L'autre Coco
Jadis, un petit club breton s’en est allé taquiner les grands en D1: Guingamp – avec son emblématique Coco Michel. Souvenir d’un (en)fan(t).
Auteur : A la gloire de Coco Michel
le 18 Mars 2011
27 mai 1995, 41e et avant-dernière journée de Division 2, l’En Avant Guingamp reçoit Toulouse. Avec Marseille et Gueugnon, ces quatre équipes se disputent les deux premières places, synonymes de montée en division 1. Improbable quand on pense au fossé qui sépare Marseille et Toulouse, habitués de la première div’ et respectivement deuxième et quatrième villes de France, de Guingamp et Gueugnon, puceaux du premier niveau national et gros villages d’environ 8.000 âmes.
En Avant vers la D1
Promue en division 2, la jeune équipe bretonne, emmenée par Stéphane Guivarc’h, Stéphane Carnot et autres Lionel Rouxel, surprend tout son monde et s’affirme comme un candidat sérieux à l’accession. La montée, elle, se joue ce soir contre Toulouse, chacun le sait. Bien avant le coup d’envoi, le stade est plein. 15.000 personnes se sont donné rendez-vous pour voir leurs protégés bousculer la hiérarchie.
La tension monte progressivement, les joueurs et les supporters sont à bloc. Le match est tendu, âpre. Guingamp, c’est avant tout un bloc-équipe, qui remonte rapidement la balle et s’appuie sur le talent de ces deux Stéph’, Carnot et Guivarc’h. Et puis arrive la 70e minute. Claude Michel, milieu défensif de l’équipe, intercepte la balle, accélère, et s’en va battre Montanier. Tout un symbole. Ce soir-là, Coco Michel rentre dans la légende de l’En Avant, et Guingamp gagne le droit de jouer en D1.
Au stade, je n’y étais pas. J’avais huit ans à l’époque, et j’avais assisté à mes deux premiers matches cette année-là, face au Red Star et Perpignan. Par contre, je me souviens encore de la liesse qui était partie du stade et avait gagné la ville, puisque c’est bien comme ça qu’on l’appelle ici. Marseille finira champion, devant Guingamp, Gueugnon et Toulouse. Rolland Courbis, entraîneur de Toulouse à l’époque, dira ce soir-là: "C'est un ensemble bien en place, uni comme les doigts de la main et qui possède un entraîneur qui a oublié d'être stupide. En avant, c'est le FC Nantes de la D2". Evidemment, en 1995, le FCNA c’était aut’ chose. Finalement, l’Olympique de Marseille déposera le bilan à l'issue de la saison, ce qui permettra à Saint-Étienne de se maintenir en D1. Guingamp et Gueugnon, sans doute un des duos de promus les plus étonnants de la Première division (seize ans après, ils se retrouveront... en championnat National).
Dans mon esprit, cet épisode représente sans doute le premier sentiment de bonheur collectif. Peut-être déclencheur de ma passion pour le football. M’enfin quand on a grandi à Guingamp, on a peut-être moins le choix qu’ailleurs. Logiquement, je suis retourné au Roudourou. Et ça m’a pris, de plus en plus. Ce que je préférais? Que l’on tienne tête aux gros. On n’avait pas les meilleurs joueurs, mais au niveau de la solidarité, de la cohésion, de sens du sacrifice, c’était quelque chose. Je crois que c’est ça qui m’a le plus plu. Et tout ça, qui mieux que Coco Michel le symbolisait?
Il est beau le Coco
Né à une cinquantaine de kilomètres de Guingamp, Claude Michel fera toute sa carrière au club. Une fidélité qui fera de lui le joueur emblématique de Guingamp. Rolland Courbis, encore lui, dira plus tard que l’En Avant en première division, c’est un peu comme le village gaulois, et Coco Michel, hé ben c’est Astérix. Devenu capitaine en première division, il montre l’exemple et insuffle à ses coéquipiers le sens de l’effort et des valeurs de combativité qui feront les grandes heures d’En Avant. Aussi abordable et agréable dans la vie que teigneux sur le terrain, Claude gagnera le surnom affectueux de Coco. Il restera également dans les mémoires pour son inefficacité offensive. 0 but en plus de 200 matches de Division 1, 5 buts en 387 matches. Vous en conviendrez, ces statistiques donnent une saveur encore plus particulière à ce fameux but contre Toulouse, tout simplement le plus important de l’histoire d’En Avant…jusqu’à notre victoire en Ligue des champions, si JMA veut m’offrir une PS3.
Champion du monde militaire en 1995 avec Dhorasso et Lemerre, il participe à l’épopée en Coupe Intertoto en 1996…qui se clôturera en Coupe UEFA face au futur finaliste, l’Inter de Milan. L’année suivante, Coco rate son tir au but en finale de Coupe de France face à Nice. En même temps tout le monde s’y attendait, mais Coco ne pouvait pas ne pas essayer, il se devait de montrer la voie. Grand artisan de la remontée de l’équipe en 1999, il sera élu meilleur joueur de Division 2. En mai 2003, le président Le Graët tente de convaincre Didier Drogba de rester une année supplémentaire, après la victoire de Guingamp face à Monaco. Hilare, Coco propose de lui verser une partie de son salaire.
Il mettra fin à sa carrière en mai 2005, à l’issu d’un match où tous ses coéquipiers tenteront de le faire marquer, en vain. Depuis, il occupera successivement les fonctions d’entraîneur des équipes de jeunes, puis d’adjoint, avant de diriger aujourd’hui la réserve. Entraîneur de l’équipe première? Tous y pensent, tous le souhaitent et le redoutent, car au fond, chacun sait comment finit cette expérience en général – Coco le premier. Aussi, il n’entraînera sans doute pas l’équipe première, par peur de faire du mal à ce club qu’il aime tant. Si à l’avenir vous passez à Guingamp, remontez la rue Notre-Dame, ou arrêtez-vous au Quai West, vous pourriez y rencontrer notre héros ordinaire.
Texte d’inscription proposé par A la gloire de Coco Michel - et publié sur le fil "Présentons-nous" par l’auteur.