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« Le 4-2-4, un foot de justice »

Comment le jeu a-t-il évolué au fil des décennies ? Pascal Charroin, spécialiste de son histoire, en évoque les grands tournants. Première partie : de la préhistoire à l\'âge d\'or du 4-2-4.

Auteur : Propos recueillis par Grégory Charbonnier le 22 Mars 2012

 

Pascal Charroin est maître de conférences au département Staps de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, où il enseigne l’histoire du sport et de l’éducation sportive, et collabore au Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS) de Lyon. Auteur de la thèse Allez les Verts ! De l’épopée au mythe : la mobilisation du public de l’Association sportive de Saint-Étienne ses sujets de recherches portent sur l’histoire du football, du cyclisme et du water-polo. En lien avec l’Institut des études régionales et du patrimoine (IERP) de Saint-Étienne et des Archives municipales qui conservent les archives de l’ASSE, il étudie l’évolution du jeu, des origines à nos jours.

 

Interview parue dans les Cahiers du football #43, avril 2009.

 

* * *


La préhistoire du jeu

De quand datent les premières règles ?
En 1863, des pontes d’Oxford et Cambridge se réunissent pour unifier les règles dans leur pays ; le jeu en effet se finissait souvent en bagarre, il fallait clarifier tout cela. La tendance est alors à la séparation entre le foot et le rugby. Les participants ont deux points de divergence. D'abord, le "hacking" (coup de pied dans les tibias), qui va être aboli pour les footeux, maintenu par les rugbymen. Ensuite, l’utilisation des pieds et des mains. Pour les tenants du football, sociologiquement, jouer au pied, c’est mettre de la distance avec le ballon qui est sale, mal gonflé, etc. Jouer avec le pied est civilisateur! Pour les défenseurs du rugby, jouer au pied est au contraire un acte vulgaire. Il s’opère donc une scission. Sur les dix-sept participants à la réunion, treize valident les règles du football, quatre celles du rugby.

 

Le football et le rugby deviennent deux sports distincts...
Officiellement oui, mais dans les faits il faudra attendre le début du XXe siècle. Les règles du rugby sont éditées dès 1871. Par exemple, la manière de marquer des buts est similaire: la cage est constituée de deux poteaux sans barre transversale. Il faut attendre le tournant du siècle pour que cela change.

 

 

Côté tactique, où en est-on ?
C’est l’époque du dribbling game (conduite de balle, en français). Le principe est le suivant: le joueur parcourt le plus de distance possible balle au pied. Il donne la balle quand il ne peut pas faire autrement. La passe n’a aucune vocation offensive, c'est un acte par défaut. Elle ne va devenir une arme offensive et tactique en Angleterre qu’au début du XXe siècle. Simultanément, on assiste à une spécialisation des postes à la fin du XIXe siècle : la balle bouge mais pas les joueurs. Les avants ne vont pas derrière, les arrières ne vont pas devant. On arrive au passing game.

 

Ce sont les Écossais qui ont inventé la spécialisation des postes…
Ils sont à l'origine de tout, et pas seulement dans le foot. Ce sont eux qui mettent un gardien dans les cages, sans parler de leur rôle dans l’édification des règles.

 

Comment se composent les équipes ?
Il y a beaucoup plus d’attaquants que de défenseurs. L’entrejeu n’existe pas, ne sert à rien. On le saute. Le poste de numéro 10, si prestigieux de nos jours, est impensable à l’époque. C’est un peu le kick and rush que l’on connaîtra plus tard. À partir de l’entre-deux-guerres, tout le monde commence à bouger, et ce mouvement n’est pas fini aujourd’hui. On joue en 1-1-8 puis on va déshabiller l’attaque jusqu’au 2-3-5 des Italiens en 1934 et 1938.

 


Le règne du WM

Et arrive le WM...
C’est une invention anglaise popularisée par Arsenal, qui consiste en un 3-2-2-3. Trois défenseurs, deux milieux défensifs, deux milieux offensifs, trois attaquants. Sur le terrain, la ligne d’attaque forme un W, celle des défenseurs un M.

 

Pourquoi le WM ?
À l'époque, la règle du hors-jeu a changé. Il fallait trois joueurs (le gardien et deux défenseurs) pour s’y faire prendre. À partir des années 20, il ne faut plus que deux défenseurs: l'avantage est donné à l’attaque. Le WM répond à cette évolution.

 

 

Notamment avec l’introduction du marquage individuel, qui minimise les risques du hors-jeu...
Oui, c’est aussi une réponse au problème du hors-jeu. Et puis, jusqu’aux années 1950-60, la qualité technique des défenseurs est bien moindre que celle des attaquants. On crée donc un surnombre derrière. Le professionnalisme, puis l’introduction du contrat à temps plus tard, changeront lentement les choses.

 

Le milieu apparaît avec le WM ?
Il prend de la consistance avec les inters et les demis. On commence à entrer dans une mobilité du jeu. Il devient difficile de sauter la ligne du milieu de terrain.

 

Et devant, le principe consiste, pour l’ailier, à déborder et centrer.
Cela a été vrai jusque dans les années 1980. Maintenant, on peut jouer à deux devant avec une pointe et un gars qui tourne autour. Auparavant, c’était débordement et centre pour l’avant-centre.

 

Est-ce que les défenseurs participent au jeu dans le WM ?
Il est difficile d'être affrmatif. Déjà, il y a l’idée de soutien et d’appui. Soutien par la passe en retrait. Appui par la passe d’un défenseur vers l’avant. On commence à sortir des stéréotypes, les permutations apparaissent, mais c’est une sorte de marais. On tâtonne.

 


Du WM au 4-2-4

L'hégémonie du WM s'achève au cours des années 50…
Les Hongrois et les Brésiliens commencent à réfléchir à d’autres types de jeu. En 1954, quand les Hongrois perdent la finale de la Coupe du monde, ils jouent en 4-2-4. Ils ont fait descendre un milieu défensif à l’arrière. Un milieu offensif devient milieu tout court, l’autre devient attaquant. Le Brésil a pris la suite de la Hongrie, victorieusement en 1958.

 

La défense en ligne joue le hors-jeu.
Oui. Il y a plus de défenseurs, moins d’attaquants. Le milieu est globalement plus défensif. C’est l’histoire des sports collectifs que l’on retrouve dans ce mouvement. On pratique le marquage de zone, on joue le hors-jeu. Les notions de libero et de stoppeur n’apparaissent pas encore. Les latéraux ne débordent que rarement.

 

La dimension physique prend-elle de l’importance ?
Non, pas vraiment si l'on regarde les entraînements qui sont pratiqués jusque dans les années 1960. D’abord, l’éducation physique et la culture physique sont importantes, et le ballon pas si présent que ça. Cela ressemble un peu à de l’entraînement militaire : on rampe, on court, etc. Ensuite, il y a l’idée que l’entraînement est éloigné de la situation de jeu. Le joueur doit être préservé, on ne tire pas sur la corde. Par exemple, les coureurs de fond ou de demi-fond ne courent pas leur distance à l’entraînement, ou alors en plusieurs fois. C’est un entraînement de base pour tous, pour les milieux autant que pour les autres.

 



Le 4-2-4 est largement composé de tandems : deux défenseurs centraux, lien entre le latéral et son ailier, deux milieux, deux avant-centres. Est-ce que cela favorise le jeu court?
Cela marque la fin du kick and rush. Il y a de la permutation et de l’aide mutuelle. Si l'un monte, l’autre descend. La polyvalence s’accroît. C’est un jeu court, rapide, car il n’y a pas beaucoup de touches de balle.

 

Et le 4-2-4 en France ?
On peut le personnaliser avec le Saint-Étienne de Batteux, qui emprunte leur système aux Hongrois. Alors qu’à Reims, il jouait avec le WM d’inspiration anglo-saxonne.

 

Et à Nantes, à Monaco…
C’est difficile à dire car les clichés journalistiques ("école nantaise", "jeu à une touche de balle", etc.) ont pollué le débat. En revanche, l’entraînement devient plus physique. Pour en revenir à Saint-Étienne, le club a été plus inventif car il a copié plus vite que les autres. Snella, Batteux puis Herbin – avec le 4-3-3 et le foot total de l’Ajax – ont été voir ce qui se passait ailleurs, pratique inconnue en France à une époque où chacun restait chez soi.

 


L'ère du 4-2-4

Parlons des joueurs. Le gardien est-il plus mobile ?
Oui, à cause de la défense en ligne dont la pratique peut être dangereuse et forcer le gardien à sortir au pied. Mais ce n’est pas spectaculaire ; la règle récente qui oblige à jouer au pied après une passe en retrait a, à mon sens, beaucoup plus transformé le poste. De la même manière, le rôle du gardien dans la construction, par une relance courte au pied ou à la main, apparaît plus tard – notamment avec le libero et la polyvalence des latéraux.

 

Les défenseurs axiaux ne montent pas.
Globalement non, et il faut ajouter la notion de binôme: ils ont le même jeu. Le rôle des latéraux est de bloquer l’attaquant adverse. Ils n'effectuent que peu ou pas de redoublements avec l’ailier ou un milieu. L’idée de la colonne vertébrale est très forte : ce sont les joueurs centraux qui tiennent la baraque.



Que se passe-t-il pour les milieux de terrain ?
Leur statut est meilleur qu’avant. Déjà, on ne saute plus leur ligne. Ils ne sont ni défenseurs, ni attaquants, mais on passe par eux, ils font office de relais. Ce n’est pas un milieu créateur mais de médiation, de transition. Ils n’ont pas l'aura actuelle du numéro 10.

 

 

Le rôle neutre des milieux ne se retrouve-t-il pas dans la difficulté, à notre époque, à citer des noms de joueurs ?
Un peu, mais il en va de même pour les défenseurs et les gardiens, qui pouvaient rester des années et des années dans le même club. Ils étaient sous-estimés alors que les clubs investissaient fortement dans les attaquants.

 

Justement devant, comment les attaques se conduisent-elles ?
Les ailiers débordent et obligent ainsi les défenseurs à prendre le couloir. Et puis, il y a les deux avant-centres. L'un est un peu plus avancé que l'autre, mais l’idée de binôme est très importante : ils jouent ensemble.

 

Quelles sont les faiblesses du 4-2-4 ?
La défense en ligne et le hors-jeu, ce qui constitue une tactique risquée. Il y a aussi le problème de la récupération de balle dans l’entrejeu, sans réel pressing. Ensuite, il y a la prise de risque offensive qui pose problème dans les matches couperets.

 

En plus, l'efficacité du 4-2-4, jeu fait de passes précises et qui demande une technique sûre, dépend directement de la qualité des joueurs.
Les équipes qui ont gagné avec ce système de jeu sont composées de joueurs talentueux : la Hongrie de Puskás, le Brésil de Pelé et tous les autres, Saint-Étienne avec Keita, Bereta, Revelli… Le 4-2-4 implique une logique de patience. L’idée, à l’époque, est que l’équipe qui gagne est celle qui a le ballon. Idée devenue fausse aujourd’hui puisqu'une forte proportion des buts est marquée après deux passes. C’est un foot de justice: celui qui a la balle a les occasions. Il faut donc être patient face aux défenses denses et être capable de garder la balle.

 

SECONDE PARTIE : « Les milieux deviennent talentueux »

Réactions

  • José-Mickaël le 22/03/2012 à 02h59
    Très intéressant sujet !

    Dommage que Pascal Charroin ne se mouille pas plus concernant la tactique de Nantes et Monaco durant les années 60. Mais j'imagine qu'il faudrait au moins un livre si on voulait tout détailler...

  • Adoa de Formosa le 22/03/2012 à 08h57
    Article très intéressant en effet. Merci.

    J’en profite pour conseiller vivement à tous ceux qui s’intéressent au sujet le livre de Jonathan Wilson « Inverting the Pyramid » (uniquement en Anglais) qui retrace l’évolution des tactiques dans le football à travers le monde, du 2-3-5 au 5-3-2 (d’où le titre).

  • magnus le 22/03/2012 à 09h20
    Je +1 sur le livre de Jonathan Wilson, très intéressant.

  • Ba Zenga le 22/03/2012 à 10h08
    J'adore ce genre d'articles. Et le livre de Wilson est sur mes tablettes, le prochain que je lirai.

  • Licha Sauvage le 22/03/2012 à 12h23
    Article très très intéressant !

    Même si je n'ai pu m'empêcher de rire bêtement à "Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS) de Lyon".

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