Harnik, ce n'est pas de l'arnaque
Il joue en Allemagne, mais pas pour l’Allemagne: joker du Werder de Brême, Martin Harnik est l’une des révélations du football autrichien. 2007 a constitué un premier tournant majeur dans sa prometteuse carrière.
Auteur : Toni Turek
le 13 Dec 2007
Né à Hambourg en 1987, Harnik a été formé au SC Vier-und Marschlande, un club du sud-est de la ville. À dix-huit ans, il quitte le club hambourgeois sur un quadruplé lors de son ultime match, pour rallier l’autre grand port hanséatique, Brême.
Après une première demi-saison d’apprentissage et d’adaptation avec l’équipe réserve du Werder, ponctuée notamment de deux réalisations en Regionalliga Nord (1), Harnik améliorera ses statistiques avec sept nouveaux buts ajoutés à son compteur personnel, au cours d’une saison 2006/07 perturbée par une fracture au pied. Cette blessure le prive d’abord d’une participation au camp d’entraînement prévu pour le groupe professionnel, mais aussi de la quasi-totalité de la phase retour de Regionalliga.
Simple retard sans conséquence dans sa progression, toutefois. Harnik est l’un des deux seuls jeunes de la réserve du club nordique à se voir proposer l’été dernier de signer un contrat professionnel.
Les performances de Harnik avec ces deux clubs de la Hanse ne passent pas inaperçues, et très vite le jeune attaquant est contacté… par la fédération autrichienne de football (ÖFB). En effet, s’il est né de mère allemande, Harnik est autrichien par son père qui est né à Graz, d’où un choix à effectuer entre les deux patries de ses parents. L’équipe autrichienne manquant de talents offensifs, au contraire de la Mannschaft où les places sont devenues extrêmement chères (2), Harnik accepte la proposition de porter le maillot rot-weiss-rot (3) au Mondial des Espoirs, d’autant plus facilement qu’il jouait déjà avec l’équipe nationale autrichienne en junior. Au final, cette offre faite par le trio de choc Stickler-Hickersberger-Herzog en personne (4) a abouti à un choix de raison, mais aussi, selon Harnik lui-même, à une Herzensentscheidung (5).
L’explosion de la bombe "H"
Ainsi engagé avec l’Autriche, Harnik peut alors montrer aux côtés des jeunes et talentueux Prödl, Madl, Kavlak, Okotie et autre Hoffer qu’il savait s’adapter non seulement en se fondant parfaitement dans le groupe, mais aussi en venant à jouer au poste de milieu droit, lui, l’attaquant de formation. S’il n’a finalement pas pu trouver la faille dans les buts adverses au cours du tournoi, l’inespérée quatrième place finale obtenue par l’Autriche lors de ce Mondial lui a permis d’être mis en avant et l’a conforté dans le choix de sa carrière internationale.
Ce maillot autrichien rouge et blanc, Harnik le revêt dès le mois suivant à Vienne, lors de la rencontre amicale opposant au Ernst-Happel-Stadion l’Autriche à la République Tchèque, où six minutes à peine après être rentré en jeu, il bat Petr Cech, permettant ainsi aux siens d’éviter à domicile l’infamie d’un énième revers (1-1).
Mais le maillot national autrichien n’a pas été le seul à inspirerHarnik. Trois jours après son baptême du feu à Vienne, sa première rentrée en cours de jeu avec le groupe professionnel brêmois s’est elle aussi traduite par un but, offrant ainsi la victoire (1-0) à ses couleurs.
Pendant ce même mois d’août, lors du premier tour du DFB-Pokal (6), le futur ex-numéro 7 du Werder II (7) marque un précieux doublé qui permet à son équipe de remonter un handicap de deux buts face au 1. FC Cologne – qui évolue pourtant une division plus haut –, replaçant ainsi le onze amateur brêmois sur la route d’une victoire qui sera acquise finalement après prolongations sur le score de 4-2.
De bonnes résolutions pour 2008
Certes, la suite n’a pas été exactement aussi brillante. Ainsi, la toute première titularisation de Harnik chez les pros, lors de la rencontre disputée chez les "Loups" de Wolfsbourg, ne s’est pas aussi bien passée: plutôt mauvais, il a été remplacé par Thomas Schaaf dès la pause. À nouveau blessé, il doit passer quelque temps au repos et ronger son frein. Mais même brièvement retardée par les blessures, sa progression peut continuer. Et pour cela, le jeune attaquant autrichien s’est fixé trois objectifs ambitieux:
a) continuer à faire quelques apparitions en Bundesliga, ce qui est sérieusement envisageable tant que le Croate Ivan Klasnic ne revient que progressivement après sa greffe de rein, tant que les titulaires Boubacar Sanogo, Aaron Hunt, et Hugo Almeida occupent tour à tour à l’infirmerie, et tant que le joker suédois Markus Rosenberg n’est pas trop efficace.
b) aider le Werder II à finir dans la première moitié du classement de la Regionalliga, dans le but d’intégrer la future 3. Bundesliga.
c) voir son nom figurer dans la liste des 23 Autrichiens qui seront appelés par Hickersberger à jouer à domicile "leur" Europameisterschaft. A ce sujet, l’actuelle disgrâce prolongée de l’ex-Niçois Roland Linz, et le fait que Harnik soit l’un des rares jeunes Autrichiens expatriés dans un championnat européen majeur, jouent en sa faveur.
Et déjà, Harnik a pu montrer qu’il saisirait chaque occasion pour pouvoir se mettre en valeur. Il a réalisé son premier match complet avec l’équipe première à un poste très inattendu… d’arrière latéral droit. Promu défenseur pour ce match à Gelsenkirchen, afin de remplacer Clemens Fritz alors indisponible, il y a réalisé une prestation défensive plus que satisfaisante aux yeux de Thomas Schaaf. Quatre jours après, il rejouera avec la réserve brêmoise pour laquelle, alors revenu à son poste d’attaquant, il marque le but du 2-1 et le tir au but victorieux du 4-3 face au toujours redouté FC Sankt Pauli, classé une division au-dessus. Enfin, lors de la précédente rencontre de C1 jouée à Rome sur le terrain de la Lazio, il a pu effectuer une première (mais courte) apparition en Ligue des Champions.
Réel espoir tant pour l’équipe des Grün-Weiss du Werder que pour l’offensive des Rot-Weiss-Rot, le joker polyvalent Martin Harnik a déjà prouvé que la valeur n’attendait pas le nombre des années. Cela tombe bien, car il ne dispose que de quelques mois avant l’Euro 2008 pour montrer au monde du foot que son statut d’étoile montante ne se limitera pas à celui d’une étoile filante.
(1) La Regionalliga, troisième plus haut niveau du football allemand derrière les deux Bundesligen, est formée de deux groupes: Nord & Süd. A partir de la saison 2008-2009, l’introduction d’une troisième Bundesliga professionnelle fera que la Regionalliga deviendra le quatrième échelon, alors constitué de trois groupes: Nord, Süd & West.
(2) Difficile en effet d’imaginer pouvoir se faire une place auprès de l’inamovible Klose, de l’expérimenté Kuranyi, et des espoirs confirmés Gomez et Podolski, surtout quand quelques autres joueurs allemands (Kiessling, Hanke, et même le vétéran Neuville, par exemple, pour ne citer qu’eux)sont aussi en course pour un ou deux strapontins dans la sélection allemande des 23.
(3) "Rouge-blanc-rouge", surnom lié aux trois bandes horizontales du drapeau national autrichien. Longtemps réservée aux rencontres à l’extérieur, la combinaison maillot rouge, short blanc, bas rouges est récente pour les matches à domicile – les Autrichiens y jouaient auparavant en noir et blanc.
(4) Friedrich Stickler est le président de l’ÖFB; Josef Hickersberger est le sélectionneur de l’équipe nationale, et l’ex-Brêmois Andreas Herzog en est le manager.
(5) Le "choix du cœur".
(6) C'est la dénomination allemande de la Coupe d’Allemagne.
(7) La marque "II" indique qu’il s’agit de l’équipe réserve du club cité, et remplace depuis l’été 2005 l’ancienne dénomination "Amateure" (toujours utilisée en Autriche).