Le Mexique en 7 lettres
Deuxième partie – X comme Dix, I comme Indiscipline, Q comme Qualifications... Le Mexique, adversaire de la France dans le groupe A, appliquera-t-il sa devise "On a joué comme jamais, et on a perdu comme toujours"?
Auteur : Sylvain Dupont
le 29 Avr 2010
X comme DIX
Soit le nombre de matches gagnés par le Mexique en phase finale de Coupe du monde depuis 1970, quand le pays avait organisé pour la première fois l’événement. On oubliera par pudeur les éditions précédentes, durant lesquelles la Selección avait fait de la pure figuration avec une seule victoire en huit éditions (13 buts marqués, 46 encaissés).
Pour le reste, ce sont donc dix succès en sept participations (le Mexique a raté trois Mondiaux depuis 1970). Un total dérisoire pour une nation aussi grande, avec néanmoins un bilan honorable: quatre huitièmes de finale, deux quarts de finale (lors des éditions qu’elle a organisées).
Raison de ce phénomène étrange: beaucoup de nuls, car peu de buts marqués. Le Tri a ainsi terminé ses quatre dernières Coupes du monde avec une différence de but de 0 ou +1 (en 1998), en marquant notamment 4 pauvres buts en 1994, et 5 en 2002. Difficile, dans ces conditions, d’envisager aller loin dans la compétition.
But de Maxi-Rodriguez, Argentine-Mexique, Coupe du monde 2006 (2-1).
Difficile, également, d’espérer plus que des matches nuls (2 en 1994 et 1998, 1 en 2002 et 2006). Et d’imaginer mieux qu’une élimination en huitièmes par un but d’écart, comme contre l’Argentine en 2006, l’Allemagne en 1998 – ou pire, aux tirs aux buts (contre la Bulgarie en 1994). L’exception étant la défaite traumatique de 2002 contre l’ennemi intime, les États-Unis, 2-0 après l’expulsion de Rafael Márquez pour un célèbre coup de tête.
Le dernier tournoi n’avait pas échappé à la règle: victoire contre l’Iran, nul contre l’Angola, défaite face au Portugal, puis élimination sur un but d’extra-terrestre de l’Argentin Maxi Rodríguez. Soit un parcours honorable mais pas exceptionnel, en tout cas pas en mesure d’impressionner une équipe de France en pleine possession de ses moyens.
Nos prédictions pour la Coupe du monde
On peut établir, à la vue de ce bilan statistique, les résultats du groupe A (1) et prévoir que le Mexique:
• passera en huitièmes comme deuxième du groupe, comme à chaque fois ou presque.
• remportera une victoire étriquée contre l’Afrique du Sud: le Tri a gagné son premier match lors des deux dernières éditions (jamais deux sans trois), et surtout il a remporté ses trois confrontations contre le pays africain.
• perdra contre la France par un but d’écart: le Mexique n’a jamais vaincu les Bleus (5 défaites et un nul).
• terminera par sa spécialité, un nul 0-0 ou 1-1 contre les Uruguayens, comme lors de l’unique confrontation de ces deux pays en Coupe du monde (voir ci-dessous).
• se fera éliminer après un match crispant par l’Argentine (autre éternel bourreau des Aztèques), vérifiant au passage l’adage sarcastique sur la Selección: "Jugamos como nunca y perdimos como siempre" ("On a joué comme jamais, et on a perdu comme toujours").
(1) Une autre possibilité, moins réjouissante pour les Bleus, est que le scénario de la Coupe du monde 1966 se répète: le Groupe A rassemblait le pays hôte, l’Angleterre, ainsi que le Mexique, l’Uruguay et la France. Les Bleus avaient enregistré deux défaites et un nul contre le Mexique, 1-1, qualifiant du même coup le pays organisateur et l’Uruguay. Les Aztèques, malgré un autre nul contre l’Uruguay, avaient aussi été éliminés, après une défaite contre l’Angleterre.
I comme INDISCIPLINE
Autre gros point noir du groupe mexicain, même si ce phénomène est à la baisse sur les derniers matches: les cartons. Dans ce domaine les joueurs aztèques ont trusté le podium des éliminatoires Concacaf, avec Torrado, Marquez et Salcido qui ont tous récoltés quatre cartons jaunes et un rouge. Mieux, le Tri a été la sélection la plus indisciplinée du monde pendant la phase de qualification, avec dix joueurs suspendus.
On pourrait reconnaître dans cette spécialité la "patte" de Javier Aguirre, connu pour son comportement pas toujours très sportif (les Marseillais et Matthieu Valbuena s’en souviennent), mais le sélectionneur aurait plutôt eu tendance à calmer le phénomène, au vu des derniers matches qui se sont achevés sur un faible total d'avertissements. La cause est sans doute plus à chercher du côté des adversaires des Mexicains: les joueurs de la zone Concacaf sont souvent virils et rarement corrects, surtout quand ils affrontent les deux géants que sont les États-Unis et le Mexique. Les matches contre le Honduras ont par exemple tourné au pugilat, après une longue série de tacles dangereux et de coups bas, des deux côtés.
États-Unis-Mexique, Columbus, février 2009 (2-0).
Une autre explication tient au tempérament général des footballeurs mexicains, surtout des nouveaux venus dans la sélection, désireux de se montrer mais souvent emportés par leur fougue et leur manque de bouteille (1). Inversement, les joueurs les plus sanctionnés sont les joueurs-clés de l’équipe et/ou les joueurs "européens", lesquels, surpris du traitement de faveur qui leur est réservé quand ils reviennent sur le continent, perdent leurs nerfs assez facilement (2). Tabler sur l’accumulation de cartons, profiter de la jeunesse de certains et du sang chaud de quelques autres: l’équipe de France sait ce qu’il lui reste à faire.
(1) Andrés Guardado, Carlos Vela ou Giovani dos Santos, malgré leur expérience européenne, ont commis des erreurs de jeunesse lors des qualifications, pour avoir rendu de façon grossière les coups qu’ils recevaient.
(2) Comme par exemple Rafael Márquez en récidive contre les États-Unis en février 2009 (comme en 2002, avec son coup de tête sur Cobi Jones). Il a dû s’excuser ensuite en public pour cette "trahison" envers le peuple mexicain – les revers de la Selección étant souvent attribués aux "Européens", tout comme les victoires). Autre exemple: Gerardo Torrado, le Makelele mexicain, est devenu la cible des arbitres et finit rarement un match de championnat – surtout si son vis-à-vis le provoque à son jeu favori, les tacles ravageurs ou les petits coups par derrière.
Q comme QUALIFICATIONS
Après avoir éliminé le terrible Belize en tour préliminaire (9-0 global), le Mexique a la chance d’entamer la première phase de groupes avec trois matches à domicile, pour autant de victoires. Et bien lui en prend car la suite est nettement moins glorieuse: défaites contre la Jamaïque, le Honduras et nul contre le Canada, provoquant la colère des supporters et les moqueries des médias.
Le dernier match se joue à la différence de buts: le Tri ne doit pas perdre et prendre trop de buts, si dans le même temps la Jamaïque bat le Canada déjà éliminé. Dans une ambiance délétère, les Mexicains perdent pourtant à San Pedro Sula 1-0, et passent tout le match à croiser les doigts pour finalement apprendre que les Reggae Boys ne s’imposent "que" 3-1: suffisant pour accéder au tournoi final à six, en compagnie des États-Unis, du Costa Rica, du Salvador, de Trinidad et Tobago et de ces mêmes Honduriens. Dans cette dernière phase en matches aller-retour, un désastre se profile: 1ère journée, défaite contre les Etats-Unis; 3e match, défaite contre le Honduras; 4e match: encore une défaite contre le Salvador, ce qui rejette le Tri à l’avant-dernière place du groupe, en juin 2009.
Entretemps, Javier Aguirre, limogé de l’Atlético, a pris les rênes de la Selección et a commencé à imposer sa méthode, dans l’urgence. Car, moins de deux mois après sa prise de fonctions, arrive la Gold Cup, compétition méprisée par beaucoup puisqu’elle regroupe les mêmes équipes d’Amérique centrale ainsi que des sélections exotiques (Guadeloupe, Grenade, Haïti).
C’est cependant cette victoire en coupe continentale qui va marquer un changement de mentalité et une prise de conscience des joueurs: après un premier tour pénible contre le Nicaragua, le Panama et la Guadeloupe, et alors que les États-Unis se baladent dans l’autre groupe, le Mexique arrive en quarts, dispose facilement d’Haïti, puis se qualifie aux tirs aux buts contre le Costa Rica.
Et en finale, l’incroyable se produit: contre l’ennemi juré, le Tri signe un exploit historique en balayant les États-Unis 5-0 – buts de Torrado, Giovani dos Santos, Vela, Castro et Franco en une demi-heure.
Cette dynamique et la confiance retrouvée vont permettre à la Selección de battre un mois plus tard les Américains en match éliminatoire (2-1), dans un stade Azteca chauffé à blanc, et de terminer leur parcours en trombe. Malgré quelques dernières frayeurs, le Mexique se qualifie sans trop de mal à la deuxième place de l’Hexagonal, accompagnant les Américains et le Honduras à la Coupe du monde.
Depuis, en 2010, le Tri s’est mesuré à quelques nations mineures en match amicaux: victoires contre la Bolivie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Nord, nul face à l’Islande, ce qui rend le bilan de Javier Aguirre très positif (plus de 80 % de victoires) mais légèrement en trompe-l’œil, vu l’opposition proposée...
> Le Mexique en 7 lettres, première partie : M comme Milieu, E comme Expérience
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