Pennyroyal Tea...
Rock Around The World Cup – Acte XI. De la drogue, du spectacle et des guitares: l'année 1994 était celle de la Coupe du monde aux États-Unis...
"It’s better to burn out than to fade away". Neil Young avait écrit ces mots à la fin des années soixante-dix pour My My Hey Hey, une chanson qui parcourait le chemin entre la mort d’Elvis Presley et l’avènement des Sex Pistols. Et c’est par ces mots que se conclut la lettre d'adieu de Kurt Cobain, qui se donne la mort le 5 avril 1994 dans sa maison de Seattle.
Seattle, ou la nouvelle Babylone du rock. La ville portuaire, siège de Boeing et de Microsoft, a connu en trois petites années une renommée exponentielle. Il est loin, le temps où la Cité émeraude était tenue à l’écart, nichée tout au nord-ouest des États-Unis...
Un pays qui accueille en cette année 1994, avec une curiosité manifeste, la quinzième édition de la Coupe du monde. Au pays du base-ball, du basket, du football américain et du hockey sur glace, la pratique du ballon rond est toujours restée plus ou moins confidentielle. Exceptée la courte existence des New York Cosmos de Pelé et de Beckenbauer durant les Seventies, le soccer (terme utilisé en Amérique du Nord mais d’origine anglaise et qui est la contraction d’Association Football) n’a jamais rencontré le même succès aux États-Unis que dans le reste du monde.
Des buts légendaires
Plusieurs équipes ne traverseront pas l’Atlantique et regarderont de loin cette World Cup. C’est le cas notamment du Danemark, champion d’Europe en titre, mais également du Portugal et de l’Angleterre – qui s’est fait surprendre par la Norvège durant la phase de qualification.
La France a quant à elle subi le plus grand traumatisme de son histoire footballistique en se faisant éliminer, un funeste soir de novembre 1993, par un but inscrit à la quatre-vingt dixième minute de jeu par Emil Kostadinov. Un tremplin pour la Bulgarie qui réalisera par la suite un excellent parcours en atteignant les demi-finales de ce tournoi américain, et pour la Suède, l’autre adversaire des Bleus dans cette poule, qui terminera sur le podium.
Pour la dernière fois, vingt-quatre équipes se sont qualifiées (on passera à trente-deux pays quatre ans plus tard), dont l’Arabie Saoudite qui honore sa première participation de la plus belle des manières en se hissant en huitièmes de finale grâce à un but légendaire de Saeed Al-Owairan contre la Belgique, au terme d'une course de quatre-vingt mètres.
Plusieurs évènements vont caractériser ce premier tour: la rencontre entre les Etats-Unis et la Suisse se déroule dans un stade couvert, celui du Pontiac Silverdrome de Detroit. L'attaquant russe Oleg Salenko inscrit cinq buts lors d’une même rencontre, contre le Cameroun, match au cours duquel Roger Milla devient à quarante-deux ans le plus vieux buteur de toutes les coupes du monde.
Mais ce rêve américain a sa face sombre, voire tragique quand le défenseur colombien Andres Escobar est assassiné dans son pays, quelques jours après avoir marqué contre son camp. Sombre quand Diego Maradona, qui ne parvient pas à vaincre ses addictions, est exclu de la compétition pour un contrôle positif à l'éphédrine, après avoir réalisé contre la Grèce une merveille de but.
1991-1994
"Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre", a écrit Baudelaire. Voilà l’histoire de Maradona. Ou celle du Grunge. Ce mouvement musical plus qu’hybride, soudainement apparu à la face du monde en 1991, ne saurait se résumer à un seul groupe ou une seule tendance.
S’il fallait dater au carbone 14 la naissance de ce courant (dont le nom tiré de l’argot signifie "crasse entre les doigts de pied"), il faudrait remonter au printemps 1984 avec la formation de Green River par Mark Arm, Steve Turner (futurs Mudhoney), Jeff Ament et Stone Gossard (futurs Pearl Jam). C’est également la même année que Chris Cornell fonde Soundgarden. Deux ans plus tard, Layne Staley et Jerry Cantrell donnent naissance à Alice In Chains. Et il faut attendre 1988 pour que Nirvana joue son premier concert à Seattle.
Mais c’est en 1991 que tout va s’accélérer. Le 16 avril sort Temple Of The Dog, un projet qui réunit Chris Cornell et les membres de Pearl Jam en hommage au chanteur de Mother Love Bone, Andy Wood, décédé quelques mois auparavant d’une overdose. Fin août, Pearl Jam sort son premier album, Ten. Un mois plus tard, Nirvana propose son second disque, Nevermind. Et deux semaines après, Soundgarden livre Badmotorfinger. Peu de temps auparavant, l’auteur canadien Douglas Coupland avait publié son premier ouvrage, Génération X.
Trois années passent. Tous ces groupes subitement mis sous les feux des projecteurs vendent des millions d’albums mais supportent mal ce succès fulgurant et hors de proportion. Si 1991 était l’année de l’explosion libératrice, 1994 est celle de l’obscurité et des dégâts causés par les affres de la renommée. Superunknown, Vitalogy et l’Unplugged In New York de Nirvana sont là pour en témoigner. "Le pessimisme de ces groupes, dira plus tard Neil Young, a fait que leur vision et leur attitude ont unifié leur génération, comme le 'peace and love' avait unifié celle des sixties".
Mais point de pessimisme pour la suite de cette World Cup, dont les huitièmes et les quarts de finale assurent spectacle, suspense et ambiance, à des lieues de l’édition précédente. Spectacle lors d’un Allemagne-Belgique ou d’un fantastique Brésil-Pays-Bas. Suspense pour toutes les rencontres de l’Italie dont Roberto Baggio est le sauveur en inscrivant tous les buts décisifs, notamment contre le Nigeria d’Amunike et de Jay Jay Okocha. Tous sauf un.
Le néo-Bianconero manque en effet le dernier tir au but contre le Brésil, après une finale disputée à midi sous l’écrasant soleil du Rose Bowl de Los Angeles. Bebeto, Romario et Dunga apportent ainsi à la Seleçao sa quatrième couronne mondiale. Pour le Vieux Continent, la malédiction se poursuit: jamais en effet une équipe européenne n’est parvenue à s’imposer en dehors de ses terres.
À voir absolument, cette vidéo (dont l'intégration est interdite) de Pennyroyal Tea sur le plateau de Nulle Part Ailleurs en février 1994.
Et aussi, ci-dessous : la version Unplugged et en bonus, un live de Immortality de Pearl Jam – chanson qui aurait pu être un hommage à Kurt Cobain...
Rock Around the Worldcup - 1954 : That's Alright Mama
Rock Around the Worldcup - 1958 : Johnny B. Goode
Rock Around the Worldcup - 1962 : A Hard Rain’s a-Gonna Fall
Rock Around the Worldcup - 1966 : My Generation
Rock Around the Worldcup - 1970 : With A Little Help From My Friend
Rock Around the Worldcup - 1974 : Wish You Were Here
Rock Around the Worldcup - 1978 : White Riot
Rock Around the Worldcup - 1982 : The Number of The Beast
Rock Around the Worldcup - 1986 : Master of Puppets
Rock Around the Worldcup - 1990 : Here Comes Your Man
Rock Around the Worldcup - 1998 : Paranoid Android
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L'auteur de la série Rock Around the World Cup l'est également de deux ouvrages hautement recommandables: Rage Against The Machine - Ennemis Publics, une biographie aux éditions Camion Blanc et Vitalogy - Pearl Jam, un petit essai sur l'album, chez Le Mot Et Le Reste.