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Je n'arrive plus à regarder le foot à la télé

Invité : Le Tigre – Devenu divertissement ou distraction, le football ne parvient plus toujours à retenir notre attention...

Auteur : Xavier de la Porte le 11 Juil 2012

 

Xavier de la Porte anime sur France Culture l'émission Place de la toile (diffusée le dimanche à 17h), il est l'auteur de La controverse pied/main – Hypothèses sur l’histoire du football (Éditions Ère 2006 – lire son interview dans les Cahiers du football #25) et tient dans le mensuel Le Tigre la chronique "Envoyé spécial depuis mon ordi"... Dont nous publions ici l'épisode paru dans le numéro de juillet-août de ce journal que nous vous obligerions à acheter si nous en avions le pouvoir.

 

* * *

 

Je n’arrive plus à regarder le foot à la télé. Et c’est un drame. D’ailleurs je n’arrive quasiment plus à regarder la télé. Mais c’est moins un drame. Avant, j’étais immergé dans les matches de foot. Seul. Mon intérêt pour ce sport ne m’ayant pas été transmis familialement (je m’inscris en faux contre cette idée que le football, comme certains chromosomes et les titres de noblesse, passeraient de père en fils) et ayant même grandi contre la famille (ma mère et mes sœurs concevant pour lui pour une aversion définitive, et mon père n’éprouvant à sa contemplation une sorte de passivité bienveillante qui, pour l’amateur de ce sport, est encore moins compréhensible que l’aversion), mes enthousiasmes furent toujours idiosyncrasiques. Ce qui a sans doute participé à la construction de ma force de caractère légendaire. Il n’est pas facile de pleurer quand l’OM bat Milan en finale de la Coupe d’Europe, au milieu de gens qui se marrent ou, pire, essaient d’attraper la télécommande pour changer de chaîne.

 

Par la suite, quand j’ai pu choisir ceux qui m’entouraient, j’ai toujours opté pour des amoureuses que les matches laissaient imperturbables et préféré me priver pour un soir de mes amis qui éprouvaient quelques émotions devant un filet qui tremble. Je déteste voir les matches dans des bars (d’ailleurs, je n’aime pas la sociabilité des bars) et ne vais au stade que très rarement, avec plein de bonnes intentions de supporteur qui s’évanouissent à peine installé dans la tribune, où je me transforme en une sorte d’entomologiste renfrogné.

 

 

Pendant près de deux décennies, j’ai donc regardé le foot à la télé, tout seul et concentré. Je me suis laissé absorber avec des degrés variables de plaisir, le plus grand consistant sans doute à divaguer par moment, les yeux aspirés par l’écran vert, l’esprit bercé par le commentaire et le bruit des supporteurs. Depuis quelques mois, je n’y arrive plus. Impossible de regarder un match de foot sans, au bout de quelques minutes, attraper un ordinateur ou équivalent. Il en est fini de la concentration et de son revers méditatif. Une fois l’ordinateur allumé, le match se transforme en un arrière-plan.

 

J’ai longuement réfléchi à ce qui est, à mon échelle, un changement de paradigme. La raison la plus évidente serait une addiction à la connexion. Elle est valable, mais en partie seulement. Oui, cet écran posé sur mes genoux sert à consulter mes mails, à y répondre, à regarder ce qui se passe sur Twitter, à surfer sur les sites d’informations, bref, à me livrer aux activités habituelles de tout camé de l’Internet.

 

Mais ça ne m’occupe pas longtemps, ça n’est qu’une entrée en matière, un prétexte au fond. Très vite, je passe à autre chose. En général, c’est une question qui est le point de départ: en regardant un match de l’équipe de l’Allemagne je me dis par exemple "tiens, il est de quelle origine Khedira?" Je tape donc "Khedira" sur Google. Je tombe sur sa fiche Wikipédia "Il est né à Stuttgart d’un père tunisien et d’une mère allemande. Ah ouais?Et Boateng?". Je tape "Jérôme Boateng" sur Google. Je tombe sur sa fiche Wikipédia "International allemand, il est d’origine ghanéenne. Et son demi-frère, Kevin-Prince Boateng est un international de l’équipe du Ghana. Ah tiens, marrant?" Là, je me dis " et c’est quoi leur histoire familiale pour que l’un soit ghanéen, et l’autre allemand." Nouvelle recherche. Et je peux répéter cela sur une équipe entière.

 

Je tiens néanmoins à rassurer ceux qui s’inquiètent, l’origine des joueurs n’est pas toujours au centre de mes intérêts. La dernière fois, ce sont les femmes des joueurs qui m’ont occupé: les pop-stars, les animatrices télé, les voisines d’enfance, je fais des catégories. La veille, je m’étais passionné pour le cas de Trapattoni, vieil Italien qui entraîne l’équipe d’Irlande et dont on dit qu’il est proche de l’Opus dei. Puis sur les entraîneurs qui avaient été anoblis dans leur pays (étonnant qu’on anoblisse les entraîneurs, pas les joueurs). Plus souvent, ce sont des points historiques: "est-ce que la Russie battait plus régulièrement la Pologne avant que le Mur tombe?". J’essaie alors de dégager des lois générales qui auraient échappé à tous et me permettraient de faire des pronostics assurés.

 

Mais cela – trouver des raisons là où il y en a peu, ranger dans des cases, satisfaire ma curiosité – suffit-il à expliquer que je ne sois pas capable d’éteindre mon ordinateur pour me laisser prendre par le match? Non, pas complètement. Se jouent en réalité autre chose. D’abord, un émerveillement renouvelé pour ce que le web recèle comme informations sur le foot. C’est fascinant. Quelle que soit la question, je trouve la réponse. Il y a toujours quelque part un dingue pour donner l’information. C’est valable pour beaucoup de sujets, mais particulièrement pour le foot. Et au bout d’un moment, c’est cette fascination qui devient la raison même de la recherche: les blogs de supporteurs, les sites de fans, les types qui passent des heures à faire une compilation des plus beaux buts d’un joueur pour la poster sur Youtube sur fond de Metallica. Sur le web, le football se constitue en culture, mais de manière éclatée, morcelée. Je m’amuse à constituer des blocs de données absurdes, parfaitement inutiles, mais qui participent à l’élaboration de théories qui n’intéressent personne.

 

La seconde raison est plus profonde, et peut-être plus inquiétante: l’ennui devient difficilement supportable. Car le match de foot a pour particularité – et c’est ce qui le distingue de beaucoup d’autres sports – d’être toujours, par moment au moins, un peu ennuyeux. Avant, ces moments étaient ceux de la divagation. Aujourd’hui, ils sont ceux de la distraction. Il m’arrive, à la fin du match, d’avoir une idée assez précise des salaires de tous les joueurs d’une équipe, mais d’être incapable de donner le score de la partie quand j’éteins la télé. Je ne laisse plus de place au vide.

 

Pourtant, me dis-je pour me rassurer, il s’agit dans tous les cas de faire avec mon ordinateur ce que je ferais avec des gens si je préférais leur compagnie pour regarder des matches. Discuter quand la partie se ralentit, élaborer des théories, se rappeler des vieux trucs, étaler son érudition footballistique sont quelques-unes des fonctions essentielles du match en société. L’avantage de mon ordinateur est de ne pas vouloir que j’aille lui chercher une bière au frigo, de ne pas entamer une conversation littéraire pendant une séance de tirs au but, de me donner une info sans me faire la lecture de L’Équipe du matin. Cela dit, est-ce vraiment rassurant?

 


 

Réactions

  • theviking le 11/07/2012 à 07h54
    J'ai exactement le même problème, j'ai vraiment du mal à regarder un match de foot, sans consulter qqch en parallèle sur mon ordi portable. Du coup, c'est un peu le cercle vicieux, on est moins attentif, donc moins dans le match, donc plus enclin à consulter qqch, etc ...

  • PlazaAthenee le 11/07/2012 à 09h23
    Tout pareil, je ne parviens plus à regarder un match de foot sans interruption de clics. Mon cas s'est agravé avec le forum des Cahiers d'ailleurs!
    ça ne concerne pas seulement le foot, pour les films c'est pareil. C'est grave Docteur?

  • Monsieur Jo le 11/07/2012 à 09h26
    Hélas! J'aurais pu écrire cet article.

  • Tonton Danijel le 11/07/2012 à 09h40
    Je me reconnais aussi bien dans ce texte, on pourra fonder une association...

    ParisHilton
    aujourd'hui à 09h23

    Idem avec les films. Ça commence par la recherche sur wikipedia d'infos (et d'éventuels spoilers), et ça dérive en cliquant sur les liens de la bio des différents acteurs/réalisateurs.

  • LLBB1975 le 11/07/2012 à 09h51
    Le diagnostic est simple :
    Vous êtes tous des geeks.

    Je ne vois pas d'autres explications.

    Cela fera 60 € non remboursable par la sécu.

    De rien.

  • Monsieur Jo le 11/07/2012 à 10h20
    Tu as le terminal pour la carte vitale?

    Mon cas à moi est plus grave, point d'internet, je lis mon canard en levant de temps en temps un regard distrait. Suis je normal docteur?

  • Pascal Amateur le 11/07/2012 à 10h21
    J'ai le droit de trouver ce texte sans grand intérêt ?
    Xavier de la Porte a oublié une explication : il vieillit. Comme nous tous. La mort s'invite, a-t-on le temps pour ces futilités qu'est le foot ?

    Sinon, pour les clics intempestifs sur le Net, j'ai trouvé cela, d'une chercheuse (Nicole Moscroni, CREF, Centre de recherche éducation et formation) :

    > "la « pulsion de savoir » est une pulsion de recherche, pulsion de voir et de saisir, (tentative « d’aller y voir » ou d’y « voir clair ») suscitée par l’énigme de la sexualité adulte. L’activité de penser s’oriente de telle sorte qu’elle investit et érotise l’énigme. L’étape ultérieure sera la tentative que va faire l’enfant pour créer un savoir qui donne une réponse à l’énigme."

    Le foot, ce sont des corps, qui se touchent, se confrontent, c'est excitant. Il est possible de voir cela comme une sexualité détournée.

    Enfin bref, tout ça pour dire que l'érotique du foot, à nous âges d'adultes où la sexualité est au cœur de la vie, n'est pas à sous-estimer.

    Ou pas.

  • syle le 11/07/2012 à 10h23
    En ce qui me concerne, j'ai l'immense plaisir de ne pas me reconnaître du tout dans ce récit effrayant à la lecture duquel je n'ai, du coup, ressenti qu'une incompréhension polie mâtinée d'un ennui profond.

    Enfin, si, je peux m'y reconnaître, mais dans le début du récit seulement, là où il est question de regarder du foot concentré, absorbé.
    Je touche du bois...
    Car le signe que j'y vois, outre une omniprésence du web qui génère parfois des comportements étranges voire inquiétants, c'est surtout celui d'une passion déclinante pour le ballon rond.

  • Monsieur Jo le 11/07/2012 à 10h26
    Tu as le terminal pour la carte vitale?

    Mon cas à moi est plus grave, point d'internet, je lis mon canard en levant de temps en temps un regard distrait. Suis je normal docteur?

  • visant le 11/07/2012 à 10h35
    Il n'y a rien de grave, juste du désintérêt peut être liée à un vieillissement accéléré ou une overdose de matchs. Ca arrive.
    Prendre un peu de repos et sociabiliser un peu sa relation avec le foot.

    Je vous fait un tarif, je suis sponsorisé par des émirs: 120€.

La revue des Cahiers du football