a une flamme chez ce type. Ça semble irréel.

 

 

L’offre de contrat qu’il lui fait parvenir deux semaines plus tard est par contre bien ancrée dans le réel. Intéressante: 15.000 Euros par mois, logé, des garanties bancaires satisfaisantes. Il y pense sérieusement. Ça le chagrine de ne pas connaître plus de cinq joueurs de l’équipe nationale, qu’il n’a pour ainsi dire jamais vue jouer, à part des bouts de comptes-rendus. Pas qualifiée pour le Mondial 2014, la Roja est retombée dans l’anonymat.

 

Le club qui le courtise s’appelle la U de Chile – U pour université. Un club nommé en référence à une fac? Il se demande quels liens il peut bien y avoir entre les deux. Ca l’intrigue. Le club est qualifié pour la prochaine Copa Libertadores. C’est déjà une référence. Il y aura peut-être la possibilité de jouer contre Santos, qui domine le monde depuis deux ans. L’Amérique latine, c’est pour lui des images de chaudes ambiances, de derbies de feu. Sur le plan culinaire, il kiffe le mojito et le chili con carne. Ça lui suffit, il signe. Au moins, il apprendra vite que le Chili c’est seulement tex-mex, et complètement inconnu à Santiago. Putain de culture en boîte. Et remplacera le rhum par du pisco. Salud.

 

En arrivant au Chili, son coach semble ne pas vraiment le connaître. Quelques DVD tout au plus. Il découvrira par la suite qu’il en a des milliers, et qu’il aime "inventer" des joueurs. Après quelques entraînements, il lui a dit d’essayer sur le côté gauche. Ça lui a plutôt plu. En France, on ne l’avait jamais fait bouger, sauf pour couvrir un arrière latéral suspendu, de temps à autre. Avec interdiction de dépasser la ligne médiane. Et là, pour la première fois, il doit attaquer, provoquer. L’aventure peut commencer.

 

 

 

Le grand saut – 19 mai 2017

Pour commencer la semaine, son premier Clásico. À l’aller, il était blessé. La U de Chile, entraînée depuis trois ans par Marcelo Bielsa, affronte aujourd’hui son grand rival, Colo Colo, coaché par Ivan Zamorano. Le stratège argentin dirige l’équipe de Nicolas depuis que le club a été repris par un fonds de pension canadien épris de solidarité, et décidé à mettre en place un projet novateur dans le sport pro. Qui gère ça très à distance, recevant les rapports d’un idéaliste local qui a monté le projet de A à Z. Son projet, mûri pendant des années: un club qui tournerait bien financièrement, articulé autour d’un projet éducatif allant des poussins jusqu’à l’équipe A. Un partenariat avec une université, pour former les joueurs. Des activités autour du club: école, centre médical. Des installations ouvertes à tous, et les joueurs au milieu. Avec leur statut de pro, ils ont des privilèges, mais rien d’extravagant. De quoi les élever au top, avec seulement un peu moins de temps libre que leurs partenaires des autres équipes. D’ailleurs, le mouvement commence à déteindre, on parle d’un groupe d’investisseurs locaux (une coopérative de petits investisseurs à 10.000 pesos l’action) en passe de reprendre le Colo, vendu par un Piñera en manque de liquidités après un nouveau krach à Wall Street.

 

C’est aussi pour ca que Nicolas est arrivé au Chili. Les salaires en Europe ont chuté pour les joueurs de seconde zone comme il était devenu. Ce n’était pas inintéressant financièrement de partir à 14.000 km. Et c’est autrement plus marrant que Dubaï. Surtout dans ce club. Il était vraiment bien tombé. Il avait des potes qui étaient partis aux States, en Chine, aux Émirats, en Australie (un mec qui avait fait toute sa carrière en National). Il avait eu la chance de tomber ici, sur ce projet un peu fou qui était en train de réussir. Battu en finale des play-offs l’an dernier, ils avaient l’occasion de prendre leur revanche sur leurs meilleurs ennemis, propriété d’un ex-président qui a la folie des grandeurs pour son club.

 

Nicolas arrive en forme. C’est son onzième match au Chili. L’équipe est deuxième, juste derrière le Colo. Aujourd’hui, ils peuvent prendre un ascendant important sur leurs rivaux, peut-être décisif à l’orée des play-offs. Il vient de faire trois bons matches. Il y croit. Le coach lui a dit de se détendre, que ça allait finir par venir. Et il avait raison. Au cours d’une partie tendue, Nicolas plante deux buts, et délivre une passe décisive, et devient Nico. La U gagne 3-1. Il est l’homme du match. On le porte en triomphe. Première interview en direct le soir même, depuis son jardin. On ne voit pas tous les potos qui fêtent ça. Cachés dans le salon, la télé a accepté de ne pas les montrer, pour asseoir l’image d’un mec sérieux.

 

Trois jours après, quart de finale de Libertadores. Nouveau but. Encore décisif. Victoire 2-1 sur Peñarol, ce qui les envoie en demi-finale face à Santos. Il va donc affronter Neymar, qui a toujours résisté aux sirènes de l’Europe. Douze millions de dollars la saison, plus un statut de demi-dieu chez lui, l’ont fait réfléchir. Et ça a valu la peine. Double vainqueur de la Libertadores en titre. Et surtout… doublé au championnat du monde des clubs! Un second titre historique dont les Brésiliens ont fait une fierté nationale. Bref, un monstre. Il sait déjà que ce sera le plus grand match qu’il ait jamais joué, lui qui n’avait pas participé à la finale de Coupe de France perdue par Paris l’année précédente. Mais avant ce plat de choix, finir la semaine face à Cobresal, dans ce trou perdu dans le désert qu’est El Salvador. Non, ils enverront la réserve, on est déjà qualifié pour la phase finale. Ce soir, c’est la fête, donc. Champagne.

 

 

 

Embrasser la Roja

Janvier 2019. La Copa America aura lieu au Chili en milieu d’année. Un trophée que la Roja n’a jamais remporté. On lui propose de jouer pour la sélection. En vertu de son mariage avec Violeta, il est chilien depuis l’an dernier. Et il n’a jamais été sélectionné en Bleu. À trente ans, c’est donc inespéré.

 

Première sélection en amical, à six mois du tournoi. Il est très fier. Ses parents sont venus, ils sont en présidentielle. C’est sans doute la première fois que son père assiste à un match de foot dans un stade! Si on lui avait prédit ça, quelques années auparavant, il aurait explosé de rire. Un match contre la Corée du Sud, au Nacional. Les joueurs évoluant en Europe n’ayant pas été libérés par leurs clubs, il est titulaire d’entrée. Ça ne le fait pas paniquer. Ce n’est plus un jeunot. Il parle un parfait espagnol maintenant, mis à part ces foutus rrrr. Est apprécié de ses coéquipiers, ce Français un peu fêlé. Il est surtout devenu une idole pour les supporters du viajero romántico. Le "voyageur romantique", un des surnoms du club. Si les mots lui viennent comme ça d’ailleurs, s’ils se mélangent, c’est parce que c’est vraiment pas la même en VF.

 

 

Les gens se sont pris de sympathie pour lui parce qu’il s’est jeté à corps perdu dans ce projet. Il en est maintenant la tête d’affiche. Pas trop de télé, mais beaucoup de réunions, avec des maires, des parlementaires. C’est comme ça qu’il a rencontré Violeta, député PC, benjamine de la Chambre. Elle a créé la surprise lors des élections, deux ans auparavant, l’emportant dans une circonscription où elle n’aurait dû être qu’une sparring-partner. Notamment parce qu’elle a réussi un coup en annonçant qu’elle prospectait des partenaires sérieux pour reproduire aux Wanderers, club de Valparaiso, le modèle de la U.

 

Les Coréens sont champions d’Asie en titre. C’est Park, l’ancien joueur de Manchester, qui coache. Ça joue vite. Il est un peu limite. Heureusement, il est plutôt bien entouré. Deux de ses coéquipiers près de lui au milieu, plus un défenseur central. Et deux remplaçants. La U en nombre. En force. Il trouve ses marques, commence à distribuer vers l’avant. Touche beaucoup de ballons. Les bonifie. Belle ouverture vers Campos sur la gauche, qui centre pour Ruiz, et but. Il est au départ de l’action. Le rythme retombe. Amical de mi-saison, personne n’est très motivé. Mais une grosse faute alors que Sánchez débordait sur la droite. Coup franc, comme un corner ouvert, à vingt-cinq mètres des buts. Il le frappe au deuxième poteau, et… ça rentre direct. En pleine lucarne, après une trajectoire bizarre. Certains douteront du placement du gardien, qui ne fait qu’accompagner la balle du regard, semblant croire qu’elle va sortir. Mais pour Nico, c’est 2-0, première sélection, premier but. Il le revoit plusieurs fois aux infos, avec le cri du commentateur, un goal interminable, de carte postale, qu’il ne pensait pas mériter un jour. Et la participation à la Copa América dans la poche!

 

 

 

Le rendez-vous de Doha

Juillet 2019. La victoire en demi-finale de la Copa América face à l’Argentine d’un Messi viellissant mais toujours vaillant malgré les blessures (sa carrière ne tient plus qu’à un fil) sera certainement à jamais le plus beau jour de sa vie. Il a joué tout le match, luttant sur chaque ballon. Défendant plus qu’à l’accoutumée, redescendant pour soulager une défense dans le dur face aux artistes argentins. Mais ça tient. 38e minute: Abarca claque un but de la tête sur corner. 61e: Seymour double la mise sur une frappe de loin. Une hystérie collective s’empare du stade. Il reste maintenant cinq minutes à jouer, c’est une fusion totale. Jamais résignés, les Argentins s’arrachent, partent à l’abordage avec l’énergie du désespoir. Sur une contre-attaque, dans les dernières secondes, Nico part vers l’avant, reçoit une passe de Sánchez à quarante mètres du but adverse, s’avance, dribble le gardien, marque dans la cage vide, et le délire passe mille crans au-dessus.

 

L’explosion crève ses tympans. L’arbitre siffle la fin du match mais personne n’en a déjà plus rien à faire, la pelouse est envahie, les joueurs sont ivres de bonheur. C’est vertigineux, ils se sautent dessus, se relèvent, courent aux quatre coins du terrain. Nicolas redescend brièvement sur terre, choppe deux coéquipiers pour aller serrer la main des quelques Argentins qui n’ont pas encore rejoint leur vestiaire. De la défaite malchanceuse en finale face à aux Équatoriens on ne parlera pas. Ce jour n’a jamais existé. Venez au Chili, posez la question, tout le monde vous le dira.

 


Février 2020. Nicolas fait un passage remarqué en France. Il y est Parbot, "un binational en haut de l’affiche" comme l’indique le titre aigre doux de l’article du Parisien qui relate sa visite au club, entre footing au Camp des Loges et match en tribune au Parc. Le journaliste, très enthousiaste, y évoque même un possible retour. Mais Nico n’en a pas vraiment envie. En fait, il ne viendrait que s’il pouvait transformer le PSG sur le modèle de "sa" U. Mais faut pas rêver, sans partenaire richissime, impossible d’aligner les billets.

 

Monter un deuxième club, en banlieue? Ce serait beau, mais il a la flemme, et puis surtout il a plein de trucs à faire au Chili. C’est là-bas qu’est sa vie maintenant. Il va ralentir un peu ses activités annexes pour reprendre des études. Il pense parfois à la retraite. Mais pour clore en beauté cette carrière tardive et un peu folle, il a un dernier objectif. Jouer contre son autre pays. Autour de lui, on commence à lui parler de la Coupe du monde au Qatar, mais il se refuse à tout commentaire. Encore deux ans… il sait que ca va être dur. On lui demande s’il ne voudrait pas défier l’équipe de France, championne du monde en titre depuis le sacre de Moscou deux auparavant. Évidemment oui, ils croient quoi les journaleux? Les douleurs au dos, parfois insupportables, le maintiennent sur terre, lui rappelant qu’il aura quand même trente-trois ans à ce moment là. Est-ce qu’il n’aura pas raccroché les crampons d’ici-là? Pour l’instant, ça tient.

 


Mars 2021. Rentrée des classes. Il a obtenu une place dans un programme de sciences sociales de l’Université du Chili. Mars 2022: retour en Libertadores après deux années un peu galère, pour lui et pour le club. Pépins physiques qui s’accumulent. Toujours plus long pour revenir à un état de forme décent. Dans un groupe relevé, un p’tit tour et puis s’en va. Pas plus mal: il peut se concentrer sur son objectif. Disputer sa première Coupe du monde. Juillet 2022: quart de finale contre la France. Son dernier match. Qu’il terminera vidé, mais debout. Et vainqueur. Le Chili élimine le champion en titre 1 à 0, penalty sévère à la dixième minute. Puis quatre-vingts minutes à souffrir. La France a poussé, sans succès. Nico a donné tout ce qui lui restait. Il est incapable de tenir sa place pour la demie, et assiste donc impuissant à l’élimination de son équipe face à l’Allemagne. Puis à la défaite 4-1 face au Ghana dans la petite finale.

 

Il s’en fout un peu en fait. C’est déjà assez historique comme ça. Ça le dépasse complètement. Maintenant, reste à savoir de quel pays il deviendra sélectionneur… ou président!
 

Réactions

  • Pascal Amateur le 23/08/2012 à 10h06
    Merci pour cet article sur Valérien Ismaël.

  • Marius T le 23/08/2012 à 10h14
    Et un bout de Sébastien Le Toux

    Merci pour cet instant sympa.

    Tu es amoureux du Chili et ça se sent.

  • Nadine Zamorano le 23/08/2012 à 12h32
    y dale y dale bulla dale !

    Si tu mets Zamorano à la tête du Colo Colo, tant qu'à faire tu aurais pu mettre Salas à la U. Chouette article en tout cas.

  • José-Mickaël le 23/08/2012 à 15h44
    Ce texte est tellement intéressant, et je m'y connais tellement peu en football chilien, que j'ai maintenant peur de confondre fiction et réalité : si dans deux ou trois ans la France rencontrait le Chili, je m'imagine bien me demandant "au fait, ils n'ont pas un joueur franco-chilien dans leur équipe ?"...

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