Pas de prime d'ancienneté pour la L1
Petite étude statistique sur la longévité des clubs dans les cinq principaux championnats européens, et la cinquième place de la France...
Champion de France en 2001, le FC Nantes est à présent pensionnaire de la Ligue 2, rejoint en début de saison par l'AS Monaco (champion en 2000 et finaliste de la Ligue des champions 2004) et le RC Lens (champion en 1998 et demi-finaliste de la Coupe de l'UEFA 2000). Ces dernières saisons, Bordeaux, Nancy, Auxerre, Sochaux ou encore Toulouse ont flirté avec la relégation après avoir fini aux premières places du championnat. Cette irrégularité dans les résultats est-elle une spécificité française?
Voilà un diagramme sur la question, représentant l'ancienneté moyenne des clubs des principaux championnats européens depuis la saison 1992-1993.
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Huit ans de moins en Ligue 1
Les clubs de Ligue 1 affichent une ancienneté moyenne de 10 ans dans l’élite contre 18 en Premier League et en Liga. C’est une tendance ancienne en France: même dans les années 80, notre "vétéran" dépassait rarement les 25 ans, malgré la mise en place de barrages pour filtrer la montée de clubs venus de leur poule de D2. Pour la saison 1981/82 par exemple, la moyenne était déjà très faiblarde: 8,8 ans, avec un seul club a plus de 20 ans en D1 (Lyon... qui allait descendre juste après).
La réduction du nombre de clubs en D1 de vingt à dix-huit a visiblement plus pénalisé les promus, ou du moins les habitués de l'ascenseur, que les gros bras. Pendant la période à dix-huit équipes, la Ligue 1 a été à son niveau le plus haut sur notre indice... Des niveaux retrouvés en 2011, plus haut classement des vingt dernières saisons (11,15 saisons dans l'élite en moyenne). Car malgré les descentes d'équipes comme Metz ou Nantes, qui comptaient 25-30 saisons consécutives en D1, la France est actuellement à un haut niveau, du moins selon ses standards. La situation s’explique en partie par l’échec des promus de 2007 et de 2008 qui a permis à leurs devanciers (Valenciennes, Nancy et Lorient) de se stabiliser en Ligue 1 et de s'assurer une marge de sécurité au niveau économique. [1]
Records pour l'Espagne et l'Angleterre
En Premier League, le passage à vingt clubs a précédé une croissance constante et régulière de la longévité moyenne. La relégation de "vieux" clubs comme Coventry ou Southampton au début des années 2000 a certes donné un petit coup de mou, mais la progression a repris depuis et semble durable [2].
En Espagne, le Real, le Barça et l'Athletic sont là depuis le début de la Liga, en 1928. Certains championnats ont des équipes aussi vieilles, voire plus (Arsenal détenant la palme du genre), mais aucun n'en a trois. En dépit d'un contrecoup au début des années 2000 (creux à 16.55) après les descentes des clubs de Séville et de l'Atletico, la Liga présente une courbe plus constante que la Premier League. La vampirisation des droits télés par les deux plus gros clubs favorise un milieu de tableau homogène, qui entraîne probablement une plus grande répétition de descentes "surprises", comme celles du Depor, de la Real Sociedad ou du Celta Vigo.
L'Italie et l'Allemagne, cas particuliers
La Série A est plus cadenassée que ce que les chiffres nous disent. Le championnat à dix-huit clubs avec quatre relégations jusqu’en 2003 l'empêche mécaniquement de figurer en haut du classement, malgré un nombre important de formations installées durablement dans l’élite. Le passage à vingt clubs n’a pas permis à l’Italie d’augmenter sa moyenne: la faute à la relégation de clubs cadres, comme la Sampdoria, Naples et, dans une moindre mesure, Parme, mais aussi au Calciopoli qui a privé la Serie A de la Juventus.
Enfin, la Bundesliga pâtit du fait de jouer à dix-huit, en plus d'avoir un championnat à poule unique ne remontant que jusqu'à 1964. Les descentes simultanées de Francfort et Kaiserslautern expliquent la chute observée au milieu des années 90 (deux clubs n'ayant jamais connu la moindre relégation). Cologne et Mönchengladbach ont suivi, mais la courbe se refait une santé depuis, grâce à des spécialistes de l'ascenseur de premier plan qui tiennent a préserver leur réputation, comme Bochum et Bielefeld.
Les conclusions restent à tirer, notamment pour savoir si le championnat de France trouve là un de ses fameux "handicaps", ou s'il faut plutôt y voir un signe de sa singularité – celle d'une élite professionnelle plus homogène (Ligue 1 et Ligue 2 ensemble) et qui favorise un fort turnover pour les titres et la présence au plus haut niveau – aussi bien au sein de la première division qu'à ses avant-postes...
[1] En France, les relégations administratives qui furent légion au début des années 90 ont légèrement faussé la donne d'un point de vue statistique.
[2] Pour que l'ancienneté progresse, il faut que le nombre de saisons des trois relégués soit inférieur à 17 (ou à 15 en Bundesliga). Wolverhampton et Birmingham, clubs qui font régulièrement l’ascenseur, assurent cette progression et permettent à la Premier League d’afficher une moyenne de 18,4 saisons de rang.