Van Gaal : un sursis avant l'exécution
Traumatisé par trois défaites en huit jours, le Bayern a décidé que son entraîneur ne ferait pas de troisième saison. Louis van Gaal saura-t-il seulement finir la deuxième?
Auteur : Toni Turek
le 17 Mars 2011
Le couperet est tombé le 7 mars: Louis van Gaal ne sera plus l’entraîneur du Bayern de Munich la saison prochaine. Le contrat du Batave, prorogé en septembre dernier jusqu’en juin 2012, va finalement échoir au 30 juin 2011. Officiellement pour "divergence d’avis sur la stratégie à suivre pour l’avenir du club" – officieusement, à cause d’une série de tristes ratés de l’équipe bavaroise.
Et un, et deux, et trois revers
Passe encore pour le 1-3 concédé lors du sommet de la 24e journée, devant Dortmund à l’Allianz-Arena. Un tel revers face à un des grands de la Bundesliga ne fait jamais plaisir, mais le Borussia 2010-2011 est tellement au-dessus de ses dix-sept concurrents de l’élite, particulièrement lors de ses déplacements (onze succès en quatorze matches), que le titre de Meister lui est promis. Non, ce faux-pas du Bayern n’est pas le plus répréhensible. Plus décisif dans le choix de faire partir van Gaal aura été le match suivant, en Coupe d’Allemagne. La demi-finale contre Schalke était pour le Bayern l’occasion de se relancer et de se qualifier pour une finale où il aurait été le favori face à un club de 2. Bundesliga. Et ainsi de sauver sa saison avec un trophée en lot de consolation. Hélas, le Bayern s’est incliné (0-1) une deuxième fois de suite à domicile, ce qui fait d’autant plus désordre qu’il n’avait plus perdu chez lui en Coupe depuis… août 1991. Mis hors-jeu, le grand club du Sud s’est préparé à vivre une seconde saison blanche en trois ans.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la contre-performance majeure à Hanovre, trois jours plus tard (1-3). Un résultat qui a mis en péril la qualification pour la C1 – un impératif pour le Bayern. À la suite de ce septième revers en Bundesliga à neuf journées de la fin, le Bayern s’est trouvé à cinq points de son rival du jour, troisième et qualifiable pour le tour préliminaire de la C1. Pas étonnant que Rummenigge ait parlé de "huit jours catastrophiques" devant la presse.
Faire plus avec moins
Bien sûr, les malheurs du FC Bayern ne sont pas tous à mettre sur le compte de son entraîneur néerlandais. Ainsi, van Gaal a dû se débrouiller avec une préparation estivale abrégée à cause du marathon des nombreux mondialistes de l’effectif bavarois [1]. De plus, le technicien batave a dû attendre la 22e journée de Bundesliga pour pouvoir enfin titulariser son duo "Robbéry"… qui n’a pas eu la réussite de la saison passée: la paire était titulaire lors la série de trois défaites contre les BVB09-S04-H96. Enfin, le coach néerlandais n’a pas pu s’appuyer sur l’équipe réserve, qui se traîne aux dernières places de la 3. Liga.
Mais c’est bien van Gaal qui n’a pas renforcé l’effectif bavarois, ni l’été dernier – bien au contraire – ni cet hiver où seul le Brésilien Luiz Gustavo a rejoint le Bayern, tandis que s’en allaient Braafheid, Demichelis et van Bommel. Si jouer avec en tout dix-huit joueurs de champ sur trois tableaux évite les frustrations liées au sureffectif, cela aggrave la situation en cas d’indisponibilités multiples.
Et justement, à l’inverse de la saison passée, le Bayern a dû composer avec des blessés, au point de concurrencer un Werder décimé au jeu du plus petit nombre de noms inscrits sur les feuilles de match. Résultat, on a eu le droit à des titularisations de joueurs à des postes qui ne sont pas les leurs. Et certains remplaçants en manque de compétition ont eu du mal à être tranchants en entrant en jeu (Braafheid, Klose, Ottl…).
Du mou à tous les étages
Devant, Olic est absent car blessé au genou depuis septembre, et Klose reste titulaire… sur le banc. Müller a mis du temps à digérer son excellent Mondial, et a occupé tous les postes en soutien offensif. La pointe de l’attaque a reposé surtout sur Gomez: fantomatique cet été, SuperMario s’est réveillé à l’automne pour devenir leader du classement des buteurs de Bundesliga [2]. Mais qui pour le suppléer en cas de pépin? Au milieu, Bastian Schweinsteiger a été aligné cette saison pour moitié comme n°6, pour moitié en tant que n°10.
Mais le secteur le plus problématique est la défense: à dix journées de la fin, elle affichait un bilan de déjà trente buts concédés. Une fois partis les Görlitz, Lell (à l’été 2010), Braafheid, Demichelis et Haas (cet hiver), seuls restaient cinq arrières pour établir une défense à quatre. Si le côté droit est stable avec l’inamovible Lahm, à gauche, ça a bougé à gauche avec Contento, Pranjic, (Braafheid), Luiz Gustavo & Badstuber. La défense centrale n’est pas moins en chantier: après le duo Badstuber-van Buyten de début de saison, sept autres combinaisons ont été testées, dont trois incluant le milieu ukrainien Tymoshchuk, qui a joué au final la moitié des journées… comme défenseur.
En outre, van Gaal a modifié la hiérarchie des gardiens. Pour la reprise, Kraft a été promu titulaire aux dépens de Butt, afin de permettre au jeune portier d’avoir de l’expérience. Kraft alignant le bon (un penalty arrêté à son premier match de Bundesliga) et le moins bon (telle sa mauvaise prise de balle sur le 3-1 à Hanovre), l’incertitude demeure: sera-t-il un second Rensing ou un futur Neuer?
Le changement… dans la continuité
Pour terminer, n’oublions pas le cas du capitaine: premier étranger à occuper ce poste au Bayern, van Bommel était un solide taulier à ce poste, n’hésitant pas à donner de la voix (et plus) quand nécessaire. En faisant partir le "Hollandais violent", van Gaal a perdu un joueur-clé qui aurait pu remotiver son groupe avec une hargne que n’a pas Lahm – et lui éviter son départ avancé en juin. Bref, même s’il a été victime de certains impondérables, van Gaal a aussi été l'instrument de sa propre disgrâce.
Une disgrâce pas totale, puisque van Gaal a eu le droit de terminer la saison à son poste. D’aucuns paraîtront surpris de voir le Bayern opter pour cette demi-mesure. S’il n’était plus l’homme de la situation et vu qu’il refusait de démissionner, pourquoi ne pas avoir limogé van Gaal hic et nunc?
En fait, les alternatives ne sont pas très enthousiasmantes: promouvoir l’adjoint de van Gaal, le méconnu Jonker? Faire venir Rangnick, libre mais pas très apprécié à la Säbener-Strasse? Tenter la carte "jeune entraîneur" avec Babbel ou Sammer? Autres cas considérés mais laissés de côté: les candidats non-germanophones, ainsi que quelques anciens passés par le club tels Fink (FC Bâle), Heynckes (Bayer) et Hitzfeld (Nati suisse) – pas immédiatement libres. Dès lors, l’idée de garder le Néerlandais à son poste a été adoptée. Aussi préférée à une solution d’urgence à court terme par le Kaiser Beckenbauer, cette option est certes ambiguë, mais elle permet d’éviter une plus grave crise et de maintenir une unité de façade, comme celle affichée par le capitaine Lahm qui a évoqué publiquement le soutien de l’équipe à van Gaal.
Du travail en perspective
Pour la dizaine de journées encore à jouer en Bundesliga, il reste à van Gaal à sauver l’honneur du Bayern en accrochant la qualification en C1, que les dirigeants veulent à tout prix – non seulement pour des raisons financières, mais aussi parce que la finale de la C1 2012 aura lieu à l’Allianz-Arena. Pour cela, le Batave devra faire aussi bien que Heynckes au printemps 2009 lors de son intérim de cinq journées en remplacement de Klinsmann. Le 6-0 infligé à Hambourg ce samedi donne la voie à suivre. Il faut espérer pour van Gaal que ses joueurs vont poursuivre cet effort, en Bundesliga pour mettre un peu de baume au cœur du technicien néerlandais… et des fans – parce que pour la C1, c’est déjà raté.
Les dirigeants bavarois avaient du temps pour trouver le successeur, mais ils semblent déjà avoir trouvé leur homme avec Heynckes, dont ce serait le troisième passage au club. Que le Bayern soit finalement qualifié en C1 ou en Europa League, entre le départ prévu de Klose, la gestion du cas Butt/Kraft/Neuer – qui dépendra sans doute de la qualification ou non en C1 – et le chantier de la reconstruction de la défense centrale, le futur entraîneur munichois aura fort à faire. Surtout s’il veut vraiment durer.
En attendant, van Gaal aura fait "mieux" que Veh, viré du HSV seulement… cinq jours après avoir annoncé qu’il quittait le club nordiste… à la fin de la saison. Maigre consolation
[1] Dont sept pour la Mannschaft et trois pour les Oranje, qui ont fini dans le dernier carré.
[2] Avant le réveil de Gomez, le Bayern était l’équipe la moins prolifique (5 buts en 7 matches). 16 journées et 18 buts de Gomez plus tard, elle devenait la plus offensive (49 buts en 23 journées).