Fulham conquérante - 1986-2010
Des "Gory Years" aux Glory Years – Les Cottagers échappent deux fois à la disparition, et renaissent avec Al-Fayed, Jean Tigana et Steve Marlet.
Auteur : Kevin Quigagne
le 22 Avr 2010
Saison 1986-1987, Fulham redescend en D3 et de graves menaces pèsent soudain sur le club. Une société immobilière basée sur l’île de Man, Marler Estates, vient de racheter le club et compte faire fusionner Fulham avec Queen Park Rangers (dont elle est aussi propriétaire) pour créer le "Fulham Park Rangers". Et compte bien sûr transformer Craven Cottage en résidences de luxe.
Janvier 87. Seuls 2.000 accros se rendent au stade. En fait, c’est tout le football anglais qui se meurt à cette époque. Les opérations anti-hooligans de la police sont hebdomadaires. Le foot a une image exécrable et ne fait plus recette, encore moins celui de D3. Les droits télévisuels, pour les quatre divisions de la Football League sont dérisoires: 3,15 millions de livres par an… Soit 460 fois moins qu’aujourd’hui. De l’autre côté de Londres, un homme fulmine de rage. Il refuse que "son" club soit pillé de la sorte. Cet homme, c’est Jimmy "Over my dead body" Hill (1).
Jimmy Hill, le Messie
Hill est alors président de Charlton (D1). Véritable légende vivante du club, il affiche plus de 300 matches avec les Cottagers (de 1952 à 1961). Il a exercé tous les métiers du foot (entraîneur, président, arbitre, etc.) et a longtemps été présentateur télé. Ses perles sont légendaires (2). Hill organise la révolte. Les supporters de Crystal Palace et Wimbledon, aussi menacés de fusion, se joignent à la lutte. En mars 1987, au terme de deux mois de batailles féroces, Marler Estates jette l’éponge. Avec l’aide d’associations de supporters, Jimmy Hill rachète le club (mais sans le stade), puis passe la main. Fulham se traîne en D3, puis descend en D4 en 1994.
Février 1996. Fulham végète dans le bas-ventre de la D4, en position d'avant-dernier… L’équipe joue devant 2.500 spectateurs, et le club ne compte plus que sept employés à plein temps. Less than a club... L’extinction pure et simple se profile. Les propriétaires du terrain (Cobra Estates) ont fait faillite et les vautours planent de nouveau au-dessus de Craven Cottage. Le club n’a même plus de terrain d’entraînement et les joueurs vont courir dans la verdure d’Epsom Downs à quarante kilomètres de là. Un site de l’histoire du club décrit les exercices d’entraînement de l’époque: courir et zigzaguer autour des bancs publics…
Jimmy Hill, dix ans après son combat acharné pour sauver le club, remobilise alors ses troupes. Il parvient à convaincre le directoire de ne pas vendre le club. L’entraîneur Micky Adams est nommé. Il fait remonter le club en D3.
1997-2010: la renaissance
Nous sommes en 1997, et l’Égyptien Mohammed Al-Fayed rachète le club. Si le personnage est controversé, il ne manque pas d’ambition: il promet de faire de Fulham "le Manchester United du sud". Pour y parvenir, exit Micky Adams-le-sauveur. Place aux noms ronflants. Un ticket Dream Team est nommé: Kevin Keegan-Ray Wilkins. Mais ces deux légendes du foot anglais se brouillent et en mai 1998, Wilkins s’en va.
Mai 1999. Keegan part diriger la sélection anglaise (Glenn Hoddle a été remercié quatre mois plus tôt, notamment pour ses déclarations sur le karma de loser des handicapés). Paul Bracewell assure l’intérim.
Mars 2000. Jean Tigana arrive. Il recrute Louis Saha. En 2001, la patte magique de l’ex-Messin (27 buts) catapulte Fulham dans la "Promised Land" de la Premier League (après trente-trois ans d’absence parmi l’élite). Steed Malbranque se joint à la fête. Steve Marlet le rejoint, pour 11,5 millions de livres. Il jouera 54 matches et marquera 11 buts.
Entre temps, afin de mettre Craven Cottage aux normes Premier League, de 2002 à 2004, le club doit déménager à Loftus Road (stade de QPR). Période mal vécue par les supporters: le partage de stade en Angleterre est souvent ressenti comme un calvaire, voire une véritable violation. Il est courant de dire en Angleterre que partager son terrain est encore plus humiliant que d’avoir à partager sa femme…
Avril 2003. La brouille entre Al-Fayed et Tigana est consommée et le Français remercié. Chris Coleman lui succède (avril 2003-avril 2007 – Fulham finit 9e, 13e et 12e) et, brièvement, Lawrie Sanchez (ancien du Crazy Gang de Wimbledon), évincé fin 2007.
En janvier 2008 est nommé l’actuel entraîneur, le talentueux Roy Hodgson, et son CV cosmopolite. Pas moins de douze clubs (depuis 1976, dont Malmö et l’Inter Milan, qu’il stabilisera) et trois sélections nationales à son actif, dont la Suisse. Sous sa houlette, elle brillera à la Coupe du monde 1994 (les Helvètes s’inclineront en seizièmes contre l’Espagne). Sous sa direction, la Suisse finira même en tête des buteurs de son groupe aux éliminatoires de l’Euro 96 (devant l’Italie et le Portugal).
Fulham finit septième de la Premier League en 2008/09. Le club est actuellement dixième. Parmi les joueurs vedettes, on peut citer Mark Schwarzer, Paul Konchesky, Danny Murphy, John Paintsil, Zoltan Gera, Damien Duff et Bobby Zamora. Un Bobby déchaîné cette saison et qui tambourine à la porte de la sélection anglaise (déjà 19 buts en 45 matches).
Fulham devra montrer ce soir contre Hambourg que son match d’anthologie contre la Juventus il y a un mois (victoire 4-1 à Londres) ne ressemblait en rien à l’un de ces miracles qui ont jalonné l’histoire du club.
(1) En français: "Ils devront me passer sur le corps".
(2) "Bon coaching de Venables. Trois joueurs frais, trois jambes fraîches". "A un moment, le Celtic avait 9 points d’avance, mais quelque part sur la route, leur navire a déraillé". "Si l’Angleterre compte gagner ce match, il va falloir marquer un but". "Malgré la pluie, il pleut toujours ici à Old Trafford".
Première partie : Fulham en peine – 1879-1986
Fulham en chiffres
Abonnements adultes : 285 £ à 900 £
Affluence moyenne (cette saison) : 24 061 (16e de PL)
Budget (2008) : 54 millions de livres £ (14e de la PL)
Masse salariale (2008) : 39 millions de livres
Acquisitions records : Steve Marlet et Andy Johnson (approx. 11,5 millions de livres)
Interdits de stade : 5 (plus petit chiffre des 44 clubs de PL et D2)