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En Avant de Guingamp: des instits à Drogba

L\'EAG a enraciné son histoire dans celle de la Bretagne du foot, avant de prendre la voie singulière tracée par Noël Le Graët vers l\'élite.

Auteur : François Prigent le 15 Fev 2012

 

Cet article est adapté de "Football, argent et socialisme. En Avant de Guingamp, des instituteurs laïques à Didier Drogba (1912-2003)", in Histoire et Sociétés, revue européenne d'histoire sociale, n° 18-19, juin 2006 (accessible aussi sur le site HAL SHS du CNRS). François Prigent est agrégé et docteur en histoire contemporaine, Université de Rennes 2, CERHIO (UMR CNRS 6258).

 


Football, religion et politique (1912-1943)

Le club de Guingamp est l’émanation des réseaux de la laïcité. La structure omnisport, créée en 1912 par un directeur d’école, Pierre Deschamps, est réactivée dans les années 20. Le noyau laïque qui dirige En Avant est composé du maire de Guingamp, l’avocat André Lorgéré qui mène une carrière politique comme parlementaire et ministre, et du leader départemental de la SFIO, Georges Voisin, instituteur exerçant des responsabilités syndicales de premier plan dans les années 30.

 

Le sens des couleurs explicite les origines du club, ancré à gauche du camp républicain. Le maillot rouge et noir du patronage laïque fait référence au mouvement progressiste anticlérical (dont l’anarcho-syndicalisme, prégnant dans les milieux enseignants), matrice de la gauche socialiste et communiste en Bretagne. La sémantique du nom du club est aussi à prendre en compte, tant la dénomination En Avant fait écho aux journaux socialistes européens comme Vorwärts (Allemagne), Forward (Grande-Bretagne) ou Avanti (Italie). Ce terme, slogan d’encouragement des supporters, devient le cri de ralliement, en breton "War-Raok", des paysans en révolte contre les ventes saisies dans les années 30.

 

 

Dans le contexte de l’affrontement politico-culturel breton, le derby est une reproduction du conflit religieux: le rival du Stade Charles-de-Bois, né en 1912, arbore un maillot bleu et blanc. La concurrence sportive dresse face à face deux mondes, irréductibles mais semblables dans leur aspiration à encadrer toute la société. Ainsi, En Avant de Guingamp est intrinsèquement lié au milieu associatif républicain par le biais de sa colonie de vacances de bord de mer, Les Petits Gars de Bréhec.

 


Les mutations d’un monde rural breton (1943-1972)

Le troisième président d’EAG, Hubert Couquet est le patron des usines Tanvez, principal pôle industriel local avec environ un millier d’ouvriers: reconvertie pour produire de l’armement destiné aux Nazis durant la guerre, cette entreprise fabrique du matériel agricole. Établissant un lien consubstantiel entre vies industrielle et sportive, Hubert Couquet initie une politique ambitieuse de recrutement, confiant les rênes de l’équipe à Jean Prouff, ancien international du Stade Rennais. Mis en échec dans sa volonté de conquérir la mairie, le notable radical, investi de responsabilités partisanes à l’échelle nationale, quitte la direction d’En Avant menée dès lors conjointement par des instituteurs comme Paul Guézennec, une des figures locales du PCF depuis la Résistance ou Albert Briand, père de l’actuel président de l’association d’En Avant.

 

Creuset d’une grande équipe, la génération Gambardella permet au club de changer de statut. En 1970, le "petit bourg", emmené par le défenseur central Yvon Schmitt, dont le père est gardien en équipe A, élimine les métropoles régionales, Rennes et Nantes avant d’échouer en quarts de finale contre une AS Saint-Étienne qui aligne l’ossature des futurs Verts de 1976.

 


Génération Coupe (1973-1983)

En 1972, année des grèves post-68 du Joint Français à Saint-Brieuc, Noël Le Graët se voit confier par Albert Briand la présidence du club, qui évolue en 10e Division. Ancien moniteur de colo à Bréhec et piètre footballeur (dixit l’actuel homme fort du club), cet homme de trente-deux ans est issu d’une famille de petits paysans communistes qui intègre la classe ouvrière par le biais des usines Tanvez. Hasard des circonstances, son arrivée coïncide avec l'épopée en Coupe de France de cette jeune équipe qui atteint les quarts de finale, éliminant au passage quatre clubs de D2 (Laval, Brest, Le Mans et Lorient). L’aventure se poursuit durant une décennie, ponctuée d’une série de montées qui mène le club en D3 en 1976 et en D2 en 1977.

 

 

 

La découverte du haut niveau assimilée, l’équipe coachée par Raymond Kéruzoré, vainqueur de la Coupe 1971 avec Rennes, emmenée au milieu par Guy Stéphan, enchaîne les belles saisons et retrouve les quarts de finale de la Coupe en 1983. Pour son entrée au conseil d'administration de la Ligue, Noël Le Graët qui voit ses meilleurs éléments pillés par les grands clubs prononce un discours détonnant: "J’accuse l’argent de détruire le football. J’accuse les dirigeants sportifs trop faibles pour résister à l’inflation galopante des salaires. J’accuse les élus de toutes tendances de céder trop facilement aux demandes extravagantes de subventions." La France du football découvre un personnage incisif à la trajectoire originale, mais En Avant doit s’adapter aux règles cruelles du monde professionnel.

 

Une fois encore, les liens entre le club et les organisations de gauche, plus précisément les réseaux du milieu socialiste, se vérifient. Détenant la présidence du Conseil général depuis 1976 avec Charles Josselin, tombeur aux législatives de 1973 de l’ancien premier ministre René Pleven, le PS est dynamisé dans les années 70 par l’entrée des catholiques de gauche, signe d’une profonde mutation culturelle, doublée de recompositions socio-économiques majeures en Bretagne. Localement, les socialistes ont pris le dessus sur les démocrates-chrétiens et les communistes à l’instar du député-maire, l’avocat Maurice Briand. L’apport financier décisif du Conseil général en faveur du club se réalise durant l’été 1983, Noël Le Graët et Charles Josselin étant mis en contact direct par un ami commun, Pierre-Yvon Trémel, vice-président du CG en charge des finances, dont le frère Michel évolue à En Avant.

 


Une exception dans le foot européen (1983-2003)

Le "fabuleux destin de Noël Le Graët", self-made man breton, procède d’abord de ses intuitions économiques. Après s’être lancé dans les affaires, renouvelant dès 1986 l’industrie agroalimentaire avec Celtigel, entreprise de produits surgelés, il parvient à tisser des liens économiques porteurs. Ce réseau Le Graët rassemble autour du club les acteurs économiques locaux, fidèles actionnaires. Structure originale par sa vocation coopérative, la SASP du club, forte de quatre-vingt cinq petites entreprises, mise en place très tôt, reflète la base économique régionale.

 

Le 19 octobre 1991, Noël Le Graët devient président de la Ligue à la place de Georges Sadoul, décédé, en supplantant Jean-Louis Borloo, député-maire-président de Valenciennes. Son action durant deux mandats jusqu’en 1999 s’inspire directement des filiations historiques du club d’En Avant: lien avec le monde amateur (vertus éducatives du sport, organisation de la Coupe du monde), exigence d’éthique (DNCG, lutte antidopage, gestion de l’affaire Tapie), partage égalitaire des ressources (droits télé, cotation en bourse, fiscalité des joueurs).

 

Tout en restant étroitement lié à son club de cœur géré par des membres de son réseau économique, Noël Le Graët s’implante politiquement en se faisant élire maire de Guingamp sous l’étiquette PS en 1995 puis en 2001. Dans ce domaine, loin de mettre en œuvre une forme de socialisme municipal, il mène une politique très personnelle, imposant un apolitisme consensuel qui se traduit par une mobilisation de la question football comme ressource politique centrale dans le débat public.

 


"Les paysans sont de retour"

Sportivement, Guingamp s’établit durablement en D2, accédant même aux barrages de 1986 sous l’impulsion du buteur polonais Szarmach. Relégué en National au moment de la refonte des groupes de D2 en 1993, En Avant rebondit en se reconstruisant la saison suivante. La formule établie par l’entraîneur Francis Smérecki, véritable anti star-système rassemble bannis, revanchards, seconds couteaux et espoirs locaux. Incarné par son emblématique capitaine Coco Michel, qui a joué toute sa carrière à EAG, son chef de défense Hubert Fournier, qui fera partie de la première vague de français expatriés, et son buteur Stéphane Guivarc’h, ce groupe effectue deux montées d’affilée. La seconde saison en D1, qui voit l’éclosion de Vincent Candela, permet à En Avant, avec son numéro 10 Stéphane Carnot, d’affronter l’Inter Milan en UEFA. Renouant la tradition d’équipe de coupe, la belle histoire s’interrompt en finale aux tirs aux buts contre Nice en 1997.

 

 

Rétrogradé au-delà du vingtième rang de la hiérarchie nationale en 1998, Guingamp connaît une crise sportive et identitaire, symbolisée par un court intermède Jean-Pierre Papin. Rapidement, Guy Lacombe refonde un collectif qui remonte en D1 en 1999. Défi permanent, le maintien est acquis à l’ultime journée en 2002. La saison suivante, avec le retour de Noël Le Graët à la présidence, le même bloc, mis en valeur par ses perles, le duo d’attaquants Florent Malouda-Didier Drogba, pratique le beau jeu au Roudourou où les grands clubs mordent la poussière. Un temps leader de L1, l’équipe célèbre ses victoires en chantant avec le public "les paysans sont de retour", témoignant de l’identification aux racines historiques du club de cette génération "Black and Breizh" qui succède à celle des "amateurs prolos bretons" des années 70. Situation atypique, la petite ville de 8.000 habitants possède un stade de 18.000 places, construit au milieu des HLM du quartier populaire de Roudourou. À l’échelle européenne, c’est le plus petit club ayant joué dans un des cinq championnats majeurs.

 

En disputant sept saisons en première division dans la dernière décennie, Guingamp s’est ainsi hissé durablement au haut niveau. Mais, en L2 depuis 2004, le club souffre de l’essoufflement de son système, ce qui pose la question de l’avenir, avec le risque d’une désagrégation des réseaux d’En Avant (milieu économique, tissu social, relais partisans), fédérés par Noël Le Graët.

 

Lire aussi "L'autre Coco"

 

Photos : www.eaguingamp.com/

Réactions

  • magnus le 15/02/2012 à 09h45
    Bel article, qui eut été encore plus beau avec une photo de Christopher Wreh.
    Il est d'ailleurs intéressant de voir le nombre de joueurs révélés à Guingamp qui ont pu réaliser des transferts vers des clubs plus huppés, quelle que soit leur réussite. Guivarc'h à Auxerre (il n'était que prêté à Rennes, je crois), Laspalles au PSG, Fournier dans je sais plus quel club allemand, Candela à la Roma, Rouxel à Strasbourg (bon, là c'était pas flagrant).
    Guingamp fut d'ailleurs un sérieux rival pour l'OM qui avait un effectif hors-normes en super-D2 1994-95 (l'OM fut maintenu une saison supplémentaire en D2 au profit du repêchage de Martigues, solidarité régionale tout ça).

    A l'époque Guingamp avait un pendant sportif en Italie, le Vicenza entraîné par Guidolin: promu modeste qui s'installe tranquillement pour quelques saisons dans l'élite, en pratiquant un football pas dégueu, avec une épopée européenne à la clé.

  • le Bleu le 15/02/2012 à 09h52
    Fiorèse au PSG aussi.

  • Espinas le 15/02/2012 à 10h05
    Dans la conclusion sur le déclin depuis 2004, bizarre qu'il n'y ait pas de mention de la victoire de Guingamp en Coupe de France en 2009, qui est le plus beau trophée remporté par le club, et en jouant en L2, s'il vous plait.

  • Tonton Danijel le 15/02/2012 à 10h09
    En même temps, cet article est adapté d'un livre sorti en 2006, il manque donc l'épopée en Coupe de France et le court passage en National (la conclusion me surprenait un peu).

    Sinon, je ne savais pas que Borloo avait été président de Valenciennes... Curieux vu qu'il a ensuite été l'avocat de Bernard Tapie lors de l'affaire OM-VA.

  • Cebrik Jécluse le 15/02/2012 à 10h48
    Tiens, il me semblait que la plus petite ville ayant été représentée en 1ère division dans un des cinq championnats majeurs était Hoffenheim (avec 3500 habitants).
    Peut-être me trompe-je?

  • Cebrik Jécluse le 15/02/2012 à 10h50
    Désolé, après relecture, le sens de la phrase ne correspond pas au nombre d'habitant mais à la taille du club en lui-même (budget, salariés, je suppose?).

  • le_merlu_frisé le 15/02/2012 à 10h55
    Guingampaiiiiiis Guingampaiiiiis allez Guingampaiiiiiiiis !

    J'adore ce club. J'ai commencé à suivre Guingamp avant Lorient d'ailleurs, et j'ai plus fréquenté le Roudourou que le Moustoir (la dernière fois ça devait être contre Hambourg en UEFA). C'est un club vraiment sympa, très bien géré, avec une ambiance très agréable dans le stade. D'ailleurs le Roudourou est vraiment un chouette stade.

    Et en plus Le Graët a eu l'excellente idée de confier son équipe à Gourvennec. L'équipe est remontée tout de suite et fait une très belle saison de L2.

    Un résumé de 20 mn du Guingamp - Inter :

    lien


    Guingamp : Hugues - Foulon, Jozwiak, Mihali, Candela - Baret, Michel, Lecomte, Carnot - Rouxel, Wreh. Entr. F. Smerecki.

    Inter Milan : Pagliuca - Fresi - Angloma, Festa, Paganin, Zanetti - Ince, Djorkaeff, Sforza - Zamorano, Ganz. Entr. R. Hodgson.

  • sansai le 15/02/2012 à 10h57
    Livre sorti en 2006, Cebrik. Hoffenheim n'était pas encore arrivé en 1. BL.

    @magnus : il a été prêté à Rennes par Auxerre, Guivarc'h, en fait (lors de sa deuxième saison à Auxerre si ma mémoire est bonne).

  • Elmander mon cher Larsson le 15/02/2012 à 11h54
    Tonton Danijel
    aujourd'hui à 10h09

    Sinon, je ne savais pas que Borloo avait été président de Valenciennes... Curieux vu qu'il a ensuite été l'avocat de Bernard Tapie lors de l'affaire OM-VA.

    -------------------------
    Tu es sûr de toi ? Il y aurait eu un beau conflit d'intérêts dans ce cas.

  • chapoto le 15/02/2012 à 12h53
    Le petit nom du prédécesseur de Le Graet (du Graet?) a la ligue n'était-il pas Jean plutôt que Georges?
    Il me semble que Le Graet était le candidat de l'UCPF, étonnant au vu de son parcours.
    Moins étonnantes sont ses "divergences" avec les France 98.

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