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Les Aigles en fuite

L’équipe de France a croisé celle d’Albanie en 1990/91 lors des éliminatoires de l’Euro 92. Le pays des Aigles vivait alors une douloureuse mutation et n’avait pas la tête au football.

Auteur : Richard N. le 2 Sept 2011

 

Les footballeurs n’ont pas la réputation d’avoir une conscience politique très aigue. Aussi, lorsque les joueurs de l’équipe de France se rendent à Tirana en novembre 1990, on imagine mal leurs préoccupations s’étendre au-delà les lignes du terrain.

 

Ils savent que l’Albanie, c’est un peu meilleur que Chypre, Malte ou Luxembourg, mais que ça reste le cancre du groupe 1 des éliminatoires de l’Euro 1992. Pour la France comme pour l’Espagne, la Tchécoslovaquie et l’Islande, une défaite à Tirana est tout simplement impensable.


Le monde à l'Enver

L’Albanie, sinon, n’évoque pas grand-chose. C’est d’ailleurs le pays le plus mystérieux d’Europe. Pas plus grand que la Bretagne, niché au bord de l’Adriatique, il vit depuis quarante-cinq ans sous une dictature invraisemblable où tout ce qui s’éloigne du dogme communiste est interdit: la religion, l’expression publique et même la propriété d’un véhicule.

 

Depuis 1944 et l’arrivée à la tête du pays du lugubre Enver Hoxha, le régime a poussé la logique du stalinisme jusqu’au bout. Au point de couper les ponts avec le reste du monde, y compris la Russie trop modérée de Khrouchtchev et la Chine de l’après Mao. L’Albanie vit dans une totale autarcie et son dictateur alimente la paranoïa en construisant des bunkers un peu partout dans le pays. Il mène surtout son pays dans une situation économique catastrophique.





L’Albanie est reconnue comme le pays le plus pauvre d’Europe et la mort du dictateur en 1985 n’y change rien. On en est presque gêné de voir débarquer dans ce pays dévasté les joueurs de l’équipe de France dont la plupart émargent à l’OM de Bernard Tapie. Les Bleus du sélectionneur Michel Platini représentent aussi, à ce moment-là, un football français marqué par des scandales d’ordre financier (Bez, Courbis, Darmon…).


Boli d'une tête

Pour le premier Albanie-France de l’histoire, le sélectionneur est privé de quatre joueurs essentiels: Papin, Cantona, Durand et Amoros, mais il compose une équipe offensive dans un 3-5-2 à la mode : Martini - Boli, Casoni et Blanc - Pardo, Sauzée, Deschamps, Ferreri et Perez - Vahirua, Tibeuf. Le match se dispute en début d’après-midi, faute d’électricité dans le stade de Tirana, devant 15.000 spectateurs.

 

Les Français dominent largement, mais ils faut attendre la 25e minute pour les voir ouvrir le score. Basile Boli surgit sur un corner de Perez et envoie d’un coup de boule le ballon entre le gardien et son poteau droit. Ce sera tout. Le reste du match ne sera qu’un football approximatif entre une équipe d’anonymes aux moyens limités et des Français avant tout soucieux de préserver leur acquit. L’essentiel est fait, la France vient d’aligner sa troisième victoire consécutive, les éliminatoires s’annoncent bien.

L’Albanie, elle, a bien d’autres soucis en tête. La chute des systèmes communistes dans l’Europe de l’Est a inspiré son peuple. Celui-ci ferait bien sa petite révolution, même s’il part de beaucoup plus loin. Des manifestations éclatent déjà à Tirana et Shkodra, et Ramiz Alia, le chef d’État, commence à évoquer la nécessité de quelques réformes.

 

À l‘instar des Allemands de l’Est en 1989, dont le régime a commencé à craquer sous le poids d’un exil de masse, les Albanais se ruent dans les ambassades pour obtenir des visas. Lorsque celles-ci décident de ne plus en délivrer, les fuyards se jettent sur les bateaux en partance, dans l’espoir d’un asile en Grèce ou en Italie.


Révolution et élections

Début 1991, c’est la révolution au Pays des Aigles. Ramiz Alia a beau assouplir les méthodes du régime, il n’aura pas sa révolution de velours. Au centre de Tirana, le 20 février, l’immense statue de Enver Hoxha  est déboulonnée par une foule en colère. Des affrontements entre pro-communistes et manifestants éclatent dans les rues et font plusieurs victimes.

 

La France ignore à peu près tout des événements de Tirana. Son temps de cerveau disponible est accaparé par les événements de la Guerre du Golfe. Et puis le 20 février, c’est France-Espagne à la télé, quatrième victoire consécutive des hommes de Platini.





Le match retour France-Albanie est prévu le 30 mars 1991. La Fédération albanaise aurait aimé reporter la rencontre car c’est la veille des premières élections libres. Mais l’UEFA ne l’a pas écoutée, drapée dans cette belle idée qu’on ne mêle pas la politique à son business. La tenue du match est d’ailleurs incertaine. La délégation albanaise n’est pas sûre d’arriver au complet. Les footballeurs aussi cherchent à fuir le pays et certains profitent de la cohue des aéroports pour prendre la sortie.


Mais le match a bien lieu. Face à un adversaire composé de bric et de broc, Michel Platini aligne une équipe très offensive avec pas moins de quatre attaquants: Le duo Papin-Cantona est entouré des ailiers d’Auxerre Vahirua et Cocard. L’objectif est clair: soigner le goal-average. Quelques semaines plus tôt, l’Espagne n’a fait aucun détail face à ces mêmes Albanais (9-0) et il appartient aux Français de ne pas se laisser distancer à la différence de buts.


Jouer au Parc et s’enfuir

Dès le coup d’envoi, le temps que l’arbitre siffle le premier coup franc, Franck Sauzée s’empare du ballon, tire et marque. 34 secondes, le but le plus rapide de l’histoire de l’équipe de France. Le match est lancé, qui verra les Français se ruer sur le but albanais et planter trois autres buts. 4-0 à la mi-temps, les Bleus sont dans les temps de l’Espagne.

 

Seulement, cette équipe de France ne tient pas la route dès qu’il s’agit de prendre le jeu à son compte. La deuxième mi-temps est d’une insigne faiblesse et il faudra en fin de match une boulette du gardien sur une charge de Boli pour voir le score évoluer d’une petite unité (5-0).

Le lendemain, un homme est emmené à l’hôpital du Mans à la suite d'un léger accident de la route sur la RN 23. Comme il ne s’exprime pas bien en français, les infirmières cherchent les infos dans son sac de sport. Elles y trouvent le maillot bleu de Jean-Pierre Papin et comprennent. Il s’agit d’un joueur de l’équipe albanaise (Josef Gjergji, milieu de terrain), qui s’est enfui aussitôt le match terminé.

En Albanie, les élections du 31 mars ont vu le Parti démocrate arracher un tiers des voix. Le Parti du travail albanais, communiste et conservateur, reste toutefois majoritaire et retarde un peu le processus vers la démocratie. Ramiz Alia reste au pouvoir et accède au poste nouvellement créé de président de la République albanaise. Les réformes sont en cours et le pays s’ouvre peu à peu au reste du monde. Mais le chemin est encore long vers la liberté.

Réactions

  • le Bleu le 02/09/2011 à 08h42
    Excellent. Que d'apprentissages.

  • RabbiJacob le 02/09/2011 à 09h28
    Merci beaucoup. Ma connaissance de l'Albanie se résumais jusqu'à ce jour au mythique "Ami albanais" de Karl Zéro, dont je ne trouve malheureusement pas trace sur la toile.

    Footballistiquement l'Albanie semble avoir quand même bien évolué ces dernières années et être passée du statut de petite à moyenne équipe bien chiante à jouer.

  • Tonton Danijel le 02/09/2011 à 10h00
    Excellent article! Il est vrai que la révolution albanaise était passé complètement sous silence à l'époque, c'est bien de rappeler les différents événements. L'Albanie d'Enver Hoxha, c'était une situation similaire à la Corée du Nord actuelle: un pays complètement isolé du reste de l'Europe, impossible d'avoir des nouvelles de Tirana.

  • brison futé le 02/09/2011 à 10h31
    Oui c'est bieng.
    On peut rajouter que la transition "démocratique" est plutôt compliquée, avec une sorte de guerre civile en 97 suite à l'effondrement de pyramides de Ponzi (Madoff-style), puis l'arrivée en masse de réfugiés Kosovars en 99-2000. Depuis 2001 le pays est plus stable mais les problèmes sont encore nombreux : corruption généralisée, élections truquées et classe politique inamovible, entre-autres.
    Le premier ministre actuel (de droite) a été en 1992 le premier président non-communiste de la république après Ramiz Alia, et encore avant cela membre du parti communiste et proche de Enver Hoxha.
    Cette année la police a ouvert le feu sur le foule lors d'une manifestation anti-gouvernementale, il y a eu 4 morts.
    Bref, les problèmes de l'Albanie ne sont pas réglés.

    Pour revenir au sujet, l'excellent photographe anglais Martin Parr a eu la chance de faire un voyage en Albanie en 1990, vous pouvez voir ses photos ici :
    lien
    La page est mal foutue mes les photos valent le coup.

  • le Bleu le 02/09/2011 à 10h40
    Rabbi > effectivement depuis la création du classement FIFA (bon...), l'Albanie a progressé relativement régulièrement, partant autour de la 100e place pour jouer aujourd'hui vers la 60e.

    Une des conséquences de l'arrêt Bosman a été d'affaiblir les championnats en dehors des 4 gros. Une autre, importante également, a été de renforcer les équipes nationales (au-delà de l'identité de jeu de celles-ci), car un joueur albanais jouant chez un promu italien a probablement plus de chances de progresser qu'en restant dans un gros club albanais.

    Car l'Albanie libre est toujours pauvre: avec un PIB/habitant de 3676$, c'est le pays le plus pauvre d'Europe (hors CEI), et il y avait toujours récemment des coupures d'électricité.
    L'environnement n'a pas aidé au développement, l'Albanie est un pays enclavé et cerné par des républiques elle-mêmes guère florissantes, à cause de la guerre en Yougoslavie.
    Espérons que l'ouverture du commerce européen aux PECO touche jusqu'à ce petit pays.

    L'an dernier, l'Albanie s'est gargarisée de l'ouverture de "l'autoroute de la nation": une grande voie goudronnée de 300km reliant Durres (sur la cote), via Tirana et Pristina, à Mitrovica au Kosovo. L'enjeu est économique, mais surtout politique et symbolique (vu les pays traversés). Ca n'a l'air de rien vu de notre pays à 11 000 km d'autoroutes, mais là-bas, par rapport à l'état médiéval des infrastructures, c'est une révolution de pouvoir traverser le pays en deux heures de voiture !

  • brison futé le 02/09/2011 à 11h26
    Mouais, l'Autoroute de la Nation, c'était pas forcément la priorité numéro 1 vu la situation économique du Kosovo. D'ailleurs, chaque fois que j'y suis passé, l'autoroute était pas loin d'être déserte.
    Il y avait l'année dernière un article dans le Monde Diplomatique ( lien ) qui expliquait que cette autoroute était avant tout stratégique pour les américains : elle permet de pénétrer au cœur des Balkans en deux heures, et elle sert surtout à faire ch... les serbes et par extension les russes. En même temps c'est aussi un pas de plus pour garantir l'indépendance du Kosovo.
    Mais d'un point de vue économique, je crois que l'intérêt est pour le moment limité.

  • Hydresec le 04/09/2011 à 23h12
    Merci pour cet article que je découvre un peu tardivement. Pour en revenir aux matchs, je n'ai guère de souvenir du 1er - j'avais complètement oublié Tibeuf.
    En revanche, allez savoir pourquoi, j'ai quelques réminiscences du 2nd. Disons que je me rappelle que le gardien s'appelait... Nalbany (ortho à vérifier). Et que le CF du futur Strasbourgeois Franck Sauzée était une splendide feuille morte dans la lucarne.
    Mais surtout, je me rappelle le traitement du match dans le Téléfoot du lendemain. Le commentateur se plaçait du point de vue du gardien albanais et se foutait de sa gueule durant tout le reportage. Therry Rolland s'est même senti obligé de préciser que c'était pour de rire et qu'il ne fallait pas que nos amis albanais le prennent mal. Si je m'en souviens encore aujourd'hui, c'est sûrement que ça m'avait choqué à l'époque, car les manifs en Albanie, on en parlait quand même aux infos et on comprenait bien que ceux qui vivaient là-bas ne rigolaient pas tous les jours.

La revue des Cahiers du football