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LA CHÈVRE DO SENHOR SEGUEM

Matchbox conceptuelle: Porto-Manchester, 0-1. On a beau connaître l'issue du combat, on espère toujours une autre fin à l'histoire.
Auteur : Alphonse Raspouet le 16 Avr 2009

 

O senhor Seguem était un brave paysan de Lusitanie septentrionale. Il habitait une masure modeste mais propre et engloutissait des tartines de queijo pour faire passer son bacalhau – en un mot, il était le plus heureux des hommes. Ou plutôt, il l'aurait été, s'il n'avait eu quelques soucis avec ses chèvres successives: toutes, à tour de rôle, plutôt que de jouer tranquillement dans la plaine lusitanienne, se mettaient en tête d'aller taquiner les sommets du Mont Europe voisin, et s'y faisaient dévorer par le loup. Six déjà avaient péri et o senhor Seguem était résolu à ce que la sinistre série s'arrêtât là.


manu_porto.jpg


Cabri caïd
Mais il nourrissait de vives inquiétudes. Branquinha, la jolie chèvre blanche qu'il avait à présent filait un mauvais coton. Elle avait un caractère de feu et régnait en maîtresse sur la plaine lusitanienne, humiliant sans coup férir les chèvres méridionales qui tentaient de contester sa suprématie. Pour tout dire, c'était un vrai petit caïd: un coup de corne par-ci, un coup de pied par-là, et pousse-toi un peu que je m'y mette.
Et ce qui devait arriver arriva: un jour, Branquinha vint trouver o senhor Seguem et lui dit:

-Woh patrão, ça me saoule de jouer qu'avec des biquettes à balles-deux dans ces petites prairies pourries... Moi je veux aller au Mont Europe et tous leur brouter leurs mères là-haut!
-Lézard, lézard! s'exclama, catastrophé, ce bon senhor Seguem... Mais qu'est-ce que vous avez toutes, nom de Deus? Vous êtes pas bien, ici? A la fraîche? Décontractées du pis? Tu ne sais donc pas que sur le Mont Europe, il y a le loup? Tu veux, toi aussi, te faire manger toute crue?
-Wesh wesh patrão, tu me prends pour une débutante ou quoi? Je l'attends, moi, le loup, et tête à tête je vais le fumer derrière les cyprès!
-Pas question! dit o senhor Seguem, tu n'iras nulle part et tu ne fumeras personne! D'ailleurs, je vais t'enfermer tout de suite dans l'étable, tu feras moins la maline!

Aussitôt dit, aussitôt fait, mais ce gros malin de Seguem, qui avait quand même, avouons-le, des accès de crétinite aigüe, oublia de fermer la fenêtre... Et sitôt qu'il eut le dos tourné, Branquinha s'extirpa de sa geôle et, fièrement, se lança à l'assaut du Mont Europe.


Propriété privée
Sur les premiers contreforts, elle avança aisément, faisant fuir une marmotte turque et un vison ukrainien qui avaient cru pouvoir la contrarier. Ce fut déjà plus dur contre un renard hispanique, mais elle finit par le faire décamper itou... Comme elle se sentait forte, notre belle Branquinha! Comme elle avait l'impression qu'elle allait bouffer le monde!

Et puis le vent fraîchit, la nuit s'annonça, et une voix s'éleva du bois.
-Hep hep hep, où est-ce que vous allez, là? On vous a pas dit qu'on circule pas sur le Mont Europe comme ça, c'est une propriété privée, ici! C'est réservé aux Anglais...
-Vas-y, t'es qui, toi, pour me parler comme ça?
-Qui je suis moi? Qui je suis moi? Mais je suis le grand méchant loup de Manchester, moi! Et des biquettes comme toi j'en bouffe quatre par petit-déj', OK?
-Ta mère, ta mère et ta mère... Et puis encore ta mère... Je peux te dire que je suis la chèvre la plus balaise de Lusitanie, je suis forte comme Hulk, j'ai des tatouages de taulard partout, alors c'est pas un pauvre loup comme toi qui va m'empêcher de grimper le Mont Europe... C'est clair dans ta tête?
-Non c'est pas clair, gamine, je vais t'apprendre ce que c'est que le respect.


Premier sang
Et le combat s'engagea. Ah, elle était courageuse, notre Branquinha, et bonne combattante aussi! De l'énergie mais pas d'affolement, un coup à droite, un coup à gauche, on fait tourner, on ressort proprement, on empêche le loup de s'exprimer... Emmerdé, le loup, peut pas foutre les grands coups de crocs qu'il affectionne, a du mal à s'en dépatouiller, de cette chèvre... Et c'est même lui qui verse le premier sang, une belle entaille au poitrail, alors quand même il réagit, gniac, gniac, et ce sont deux trainées rouges qui viennent orner la toison de Branquinha... Mais elle se laisse pas démonter, la biquette, et sitôt reçue la seconde morsure, elle place un nouveau coup de corne qui vient percer le flan du loup.
-Fin du match aller, crie alors l'écureuil en charge d'arbitrer la rencontre. Une heure de pause et on remet ça.

Est-ce la nuit qui affermit son étreinte? Le remords d'avoir laissé le bon senhor Seguem dans sa détresse inquiète? La peur qui, lentement, commence son travail de sape? Toujours est-il que la Branquinha qui reprend la lutte est moins fringante que celle d'avant... Elle laisse le loup avancer, occuper le terrain lorgner les ouvertures... Et d'un coup, paf! après six minutes seulement dans ce second acte, le prédateur mancunien frappe, sa mâchoire cisaille l'air et schlak! Il arrache une patte de Branquinha.


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Squelette aux allures de regret
Ensuite, évidemment, c'est plus difficile. Le loup attend tranquillement que la biquette claudicante se vide de son sang, s'épuise en travaux d'approche qu'elle n'a plus l'énergie de mener... Oh! Il n'aurait rien contre l'idée de lui arracher une deuxième patte, voire une troisième, et pourquoi pas une quatrième, histoire de voir si elle continuera à lui gueuler "You shall not pass!", cette conne... Mais il va pas non plus s'exposer à un coup de corne, alors il reste bien en place, le loup, il resserre les lignes, il laisse passer l'orage... Et l'orage passe, avec la nuit.

Et puis au matin, comme c'est déjà arrivé tant de fois depuis que des biquettes défient des loups, le loup se jette sur la petite chèvre épuisée et la mange... Eh ouais, c'est comme ça, il la mange, il lui ouvre le bide, lui répand les tripes, lui croque les os, il reste de la biquette qu'un vague squelette aux allures de regret...

Alors le loup s'en va en lâchant un "Good game, welcome to Europe". Font chier, ces loups.

Réactions

  • Roger Cénisse le 16/04/2009 à 13h28
    Clapclapclapclap.

  • Qui me crame ce troll? le 16/04/2009 à 13h35
    C'est juste un des meilleurs articles que j'ai lus ici. Que j'ai lus en général d'ailleurs. Bravo.

  • la touguesh le 16/04/2009 à 13h36
    Ah, bah voila une belle histoire qui me redonne le sourire !

    Signalons tout de même que lors du second acte, la chèvre s'est chopé une vilaine raideur à la nuque vers la demie heure de jeu, ce qui lui a empêché de porter des coups de cornes incisifs ... Et puis le loup est manifestement revenu avec deux arrières trains bien plus musclés que lors du premier acte !

    Mais ce que l'on ne dit pas au petits enfants, c'est que le loup, au final, il aime bien la Lusitanie, et on peut parier qu'il y reviendra dès cet été voir son pote Seguem et y partager une bonne Sagres ... Malgré tout ses défauts, le loup a le sens de la fête et sait faire vivre les petits commerces !


  • Marius T le 16/04/2009 à 13h41
    Et les loups entre eux, c'est quelle histoire ?

    Très bon Alphonse

  • doumdoum le 16/04/2009 à 13h45
    Bravo Senhor Raspouet.

    Une belle et triste histoire qui passe toutefois sous silence le fait que contrairement au terrifiant loup de notre enfance, le loup nouveau met du gloss et se met à brouter la pelouse un moindre contact avec le premier caprin venu. Ça tue un peu le mythe.


  • lemon le 16/04/2009 à 13h52
    Quel talent, sieur Raspouet.

  • Lucarelli 1 le 16/04/2009 à 13h56
    Merci pour le gros sourire !

  • Sama six sous le 16/04/2009 à 13h59
    Plus facile d'accepter la défaite comme ça. Merci, c'est une belle histoire.

  • balashov22 le 16/04/2009 à 14h04
    En apprenant que cette matchbox était conceptuelle, je me demandais bien ce qui allait me tomber sur le coin de la tronche. Et effectivement, c'est grandiose !

  • Ashe le 16/04/2009 à 14h11
    Très sympa à lire !

La revue des Cahiers du football