La genèse de la Premier League
Teenage Kicks - Il y a vingt ans en 1992, la Premier League était créée, après douze années d\'un combat sans merci, sur fond de déliquescence puis de résurrection du football anglais.
"Le passé est un pays étranger", écrivait le romancier anglais L.P. Hartley. Une formule qui correspond à merveille à la physionomie préhistorique de l'ère avant Premier League. Pour certains, la saison 1992-93 marque l'année zéro du football anglais. Non pas sa renaissance, mais sa naissance tout court, tant le passé fut douloureux. Afin d'exterminer ses démons et reléguer les deux décennies précédentes aux oubliettes de l'histoire, le football anglais ne trouva qu'une seule solution pour se réinventer: tout raser et repartir de zéro.
PREMIÈRE PARTIE : DES SEVENTIES À L'ÉTÉ 1984
Les années 70 : les prémices de la colère
Les premiers signes tangibles de la mauvaise santé du football anglais apparaissent au début des années 1970. Le hooliganisme régulier et structuré (émergence des Firms ou Crews) s'est développé quelques années auparavant. Il devient une plaie qui plombe les affluences et tue net l'euphorie engendrée par l'ère triomphale des Swinging Sixties - Mondial 1966 et succès européen des clubs - qui avait, entre autres bénéfices, drainé un public nouveau vers le football. Les clubs, financés principalement par la billetterie, tentent (certains, timidement) de combattre ce fléau, mais leurs moyens et influences sont limités. Il faut dire que les deux instances de l'époque ne sont guère pro-actives et, de surcroît, elles tiennent ces mêmes clubs d'une main de fer.
Le football anglais est alors dirigé par les vénérables Football Association (FA, fédération, créée en 1863 dans un pub londonien) et Football League (FL), fondée en 1888. La FL rassemble les 92 clubs des quatre divisions professionnelles. Elle compte à sa tête des dirigeants notoirement rétrogrades, tel Alan Hardaker, Sécrétaire à poigne de la FL depuis 1957 (surnommé The dictator) et réfractaire à toute forme de modernité. Cet ancien officier de la Royal Navy avait notamment créé la Coupe de la Ligue en 1960 (ce qui déplut fortement à la FA) et farouchement combattu la participation des clubs anglais aux coupes européennes ("Trop de basanés et de foutus ritals" avait-il confié à Brian Glanville dans le Times). Hardaker n'était pas qu'un irrécupérable xénophobe: en rejetant l'ouverture continentale, il tenait surtout à affirmer la suprématie du championnat national et renforcer son contrôle sur les clubs, sans risquer une quelconque interférence extérieure.
La FA est une institution tout aussi ultra-conservatrice et dont l'influence, depuis l'après-guerre, n'a cessé de diminuer au profit de la FL. Elle compte dans ses rangs nombre de féroces défenseurs du foot quasi amateur qui n'ont jamais digéré ni l'abolition du salaire maximum en 1961 ni la libéralisation des règles de transferts en 1963 et la fin du système "retain and transfer" en vigueur depuis 1893 (affaire George Eastham, le "Bosman" des années 60). Ces deux monolithes règnent sans partage sur le football anglais depuis toujours et les clubs les craignent.
Toutefois, si la FA et la FL accordent fébrilement leurs violons en public, en coulisses leurs relations sont tendues. On est encore loin de l'ère du player power mais les prémices du club power se dessinent. À l'origine de ces nouvelles tensions : l'argent.
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