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Carte de stress

Quand un journaliste sportif lance un appel de détresse pour sa profession, c\'est nous qui le recevons... mais lui qui donne le score du match entre football et information.

Auteur : Francis Dolarhyde le 7 Mars 2012

 

Un jour, un jour proche même devrais-je écrire, on jettera des pierres à mes enfants quand ils diront à leurs camarades que leur père est journaliste sportif. C'est aussi inéluctable qu'un pointu de Pippo Inzaghi, aussi limpide qu'un coup franc d'Alex, aussi sûr qu’une sortie aérienne de Damien Grégorini. Régulièrement tancée – à juste titre – sur ces pages, bien souvent négligée par les sportifs eux-mêmes, traditionnellement moquée par l'élite de la profession et de plus en plus souvent méprisée par le lecteur/auditeur/téléspectateur, la corporation est devenue, en quelques années, le souffre-douleur de ceux qui la font vivre.

 

Difficile de croire, aujourd'hui, quand vous vous rendez dans la fameuse "zone mixte" ou aux très réglementés "points presse" qu'il y a quelques années encore, les journalistes qui suivaient une équipe voyageaient avec elle, logeaient même souvent dans l'hôtel des joueurs lors de lointains déplacements. Cette glorieuse époque où les raconteurs côtoyaient de près (de trop près?) les racontés est désormais révolue. Impossible aujourd'hui d'appeler un joueur sur son portable sans l'avoir fait prévenir par l'attaché de presse du club ou par son agent. Impensable même d'oser le contacter par surprise à l'heure où le discours footballistique est si aseptisé, où la communication est autant surveillée. Bien sûr quelques poches de résistance subsistent, vestiges d'une époque révolue, mais c'est rarement pour le meilleur (Ménès et Arsenal, Bielderman et Manchester, etc.).

 


La faute aux joueurs ?

Plus susceptibles, plus lunatiques, enfants gâtés diront certains... les footballeurs d'aujourd'hui sont aussi, pour la plupart, plus instruits que leurs aînés. Ou, en tous cas, mieux préparés à la vie médiatique ce qui - en l'espèce - relève bien d'une forme d'instruction si l'on considère que l'apprentissage consiste à nous préparer à gérer au mieux les aléas de notre vie professionnelle. Et il faut reconnaître que l'image que les joueurs renvoient en dehors des terrains est devenue presque aussi importante que leurs performances sur la pelouse. Leurs revenus eux-mêmes ne dépendent plus uniquement de leur activité principale, mais proviennent aussi de plus en plus de la gestion de cette image. On comprend donc que celle-ci mérite un lustre permanent et une attention de tous les jours.

 

 

Dans cette optique, plus de place à l'improvisation, tout est encadré, régi, planifié. La parole est distribuée au compte-gouttes, sous surveillance. Et finalement, le seul moment de liberté subsistant est la "pastille" mi-temps ou fin de match, orchestrée en télé par les si talentueux Laurent Paganelli ou Daniel Lauclair. Un espace que les joueurs peuvent aussi refuser ou plus simplement remplir de poncifs sur l’équipe qui est bien en place, sur les consignes respectées ou sur l'importance capitale des trois points. À la ligne... Information: 0 - Football: 1.

 

Le journaliste confident est une espèce en voie de disparition. Tant mieux, s'en réjouiront certains, les médias ne sont pas là pour caresser dans le sens du poil une petit groupe de privilégiés. On peut néanmoins regretter l'époque des interviews fleuves où l'on apprenait réellement quelque chose parce que le joueur était en confiance avec le journaliste. Aujourd'hui, cette confiance n'existe plus tellement ou elle est éphémère: on dément le lendemain ce que l'on a déclaré la veille. Prenons l’exemple d’un joueur au presque hasard: Nicolas Anelka. Le secret, le taiseux, le rebelle, le mutin. On en apprend plus sur lui dans les cinq minutes d’interview qu’il donne à Mélissa Theuriau (l'épouse de son ami d'enfance, faut-il le préciser) dans le documentaire L’entrée des Trappistes, qu’en empilant les kilomètres de papiers et de reportages que le personnage a suscité. Et finalement, que nous dit Anelka, ou que dit-il à Mélissa Theuriau pour être plus exact? Qu’il n’a pas confiance, qu’il se sent utilisé par les médias et jeté en pâture au bon peuple avide de croustillant. Il a compris: pour toujours le rôle du méchant sera pour lui. Donc, les journalistes sont des méchants. Normal.

 


La faute aux clubs ?

Le club. Cette étrange entité. Ce blob, cette association sportive devenue entreprise. Et qui dit entreprise dit marketing, publicité. Comment faire parler de soi, tous les jours, et en bien si possible? Et surtout comment maîtriser ce qui se dit? D’abord en verrouillant la parole. Responsable communication, attaché de presse, relations presse… les clubs sont tous dotés d’une ou plusieurs interfaces. Ensuite en créant des canaux internes: site Internet, chaine, radio officielle… Et en veillant à l’alimenter soi-même et à se réserver la primeur d’une information toujours lisse, propre sur elle. Et si des journalistes outrepassent leur rôle, débordent le temps qui leur est imparti, s’aventurent sur des terrains non-balisés en amont: punir, fermer la source.

 

C’est courant, et ça ne choque plus personne. On peut même penser que certains se réjouissent des malheurs de leurs petits confrères devenus pour un temps personae-non-gratae. Être bien vu par celui qui distribue les bons points, comme à l’école élémentaire. Ne pas poser la question qui dérange et surtout, surtout, ne pas dire que l’équipe joue mal, qu’elle gagne ou qu’elle perde. En résumé: être un supporter bien obéissant. Et attendre – sagement – sa récompense: son image, son sucre, ou son interview exclusive. Information: 0 – Football: 2.

 

Et pourtant, sans médias, plus de foot professionnel. Sans histoires à raconter, moins de monde dans les stades. Sans proximité avec le public, plus de produits dérivés? Alors, rassurez-vous, la punition ne dure pas bien longtemps. On fait amende honorable, on met de l’eau dans son jus de raisin, et ça repart. Il faut bien travailler.

 


La faute aux journalistes ?

Les journalistes ont-ils creusé leur propre tombe? On peut être tenté de le penser tant ils ont multiplié les bavures. Une multiplication proportionnelle à la spectaculaire croissance du nombre de médias consacrés au sport en général et au football en particulier. Avec l'émergence d'Internet et la vague de footixation de la France suite aux succès de 98 et 2000, l'information du ballon rond a pris une ampleur déraisonnable, proportionnelle à la starification de ces messieurs en shorts. Ceux qui attendaient avec impatience les images de Téléfoot, dans les années 80, ont vu leur émission fétiche devenir, au fil des ans, le digestif des agapes footballistiques. Quand arrive le dimanche midi, on a déjà tout vu, tout entendu, tout lu sur les matches qui se sont déroulés la veille, en France et à l'étranger.

 

Cette profusion a, bien entendu, entraîné une course au scoop bien malheureuse pour la qualité de l'information. On privilégie la quantité, l'exclusivité, il faut faire le "buzz", quitte à se déjuger dès le lendemain. Combien de fois ai-je parlé avec des confrères qui m'avouaient avoir "sorti" une info, sur la base de rumeurs non-vérifiées, sur un supposé "tuyau" d'agent, uniquement pour le plaisir de leur direction qui leur réclame un quota d'infos maisons. Les exemples sont légion: le licenciement de Claude Puel en cours de saison à Lyon, la très régulière vente de l’OM, ou plus récemment l’arrivée moultes fois annoncée et confirmée de Beckham au PSG. Le club, le joueur démentent… non, le journaliste sait, ou plutôt dit. Objectif: avoir la primeur. Récompense: être repris et cité par les concurrents. Peu importe s'il faut déclarer ou écrire le contraire le lendemain. À l'arrivée, cela fait deux infos pour le prix de zéro. Information: 0 - Football: 3.

 

Symbolique de cet emballement déraisonné : la période des transferts où l'on nous annonce tout et n'importe quoi uniquement pour pouvoir se gargariser d'avoir été les premiers à l’annoncer. Si demain, Tevez signe à l'AS Nancy-Lorraine, vous saurez que la première fois que vous l'avez lu, c'était ici. Et si finalement, et contre toute attente, il préfère le PSG, Milan ou Boca Juniors, peu importe, vous aurez oublié mon scoop déjà recouvert par un autre et un autre, et un autre.

 


Rassurez-vous, il reste encore des journalistes qui aiment le football et qui aiment l'information. Pour tout dire, il me semble même qu'il n'y a que ça. Il reste aussi des joueurs qui aiment le jeu, si si j’en ai vu de mes yeux. Et des joueurs qui aiment parler du jeu. Peut-on dire la même chose des présidents de clubs? Des directeurs de journaux, de radios, de sites web ou de chaines de télé? Pas sûr...
À l’heure ou chaque club dispose de son site web, de sa radio ou de sa chaîne télé, on est en droit de craindre la disparition totale de l’information "libre". Bien sûr, il ne s’agit que de football, rien de grave. Bien sûr il ne s’agit que d’écouter des joueurs et des entraîneurs nous dire que "À partir de là… bon… le groupe vit bieng", rien de palpitant. Et bien sûr il ne s’agit que de mon petit avis, rien d’important.

Réactions

  • matthias le 07/03/2012 à 09h47
    C'était très bieng, la syntaxe était bien en place, avec quelques accélérations de style sans se livrer complétement parce que le sujet est costaud. En tout cas, le public a surement apprécié le spectacle.

  • Jean Christophe Tout vénal le 07/03/2012 à 09h56
    Les relations de proximité entre les différents acteurs de ce tout petit monde me rappelle furieusement (toute proportion gardée) la thèse des Nouveaux chiens de garde dont il a été question rapidement sur le fil ciné.
    On a finalement l'impression que c'est l'interdépendance Clubs/Joueurs/Journalistes qui garantit le mieux la vacuité des articles de presse sportive.

  • Tetsuo Shima le 07/03/2012 à 10h25
    Le journaliste remet quand même très peu en cause son propre rôle dans cette histoire. En gros, c'est la faute des clubs et des joueurs qui veulent soigner leur image et des dirigeants des médias qui veulent du scoop et de la petite phrase.

    Le journaliste serait muselé dans ce système. Pourtant on en a entendu de belles sur Dijon et Auxerre ces derniers temps, tout comme les critiques unanimes sur le manque de jeu du PSG (au hasard, quand le Barça fait tourner la balle dans son camp pendant 5 minutes quand ils mènent au score, c'est du génie, quand le PSG fait pareil 30s, c'est qu'il n'y a pas de mouvement devant...).

    Il faut voir aussi la qualité des questions dans les conférences de presse. On peut assister en direct et en intégralité depuis cette saison à toutes les conférences de presse du PSG. Je recommande à tous de regarder cet exercice de style assez amusant, notamment celles qui précèdent les matchs. En général il n'y a pas plus d'une question qui concerne le match, par contre on en aura 3 sur Luynidula, 2 sur Gameiro, 2 sur Pato, le but étant d'arracher la fameuse "petite phrase" qui générera au choix du clic sur le site internet ou bien l'achat de l'édition du journal du lendemain.

    Que leur boss leur demande de la petite phrase et qu'ils essaient donc d'en obtenir, je peux comprendre. Maintenant, ça n'empêche pas de parler du jeu et d'essayer d'obtenir de vraies informations à ce propos, si ?

    Mais ces remarques s'appliquent parfaitement au journalisme dans sa globalité aujourd'hui.

  • dugamaniac le 07/03/2012 à 12h56
    Le football est surtout saturé, ultra commenté dans tous les médias.
    Certains se concentrant plus sur le commentaires des à côtés que sur le spectacle en lui même qui ne dure que 90 minutes. Le CFC est ses résumés de 10 secondes pour 1h30 sur la vie du psg en est le plus populaire exemple.

    Je ne suis même pas sûr que dans le journalisme idéalisé on aurait des trucs plus intéressants. Il y a déjà du bon noyés de trucs inintéressants.

  • Tonton Danijel le 07/03/2012 à 19h31
    Sur la proximité joueurs-journalistes, tu n'as pas peur Francis que cela nuise à leur objectivité? Quand je prends le cas très extrême de Ménès, c'est le type qui a toujours été plus indulgent avec Thierry Henry qu'avec Florent Malouda, plus patient avec Raymond Domenech qu'avec Claude Puel, sans parler du trashage systématique de Jean Tigana qui avait succédé à son pote Laurent Blanc.

    Mais même sans tomber sur le champion de la mauvaise foi, écrire un papier critique sur un 'pote' qui fait un mauvais match me semble délicat...

  • Tonton Danijel le 07/03/2012 à 19h32
    Un exemple autre que Ménès qui m'est revenu à l'esprit entre temps, c'est Didier Roustan qui semblait très embarrassé vis-à-vis de son pote Cantona qui avait beaucoup de difficultés en équipe de France lors des éliminatoires de l'Euro 1996...

  • Francis Dolarhyde le 09/03/2012 à 23h54
    Mais je suis d'accord avec vous... c'est d'ailleurs pour ça que je cite Ménes et Bielderman. Je ne regrette pas la "grande" proximité disparue, mais juste un rapport de confiance entre les uns et les autres, histoire que les journalistes puissent faire leur taf'en respectant celui des footeux. Il n'y a plus de juste milieu, aujourd'hui c'est soit du discours prémaché, bouilli et aseptisé; soit, rien, zobi, keutchi, nada... Le nombre de joueurs qui refusent toute interview, c'est hallcinant. Du coup pas ou si peu d'analyses, et plus grand chose qui sorte des sentiers rebattus...

  • Il m harcèle de saillies le 10/03/2012 à 11h56
    "Peu importe s'il faut déclarer ou écrire le contraire le lendemain. À l'arrivée, cela fait deux infos pour le prix de zéro"

    Tout est là. C'est exactement ce qui se passe maintenant. Il faut (on veut ? ils veulent ? ils obligent ?) absolument sortir du scoop, peu importe sa crédibilité et même tout simplement... son intérêt !

La revue des Cahiers du football