Du bleu, du mieux
Comment finir une saison en lançant la suivante: l'équipe de France bat la Turquie et dresse son bilan 2008/2009.
Auteur : Pierre Martini
le 8 Juin 2009
France-Turquie : 1-0 (Benzema s.p., 39e)
Le problème avec les matches de l'équipe de France, maintenant, c'est qu'on y fourre tout un tas de choses n'ayant pas grand rapport avec ce qui se passe sur la pelouse. Les hymnes vont-ils être sifflés? Le sélectionneur va-t-il être hué? Les Limougeauds vont-ils être conspués? Bien sûr, le néo-marronnier du "désamour des Français envers l'équipe de France" va être bien utile aux éditorialistes, et on n'est pas passé loin de les voir s'interroger sur les difficultés de faire entrer la Turquie dans l'Europe compte tenu de l'indiscipline de ses supporters. Allez voir un match, là-dedans.
Festival de Volkan
Les circonstances de cette victoire ne clarifient pas les choses, avec le seul avantage d'un penalty transformé alors que les Turcs ont, par la suite, évolué à dix. Il faudrait donc commencer par se demander ce qu'ont fait les Bleus avant cette expulsion... Eh bien, ils ont d'abord été dominés durant un bon quart d'heure par des Turcs qui n'en ont cependant pas profité pour se créer des occasions franches, avant de reprendre la possession et d'emballer le match: au tournant des trente minutes, ce dernier aurait pu basculer Arda n'avait pas raté sa reprise ou si Erding avait conclu une splendide action collective en pleine surface (33e et 35e). Mais les poussées des Tricolores ne cessèrent pas avant une ouverture du score qui apparut donc logique.
Et ensuite, en supériorité numérique? Les Bleus ont assis leur domination en ne concédant plus que de très rares occasions, la meilleure étant le tacle de Mexès sous la pression d'un centre tendu et vicieux (un centre Christopher Walken). Gignac et surtout Ribéry viendront accentuer la reculade turque, mais un manque récurrent d'efficacité autant qu'un festival de Volkan ne permettront pas d'aggraver un score qui ne demandait que ça.
Comme une synthèse
On doit donc inscrire un peu de frustration dans le bilan final, mais les progrès ont été notables pour ce qui est de l'engagement collectif et du rendement des individualités, face à une bonne opposition. Dans un dispositif plaçant chacun à son meilleur poste présumé (Anelka compris), l'animation offensive a été satisfaisante – la finition constituant un problème en soi. Variété des approches, exploitation des côtés (moins pour déborder que pour pénétrer en se réaxant), équilibre des deux ailes, alternance de jeu court et long, capacité à exploiter les contres et à obtenir des coups de pied arrêtés... En dépit d'un rythme un peu lent, l'équipe de France a répété ses gammes et laissé entrevoir ces phases de jeu accomplies, restées trop sporadiques ces derniers mois mais pleines de promesses.
Car ce France-Turquie a représenté une sorte de synthèse de la saison des Bleus et de leur projet de jeu si controversé – indépendamment de leur parcours en éliminatoires. Paradoxalement, si presque tous les postes sont discutés et disputés, le schéma en 4-2-3-1 s'est imposé depuis le France-Serbie du mois de septembre. Et avec lui, un Yoann Gourcuff inattendu, dont on escompte beaucoup de l'entente avec Franck Ribéry (lire "Quatuor massif").
Sur le chemin de la route
Éclatante par séquences, régressant parfois au fil de certains matches, la qualité de jeu reste très aléatoire, mais la cohérence tactique et la marge de progression sont réelles. L'équation reste difficile: en assumant un allant offensif plus marqué, l'équipe de France s'est fragilisée sur le plan défensif sans toujours parvenir à briller vers l'avant... Il faudra en outre assurer cette progression au cours de matches qualificatifs qui n'ont rien de séances d'entraînement.
En 2009/2010, il faut espérer que la concurrence actuelle évolue vers une hiérarchie plus nette, afin de consolider l'identité de jeu et de laisser les principales inconnues se résoudre d'elles-mêmes, en particulier en défense. On rêvera aussi qu'un avant-centre s'impose – un Gignac qui progresserait encore ou un Benzema entré dans un nouveau cycle – afin de plier plus de matches dominés ou simplement équilibrés. Autre motif d'espoir: les gardiens adverses cesseront peut-être de faire un des matches de leur vie dès qu'ils rencontrent la France.