Tristes stades
La blessure grave d'un jeune de dix-huit ans lors de PSG-OM met aussi bien en évidence la complaisance des médias et des dirigeants que la stupidité criminelle de certains supporters...
Sans ce terrible événement, nous aurions pu parler de la relative banalisation de cette confrontation qui n'intéresse pas la France entière, et qui élimine progressivement les séquelles d'une période noire et nauséabonde. Les nombreux transferts de l'un à l'autre club ont contribué à assainir les esprits sur le terrain, d'autant que les dirigeants s'abstiennent depuis longtemps de faire des déclarations de guerre.
Une certaine tension persiste cependant, encore perceptible vendredi soir avec un début de pogo en deuxième mi-temps et la colère de Ngotty lors du retour au vestiaire. La saison passée, le match au Vélodrome avait également donné lieu à des bagarres qui présageaient un triste OM-Monaco peu de temps après.
Mais le "match d'hommes" annoncé (selon les mots de Patrick Blondeau, qui avait employé les mêmes après le match cité ci-dessus...) est resté correct, mettant en échec les commentateurs et les statisticiens de Canal+ qui n'attendaient pourtant que cela.
La violence et le journaliste
On pouvait alors espérer qu'entre supporters le climat serait lui aussi allégé. Et le fait est que l'on vit moins de banderoles haineuses ou de tirs de fusée que d'habitude.
A ce propos, le compte-rendu de Sportal, intitulé "chronique d'une haine ordinaire" est révélateur des ambiguïtés des médias, qui veulent déplorer des faits tout en les grossissant. Il est ainsi question dans cet article d'une banderole déployée côté Auteuil, portant la "Pour une France plus propre, Marseille indépendante". A ceci près que c'était "Pour un foot français...".
La nuance est de taille, même si la stupidité de ce slogan demeure, avec ses relents tout de même xénophobes (qui utilise l'expression "plus propre"?) qui n'honorent pas la tribune Auteuil, pourtant peu suspecte en la matière. Plus loin, on apprend que des "projectiles divers" se sont abattus sur Patrick Blondeau aux abords du poteau de corner. Ces projectiles n'étaient pas divers, puisqu'il s'agissait de boules de papier (du papier ayant servi au tifo), soit rien de très dangereux ni de très nouveau, malheureusement.
Un peu de précision n'est pas superflue, surtout qu'il suffit de détails pour attiser la haine. Il a bien assez de déplorables faits réels pour ne pas en rajouter, d'autant que l'article (publié le soir même), ne mentionne pas la grave blessure du jeune membre des Yankees.
Faut-il couper les bras des supporters?
Il ne servirait pas à grand chose d'instruire nous-mêmes le procès de cet événement, sinon pour dire que le PSG a très mal géré les risques en laissant ouvert l'étage de la tribune F, alors que sa partie basse regroupait les supporters olympiens.
Le responsable de la sécurité du Parc a déclaré disposer d'images assez précises, et on espère qu'elles aideront à identifier les responsables. A écouter les témoignages des deux côtés (aussi inconciliables qu'à Jérusalem), il apparaît que des échanges de projectiles ont eu lieu entre les deux parties.
L'accident est vraisemblablement moins le produit d'une volonté délibérée que la conséquence de gestes qui continuent à être tolérés dans les stades. Le tir de fusées d'une tribune à l'autre (voir Pas de fusées sans bœufs) constitue la plus classique et la plus efficace des provocations, provoquant des répliques et des justifications réciproques sur l'air de "c'est eux qui ont commencé..."
Le jet d'objet sur le terrain est une autre plaie, également traditionnelle, et son corollaire plus grave: le bris de siège suivi d'un lancer. C'est ce dernier exercice qui a peut-être provoqué des blessures irréparables sur un garçon de dix-huit ans, venu au stade pour voir un match.
Faut-il cela pour se rappeler que le fait de jeter quelque chose depuis une tribune peut avoir de telles conséquences? On se demande comment établir une inhibition suffisamment forte pour que l'idée même de tels gestes disparaisse totalement. On ne va pas préconiser ici une épuration à l'anglaise des stades, mais sur ce point, une répression accrue ne serait pas pour déplaire à la majorité des spectateurs.
Avec cet accident, le thème des stades dangereux va faire son retour dans les médias et entretenir les clichés sur la violence. Les clubs, les instances et les autorités doivent prendre leurs responsabilités, les associations elles-mêmes doivent clarifier leur attitude et les médias traiter le problème un peu plus en profondeur, sans se contenter du sensationnel.
Pour finir, ajoutons que le site officiel du PSG ne mentionne même pas les faits, dont on ne trouve trace que dans le forum... On attend pourtant de l'organe officiel du club qu'il donne toutes les informations et leur confère une importance proportionnelle à leur gravité. Ça aussi, c'est déprimant.
Supporters, échangez des insultes s'il faut absolument que vous épanchiez votre étrange rapport à la sodomie, ou des chants (on préfère), mais de grâce, ne vous jetez plus rien d'autre à la figure.