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Petit guide des réalisateurs télé de l'Euro

Cinq réalisateurs sont en piste en Ukraine et en Pologne: un Allemand, deux Anglais, deux Français, passés au banc d\'essai.

Auteur : Jacques Blociszewski le 19 Juin 2012

 

On ne le sait pas toujours, mais sur cet Euro 2012, ils sont nos yeux… C’est à travers leur regard que nous suivons les matches à la télé. Ce sont eux qui décident de ce que nous ne verrons pas, de ce que nous verrons et de comment nos le verrons. Bien sûr, ils ne sont pas censés nous priver des buts et oublier complètement le ballon (quoique, parfois…), bien sûr les téléspectateurs gardent une marge d’interprétation des images et un peu de sens critique, mais pour tout le reste les réals ont leur mot à dire. Et ils le disent très fort, même et surtout si nous restons inconscients de leur présence, anesthésiés que nous sommes par la puissance du média. Le média est le message disait si justement Marshall McLuhan dans les années 60. Le problème aujourd’hui est que nous continuons à faire comme si "le message est le message". Erreur. Ce que nous recevons du foot à la télé, ce n’est plus seulement un match, c’est un produit télévisuel très élaboré, dans la fabrication duquel interviennent les conditions de la production, les moyens techniques et financiers mis à disposition, le style et la culture du réalisateur, sa vision du monde, sa conception du football et de la technologie, etc. Pour une bonne part, donc, voir un match à la télé, c’est le voir avec les yeux d’un autre.

 

 


Tactical et Spidercam

Notre perception des matches dépend donc étroitement de tous ces facteurs. On comprend aisément qu’une rencontre qui compte 1.300 plans n’est pas reçue comme une autre qui n’en contient que 600, que 60 ralentis pendant un match ne nous font pas le même effet que 130… Lors de chaque match de cet Euro, 32 caméras filment le jeu. Contrairement au Mondial 2010, le révélateur de hors-jeu n’est heureusement pas au menu (Platini est contre). Les caméras de prises de vue aériennes (Tactical et surtout Spidercam, très employée) sont elles de la fête. Tant mieux. La finale, et seulement elle, sera retransmise en 3D. 35 diffuseurs – broadscasters – seront présents à l’IBC de Varsovie, Centre de diffusion international des images télévisées, et l’Euro sera reçu dans 200 pays du monde [1].

 

Un dernier point qui nous en annonce de belles pour les années à venir: les équipes de production envoyées par les chaînes nationales ajoutent, on le sait, des images additionnelles au signal international fourni par le "télédiffuseur hôte". C’est le cas évidemment sur cet Euro. Tant qu’il ne s’agissait que de montrer, disons, "les Bleus" juste avant le match par exemple, la chose était désagréable (a priori il y a un adversaire en face, ce sont des matches internationaux, pas des défilés patriotiques) mais elle restait supportable. Or les télés nationales peuvent aussi maintenant intervenir sur les matches eux-mêmes et plus seulement sur leur environnement. L’origine des images est donc de plus en plus incertaine. Pour analyser les divers styles de réalisation, il va désormais falloir se lever vraiment très tôt! Mauvaise nouvelle.

 

 

 

Saucissonnage à la française

Pour pouvoir évoquer ce qui se passe pendant cet Euro, il nous faut d’abord situer les réalisations françaises par rapport aux allemandes et anglaises telles qu’on les voit toutes les trois en action en cours d’année sur les coupes et championnats nationaux. Car s’il y a une différence de conception entre les réalisations aujourd’hui, c’est bien entre ces deux groupes qu’elle est la plus nette (avec bien sûr quelques nuances entre Anglais et Allemands). Les longues recherches que nous avons menées tous ces derniers mois ont ainsi révélé que, durant l’année, nous Français voyons globalement les matches en morceaux deux fois plus petits que les Allemands et les Anglais. Quand les Allemands font 550 ou 600 plans au cours d’une rencontre, la plupart de nos réals à nous sont entre 900 et 1.350! Et quand les Anglais font 60-65 ralentis, nos petits Français en lancent sans problème de 105 à 135.

 

En France, la vision du jeu collectif est deux fois plus détériorée qu’en Allemagne et en Angleterre, l’individualisation des matches est deux fois plus forte. Et ceci notamment à travers un nombre total de plans bien plus élevé, les multiples vues de joueurs seuls balle au pied, la durée beaucoup plus courte des plans larges. (lire "Les réalisateurs français hors-jeu")

 

 

 

Tri-nations pour la réalisation

Pendant les grandes compétitions (Euros et Coupes du monde) les écarts entre les styles se resserrent un peu. Le partage des mêmes dispositifs et moyens techniques, le sentiment de faire équipe, les éventuelles recommandations de l’UEFA et de la FIFA concernant les modes de réalisations et surtout les souhaits de l’ensemble des chaînes de télé concernées (broadcasters): tout cela homogénéise en partie les prestations des réalisateurs. Mais en partie seulement. Chassez le naturel il revient au galop…

 

Allemagne, Angleterre et France sont les trois nations abonnées aux Coupes du monde et Euros, côté réalisation. De plus, être sous contrat avec la société HBS (Host Broadcast Services) est une condition quasi sine qua non pour travailler sur ces grands événements. Et ceci même si l’UEFA produit désormais elle-même ses images, depuis l’Euro 2008. HBS n’en restera pas moins un des principaux prestataires techniques sur cet Euro 2012. Allemagne-Angleterre-France: donc sur Euros et Coupes du monde, pas d’Espagnols, pas d’Italiens, pas de Portugais, pas de Russes, pas d’Argentins, pas de Brésiliens, pas de Mexicains? En ben non!

 

En attendant, ce cercle étrangement restreint a au moins un avantage: il permet de comparer facilement les réals des trois pays sur un même événement. On constate ainsi que, pendant le Mondial 2010, les réalisateurs français ont lancé en moyenne 35 ralentis de plus que leurs homologues allemands et anglais (étude faite sur 17 matches, 7 des Français et 10 des Allemands et Anglais). En gros, quand un réal anglais, disons Watts, lançait 70 ralentis, le Français, Lanaud par exemple, en faisait 105. C’est là une différence moindre qu’au niveau national – où on va souvent carrément du simple au double – mais 35 ralentis de plus ou de moins, ça se sent!

 

 

 

Voyage au cœur du Filtre

Donc, entres les stades polonais et ukrainiens et votre sofa, il y a eux: les réals. Ils sont Le Filtre. Ils s’appellent Knut Fleischmann (Allemagne), François Lanaud et Jean-Jacques Amsellem (France), Jamie Oakford et John Watts (Angleterre). Ce dernier, toutefois, n’a fait que le match d’ouverture à Varsovie, avant de passer à une tâche de supervision plus générale. Si vous voulez voir leurs jolies photos et leur parcours (en anglais), quatre d’entre eux sont (PDF). Sur l’Euro et le Mondial, Wolfgang Straub (Allemagne, qui signa la finale de la Coupe du monde France-Italie en 2006) et François-Charles Bideaux (France, qui fit la finale 2010 et est aujourd’hui directeur de la production des sports de Canal+) ont été les deux autres réalisateurs marquants de ces dernières années.

 

Ces réalisateurs de l’Euro 2012 sont tous plongés dans le même grand bain technologique et si, au premier coup d’œil, le profane (et même ceux des passionnés de foot qui ne se posent pas ce genre de questions) ne voit pas de différence d’un match à l’autre, ces réals gardent une part de spécificité. Leur personnalité s’exprime, malgré tout, à travers leurs choix. Au-delà du tronc commun technique, nous verrons donc ce qui caractérise et différencie, plus ou moins à la marge, nos cinq pros. Notons enfin que la nouvelle génération de réalisateurs n’a pas – encore – sa place dans cet Euro. Les cinq réals en Pologne et Ukraine sont tous des professionnels confirmés, de "vieux" routiers. Faut-il le regretter? Au vu de ce que les nouveaux nous montrent à l’antenne en France, c'est douteux...

 


Lire la note méthodologique.

 

* * *

 

GUIDE DES RÉALISATEURS DE L'EURO

 

 

Knut Fleischmann

 

Implantation sur l’Euro : Ukraine (Donetsk et Kharkiv)

 

A travaillé sur : Coupes du monde 2006 et 2010. Euro 2008. Au Mondial 2010, il a notamment fait la demi-finale Allemagne-Espagne et la finale pour la 3e place Allemagne-Uruguay.

 

Ses stats
Nombre de ralentis par match : 69
Taux d’enquête (proportion du nombre de ralentis de fautes par rapport au nombre total des ralentis d’actions de jeu – marque déposée JB…): 31%
Nombre de plans: 594
Joueurs vus seuls balle au pied: 44
Touches: 34% sont montrées correctement (ou "OK"– lire la note méthodologique).
Durée moyenne des plans larges: 23 secondes.

 

Nos estimations sur France-Angleterre ont vu un Fleischmann rendre quasiment une copie conforme à ce profil. Seul le pourcentage de touches "OK" était en légère hausse mais que ce réal est ici agaçant! Que de touches absurdes et d’envois de balles à l’aveugle…

 

Pour
• un côté (légèrement) imprévisible un peu rafraîchissant. Il peut être à 46 ralentis sur un match et à… 98 sur un autre.
• quand il faut montrer un plan large qui dure, il le fait très bien (c’est souvent le cas avec les Allemands – et aussi les Anglais et Espagnols…). Ne démolit pas le jeu collectif.
• un très raisonnable nombre total de plans et de plans de joueurs vus seuls balle au pied.

 

Contre
• le défaut de ses qualités: (relativement) imprévisible dans les deux sens. Avec lui, pour les ralentis, on peut ainsi atteindre sur un match un taux d’enquête bien trop haut, de 50%!… (La moyenne habituelle chez les réals de cette génération se situe entre 30 et 35%.)
• les rentrées de touches sont mal montrées.

 

Autres
• porte le même nom – mais pas le prénom – qu’un grand réalisateur de cinéma allemand, Peter Fleischmann ("Scènes de chasse en Bavière", 1969).
• est le réal de France-Angleterre et Ukraine-France.

 

Une question à Knut Fleischmann
Vous êtes un des rares au niveau international à oser lancer ponctuellement, sur un match, un nombre de ralentis de seulement 40 ou 50 (en Allemagne, d’ailleurs, de tels chiffres ne sont pas exceptionnels.) Croyez-vous à la possibilité de réintroduire de la rareté dans les réalisations actuelles et futures afin d’éviter la saturation des matches notamment par les ralentis? Pourrait-on ainsi ouvrir sur de nouvelles façons de faire, différentes et moins répétitives ? Et si oui, bien sûr, quelles seraient ici les pistes possibles?

 

 

 

John Watts

 

Implantation sur l’Euro : a fait le match d’ouverture seulement, à Varsovie, puis s’est installé dans cette même ville, à l’IBC, en tant que responsable du contrôle qualité.

 

A travaillé sur : Coupes du monde 2002, 2006 et 2010. Euros 1996, 2004, 2008. Au Mondial 2010, a notamment fait Mexique-France.

 

Ses stats
Ralentis: 67
Taux d’enquête: 33%
Nombre de plans:632 (sur un match)
Joueurs seuls balle au pied: 38 (sur un match)
Touches: 48% OK
Durée des plans larges: 22’’

 

Pour
• une valeur sûre et un classicisme bien dans la grande tradition britannique.
• n’abuse de rien, ses stats sont équilibrées. N’est pas trop atteint par les excès techno, reste calme. On l’avait quitté à 72 ralentis sur Mexique-France, on le retrouve autour de 74 sur Pologne-Grèce… C’est dire! Si l’ouverture de cet Euro lui a été confiée c’est que le premier match, très important, "donne le ton".

 

Contre
Pas grand chose, à vrai dire. Manque un peu de fantaisie? Pas terrible sur les touches. A remontré six fois – en trois séquences espacées – le penalty arrêté par le gardien polonais contre la Grèce; c’est peut-être un peu beaucoup.

 

Une question à John Watts
Après votre Pologne-Grèce, vous êtes maintenant responsable du contrôle qualité sur cet Euro. Je ne sais pas exactement ce que vous jugez dans les prestations de vos confrères mais si vous avez (aviez) la possibilité de noter le niveau de chacune des réalisations, voici un cas concret: un des réals de cet Euro passe à l’antenne sa sixième super loupe du match; magnifique, très esthétique, très réussie... Mais pendant ce temps, sur le terrain, le jeu a repris et les téléspectateurs ont manqué dix bonnes secondes de la rencontre pendant que la loupe défilait. Donnez-vous alors un demi-point de plus ou un demi-point de moins au réal qui a lancé la loupe?

 

 

 

Jamie Oakford

 

Implantation sur l’Euro : Pologne (Gdansk et Varsovie, sauf match d’ouverture)

 

A travaillé sur : Coupes du monde 2002, 2006 et 2010. Euro 2008. Au Mondial 2010 a notamment fait le quart de finale Espagne-Paraguay.

 

Ses stats
Ralentis: 83
Taux d’enquête: 32%
Nombre de plans: 742 (sur un match)
Joueurs seuls balle au pied: 35
Touches: OK à 62% (très bon score, NDLA)
Durée des plans larges: 25’’

 

Autres
Son premier match sur cet Euro, Italie-Espagne à Gdansk, a été bien maîtrisé, équilibré, attrayant, avec des effets de caméras aériennes très réussis. Les stats sont sans surprise: 85 ralentis, et aussi une belle durée moyenne des plans larges, de 34 secondes. Ajoutons-y des vues vivantes sur les tribunes (mais sans excès): beaucoup de positif.

 


Pour
• la durée très appréciable des plans larges.
• le nombre total de plans et surtout de joueurs seuls balle au pied, qui sont à des niveaux très acceptables.
• montre assez bien les rentrées de touches: c’est rare!

 

Pour et contre
• réal anglais légèrement atypique, sur certains points au-dessus des normes britanniques habituelles: par exemple ses matches sont un peu plus découpés, le nombre de ses ralentis nettement plus haut.

 

Contre
• en danger de techno mania. En particulier, l’inflation des ralentis n’est pas loin. Cette affirmation, formulée avant son Espagne-Eire s’est confirmée lors de ce match. Au cours de celui-ci en effet, sur le quatrième but espagnol, Oakford n’a pu montrer en direct que la fin de l’action parce qu’il avait lancé à ce moment-là le ralenti de l’action précédente…

 


Deux questions à Jamie Oakford

- A votre avis, vers 2016, comment les réalisateurs britanniques auront-ils négocié le virage technologique? S’aligneront-ils sur le bombardement techno répétitif qui sévit en France? Ou bien inventeront-ils une nouvelle forme de créativité en évitant ainsi de passer pour ringards (ce qui d’ailleurs n’a pas l’air de les gêner beaucoup, tant mieux!).
- Comment ressentez-vous le succès croissant des réalisateurs français au niveau international, alors que le style britannique a longtemps été la référence?

 

 

 

Jean-Jacques Amsellem

Implantation sur l’Euro : Pologne (Poznan et Wroclaw)

 

A travaillé sur : Coupes du monde 1998, 2010. Au Mondial 2010, il a notamment fait le fameux Angleterre-Allemagne et le moins fameux Afrique du Sud-France.

 

Ses stats
Ralentis : 97
Taux d’enquête : 23%
Nombre de plans : 899
Joueurs seuls balle au pied : 88
Touches : 37% d’OK
Durée des plans larges : 17’’

 

Autres
• a signé la finale de la Coupe du monde 1998.
• a fait la Ligue 1 en 2011-2012, sur Canal +, avec L. Lachand (match du dimanche soir).
• sur le Pologne-République Tchèque de cet Euro, J.J.Amsellem a fait nettement mieux que d'habitude sur les touches, avec en moyenne une OK sur deux. Il a volontiers utilisé la Spidercam et beaucoup les super-loupes, a lancé relativement peu (pour lui) de ralentis – autour de 80. En revanche, le nombre de plans de joueurs vus seuls balle au pied était nettement à la hausse : 110.

 

Pour
• résiste en partie à la frénésie techno ambiante en France -et à Canal, ça ne doit pas être facile! Il a donc le mérite de garder un nombre total de plans plutôt haut mais encore acceptable et de ne pas trop forcer sur les plans de joueurs seuls balle au pied.
• ses plans larges, sans durer bien longtemps, restent regardables: 15 secondes en Ligue 1, 17’’ au Mondial. Il est le meilleur des réals français sur ce point.
• ne refuse pas les débats et les échanges: c’est sympa.

 

Contre
• très médiocre sur les touches (la plupart du temps, on ne voit rien).
• abuse lourdement des super-loupes. Sur cet Euro nous n’avons encore vu que très peu de choses de lui, sinon d’incroyables cascades de super-loupes aperçues sur BeIN Sport (Croatie-Eire). Une telle débauche de loupes pour voir aussi mal le foot: un comble… Pour votre bien comme pour le nôtre, Jean-Jacques, abandonnez au plus vite cet inquiétant et irréel monde parallèle! Revenez parmi nous!
• ses stats de ralentis, jusque-là hautes mais sans plus, montent dangereusement. Certes, sur Canal, avec un Lachand à 133 de moyenne, la concurrence (négative) est rude. Mais Amsellem est maintenant au-dessus de 100 sur un Mondial et entre 90 et 110 sur la Ligue 1. Il est temps de se calmer.

 

Une question à Jean-Jacques Amsellem
Parmi les réalisateurs français en vue actuellement, vous êtes globalement, selon nos stats, le plus modéré, et même à notre avis, le plus "raisonnable". En faire "moins" que les autres (quantitativement parlant en tout cas…) est-ce une position tenable? Ressentez-vous une pression qui vous pousse à faire plus, à être toujours plus "techno"?

 

 

 

François Lanaud

 

Implantation sur l’Euro : Ukraine (Kiev et Lviv)

 

A travaillé sur : Coupes du monde 1998, 2002, 2006, 2010. Euro 2008. Sur le Mondial 2010, a notamment réalisé: Allemagne-Argentine (quart de finale) et Pays Bas-Uruguay (demi-finale).

 

Ses stats
Ralentis: 100
Taux d’enquête: 32%
Nombre de plans: 919
Joueurs seuls balle au pied: 115
Touches: 33% d’OK
Durée des plans larges: 14 secondes

 

Autres
• longtemps réalisateur emblématique de TF1, il est maintenant sur M6.
• détient le record du monde du nombre de caméras sur un match: 51 à Doha, Qatar, pour la chaîne qatarie Al Kass, lors de la finale de la coupe d’Asie des nations 2011, Japon-Australie.
• s’est vu confier la finale de cet Euro à Kiev.
• fait beaucoup de ce que j’appelle les "ralentisd’ambiance" (réactions des joueurs, entraîneurs…): il en lança ainsi 35 sur Argentine-Allemagne 2010, en plus des 110 ralentis d’actions de jeu.

 

Pour
Très maître de sa technique. Sur les grandes compétitions internationales, ça rassure les décideurs et investisseurs. Vus les enjeux financiers, ça peut se comprendre... Avec Lanaud, les risques de "pépin" sont réduits au minimum. Les Français ont d’ailleurs de ce point de vue une grosse réputation. La machine "réalisation" est très lourde, entre gérer une équipe nombreuse de cadreurs et techniciens, mais aussi le match lui-même et la post-production (ce qui n’est pas le moindre): les demandes en images spécifiques provenant des diffuseurs sont en effet multiples. Il faut donc assurer.

 

Contre
Un style de réalisation qui peut choquer plus d’un amoureux du foot: trop de ralentis, des matches très découpés, beaucoup trop de joueurs montrés seuls balle au pied, des rentrées de touche plus que médiocres: alerte!

 

Et encore
Son premier match de cet Euro, Allemagne-Portugal, a dans l’ensemble confirmé le profil établi ci-dessus. Sur une première rencontre, un réal a souvent tendance à rester "en dedans". F. Lanaud a ainsi mis à l’antenne 836 plans (sa moyenne classique: 947), comme Bideaux avait fait sur Afrique du Sud-Mexique 2010 (801 plans). Sensiblement comme d’habitude en revanche: la durée de ses plans larges(13-14 secondes) et un nombre de joueurs seuls balle au pied dans les 100. Touches: un léger "moins mal"; sur ce match-là, elle sont passées disons de "calamiteuses" à "médiocres". Pour les ralentis: 98, un chiffre très caractéristique de Lanaud.

 

Enfin, un petit pari pour une fois: nous voyons bien, très vite, François Lanaud passer au-dessus des 1.000 plans, se caler sur les 120 ralentis et les 140 joueurs seuls en action. Et sur un (seul) match de cet Euro, il va se lâcher complètement et exploser toutes ses stats! La regrettable dynamique technologique actuelle, c’est en effet "toujours plus". Nous verrons si Lanaud nous fera mentir. Suivre plus particulièrement ce que fait ce réalisateur n’est pas indifférent: son expérience au Qatar (qui verra le Mondial 2022, rappelons-le) n’est pas un hasard. Egalement réalisateur-conseil pour l’UEFA, il a le vent en poupe et en décryptant ses prestations, on peut deviner-lire le foot à la télé de demain.

 

La question à François Lanaud
Diriez-vous qu’aujourd’hui, en football, notre vision du jeu collectif est démolie par la télévision?

 


[1] Sur ces informations, mais aussi les aspects encore plus techniques de cette manifestation, nous renvoyons les passionnés vers l’excellent dossier de Bernard Poiseuil – grand spécialiste de sport et technologies audiovisuelles – dans Sonovision Broadcast de juin: L’Euro de football passe à l’Est. (B.Poiseuil est aussi l’auteur de Football et télévision, ouvrage incontournable sur ces sujets; Ed. Tekhné, Paris 1992).

 


Méthodologie

Les données et moyennes que nous donnons ci-dessous ont été obtenues à partir des matches de ces réalisateurs que nous avons analysés lors de l’Euro 2008 et de la Coupe du monde 2010, ainsi que cinq des premiers matches de cet Euro 2012 : au total 28 rencontres ont servi de base à ce travail.

Les statistiques du premier match de chacun des réalisateurs sur cet Euro ont été intégrées dans ce document lorsqu’elles offraient un chiffre qui nous manquait ou quand elles marquaient une évolution/un écart significatifs par rapport aux données précédentes.

Nous aurions pu inclure aussi les scores des deux réalisateurs français, Amsellem et Lanaud, en Ligue 1 ou sur d’autres matches internationaux, mais nous avons préféré ne pas mélanger des contextes (et donc des attitudes et résultats) différents.

La plupart de ces statistiques sur les prestations des réalisateurs – par exemple le nombre de ralentis – représentent chacune une moyenne établie sur une base qui va de 2 à 7 matches couverts par le réalisateur concerné. Quand des stats proviennent d’un seul match, elles sont expressément indiquées.

Selon les cas, les chiffres obtenus résultent d’un comptage intégral (c'est-à-dire sur tout le temps réglementaire du match), d’une estimation – comptage sur une seule mi-temps, multiplié par deux – ou encore d’un coup de sondedans une rencontre. Ex: pour établir la durée moyenne des plans larges, dix de ces plans sont chronométrés et le total de ces durées est divisé par dix; en cas de doute, l’expérience est refaite.

Pour ne pas alourdir la lecture, nous ne précisons pas à chaque fois, sur tel ou tel critère d’évaluation, les noms et le nombre des matches étudiés, ni s’il s’agit d’un comptage intégral ou d’une estimation. Ces informations sont toutefois évidemment à la disposition de ceux d’entre vous qui les souhaiteraient.

Pour les rentrées de touches: "OK" signifie pour nous "avec une vision satisfaisante des appels de balle". Ce sont donc, pour la plupart, des touches montrées en plan large. Néanmoins, si la prise de vue diffusée vient d’une steadycam (caméra portable, le cadreur filmant sur le bord de touche) et montre à peu près correctement les démarquages - ce qui est fort rare – elle sera aussi comptabilisée comme "OK".

Réactions

  • JL13 le 19/06/2012 à 09h25
    Merci, très instructif.......

  • funkoverload le 19/06/2012 à 09h38
    Ouaip, plein de chiffres qui confirment des impressions diffuses.
    Mais tout de même, cette fixette sur les touches est un peu suspecte. Attention au larquéisme.

  • Nicaulas le 19/06/2012 à 10h01
    Au contraire je la trouve intéressante cette fixette sur les touches, car c'est une action qui illustre assez bien ce qu'on peut reprocher aux réalisateurs: se concentrer sur le porteur du ballon.

    En soi, voir un joueur faire une touche en gros plan, ça n'a aucun intérêt.
    C'est beaucoup plus intéressant soit d'avoir un plan du point de vue du joueur, avec une steadycam derrière lui, soit un plan large où on va voir les déplacements des joueurs.

  • Raspou le 19/06/2012 à 11h24
    Vraiment super, cette série d'articles, en particulier parce qu'elle montre qu'il y a des choix divergents possibles.

    Est-ce qu'il serait possible d'avoir en complément le tableau disant qui a filmé quel match? Ca permettrait de vérifier de qui on se sent proche. Je ferai plus attention dorénavant, mais il m'a semblé que le Croatie - Espagne d'hier était remarquablement filmé, laissant bien voir le jeu, et qu'à l'inverse un match du Portugal m'avait exaspéré (Portugal - Pays-Bas? je ne suis plus sûr).

  • Tonton Danijel le 19/06/2012 à 11h39
    Pour avoir revu le match Ukraine-France sur BIS, j'ai vraiment aimé la réalisation de Fleischmann: je me suis focalisé sur les 53e et 56e minutes, il montre vraiment les buts du début à la fin, ce qui permet notamment d'apprécier le travail de Ribéry sur le premier but, par exemple. Par contre, sur les ralentis, il me semble que les réalisateurs se focalisent trop sur les fins des actions, comme si ils préféraient ne montrer que les 3 dernières secondes, quitte à la passer en boucle, plutôt que de débuter les ralentis à la récupération, histoire sans doute de ne pas devoir interrompre un ralenti trop long pour reprendre le cours du match.

    A l'Euro 2000, je me rappelle du deuxième but Portugais contre l'Angleterre (victoire finale 3-2), à l'issue d'une longue séquence de 20 passes. On avait eu droit sur cette séquence en accéléré à la mi-temps, juste pour montrer l'impressionnante séance de 'toro' infligée au Portugais à leurs adversaires.

  • kinilécho le 19/06/2012 à 18h38
    Ah, encore un super article!
    En regardant France Ukraine, je me suis demandé pourquoi le réalisateur utilisait tant de plans du public. Bon, c'est vrai qu'on y a vu peu de "people" ce qui est très agréable, et que voir un peu la gueule et surtout les réactions du public, je trouve ça plutôt positif. Mais il montrait de manière récurente les mêmes gars et meufs (en générale pas choisies au hasard), souvent des gens qui semblaient ne pas être concernées plus que ça par le match: vas y que je regarde mon téléphone, que je suis tout content après m'être pris 2 buts en trois minutes, et le phénoménale gros plan sur gros bidon avant de panoter sur un mec qui roupille à la fin du match. Paye ton image de pays organisateur.
    Il faudrait aussi construire un indicateur avec ça, pour vérifier l'impression laissée par les matchs.
    D'ailleurs, les réals ne pourraient pas passer plus de réaction "post grosse action" que de "youpi, on me filme, faisons coucou à la caméra" suivi de 1 ou 2 seconde de gêne.
    A la limite, on pourrait ici se passer du sacro saint direct, et montrer des personnes filmées quelques secondes avant...
    Enfin bon, merci pour l'éclairage!

  • dugamaniac le 19/06/2012 à 23h15
    Super intéressant.
    La trilogie des articles seraient complètes avec l'interview d'un des réalisateurs français.
    Je me demande vraiment à quel point ils sont conscients de leurs spécificités

La revue des Cahiers du football