Spirale de l'ennui et de la frilosité
Ils perpétuent leurs méfaits aux yeux de tous, et pourtant, ils restent impunis. Surtout qu'avec leur stratégie du minimum de spectacle, la plupart d'entre eux réussissent à conserver leur poste. Il est temps de les confondre... en distinguant le pire d'entre eux.
le 13 Juin 2007
Même si la réputation de notre compétition phare semblait le réclamer, décerner ce trophée au Championnat de France dans son ensemble aurait été à la fois injuste pour la Ligue 1 et incomplet. Injuste car quelques ultimes défenseurs de l’esthétisme et du plaisir résistent encore. Incomplet car si beaucoup d’équipes de l’Hexagone font de la compacité défensive leur garantie première pour obtenir des résultats, il existe autant de subtilités dans l'anesthésie des spectateurs que de variétés dans les dribbles de Samir Nasri.
La Spirale de l’ennui, sorte d’hommage footballistique au cinéma d’Éric Rohmer et au lyrisme de Nicolas Sirkis... La Spirale du ressort cassé du football à papa, celle qui ratatinerait tous les carrés magiques et tous les 4-3-3 du monde... Le Graal des coaches qui mériteraient que les supporters fassent preuve de la même inventivité pour élaborer des tortures aussi douloureuses qu’un match de leur équipe un samedi soir de janvier.
Quand il recevra cette Spirale, son lauréat pourra enfin légitimement reconnaître des vertus à son sacro-saint bloc équipe bien en place, sa défense à onze ou insister encore et encore sur l’importance primordiale des duels dans le football moderne qui auront eu raison de la concurrence. La présence, dans les candidats à la Spirale de l’ennui et de la frilosité, de deux des nommés au trophée UNFP de meilleur entraîneur de l’année, et de trois des six premiers du championnat, atteste s’il en était besoin que malheureusement, l’ennui paye.
Vous pouvez d'ores et déjà voter pour les Spirales des Cahiers 2006-2007, ou attendre que tous les lauréats vous aient été présentés sur nos pages. Autre solution: le sondage grandeur nature sur eurosport.fr. Notez que les lauréats seront exclusivement désignés par le scrutin en ligne des Cahiers du foot...
Ricardo
Avec leur statut de pire attaque des formations de la première moitié de tableau, les Girondins de Ricardo n’ont pas réellement surpris leur monde. Déjà, l’an passé, l’équipe bordelaise avait défendu les cages d’Ulrich Ramé à la manière de Fort Alamo, laissant aux autres clubs de L1 le soin d’envoyer la cavalerie pour assurer le spectacle. Avec le succès que l’on sait, et qui explique que le coach brésilien n’ait pas souhaité modifier une méthode qui fonctionne... au point de lui avoir permis de remporter la Coupe de la Ligue au terme d'un match totalement dominé par l'OL, sur un but de la tête dans les dernières minutes signé Henrique, défenseur pathétique et ex-candidat au Ballon de Plomb. Tout un symbole.
Atout : Bez et Chaban se seraient retournés dans leur tombe après avoir vu la finale de la Coupe de la Ligue.
Faiblesse : certains croient encore qu’il a du sang brésilien dans les veines.
Pierre Dréossi
Propulsé à la tête de l’équipe première sans vraiment l’avoir voulu, après le départ de Bölöni, il hérita d’un groupe spécialiste du départ foireux et du sprint final, mais amputé de ses trois leaders. Il a pris alors le parti d’en faire un bloc-équipe à l’image du style flamboyant qui était le sien lorsqu’il était stoppeur du LOSC ou du PSG. C’est ainsi qu’il a remis au goût du jour, et porté bien haut, la tactique du hérisson éjaculatoire: une défense arc-boutée autour du Roc Mensah et du vieux Melchiot, ressortant vite les ballons pour les flèches Briand, Utaka puis Thomert.
À l’arrivée, le Stade rennais présente la moins bonne attaque des douze premiers de L1, avec 38 buts, soit la bagatelle d’un par journée. C’est dire si ça swinguait Route de Lorient. Et pourtant, après un départ foireux et un sprint final, il est passé à ça de la Ligue des champions. Ç’aurait au moins justifié l’ennui.
Atout : il a convaincu Frédéric de Saint-Sernin qu’un but, en football, c’est une anomalie.
Faiblesse : quand on vous remplace Gourcuff, Kallström et Frei par Cheyrou, Sorlin et Moreira, l’option défensive tient de l’instinct de survie.
Guy Lacombe
Les malheureux qui auraient découvert le football en suivant le PSG de la première moitié de cette saison auront du mal à le croire, mais il fut un temps où Guy Lacombe passait pour un coach promouvant un jeu séduisant et offensif – remember Sochaux. Une ambition bien éloignée de la réalité parisienne, celle d’un club que l’exubérant moustachu aura laissé pantelant 17e au soir de son éviction après une énième purge, au Parc contre Valenciennes (1-2). Incapable d’articuler une animation cohérente avec des stars qu’il aura passé son temps à vilipender, il aura tenté en vain de relancer la machine en lançant des remplaçants-nés et quelques jeunes obéissants. En fait, Lacombe aura été frappé du syndrome Luis-II et Vahid-II... dès sa première année pleine dans la capitale.
Atout : en étant pour beaucoup dans le licenciement de Dhorasoo, il aura involontairement contribué à la prise de conscience sociale des joueurs, laquelle finira, nous n’en doutons pas, par provoquer une révolution sanglante.
Faiblesse : abattu en plein vol, il n’aura pas eu le temps de mener à bien sa grande entreprise de rétrogradation du PSG – assurément une tâche de salut public.
Gérard Houllier 2007
Lorsqu’on avait quitté Gérard Houllier avant la trêve, il nous avait laissés les bras chargés de cadeaux, d‘autant de matches enlevés et maîtrisés par des Lyonnais irrésistibles. Coup de fatigue ou coup de grisou dans le vestiaire, les gones sont revenus des fêtes avec des semelles de plomb, et une envie en berne. Il n’a pas fallu plus pour qu’on glose sur la chance dont avaient bénéficié les joueurs de l’OL dans la première partie de championnat, enfonçant un peu plus l’équipe dans une sinistrose dont on ne sait pas si elle est sortie. Point d’orgue de cette période sombre: le match à domicile contre Rennes, censé célébrer l’exploit d’un sixième titre consécutif (exploit néanmoins déjà réalisé par d’autres grands clubs comme le Celtic Glasgow), qui poussa à bout les supporters au point de les amener à siffler leurs héros.
Atout : gagner cette spirale est la dernière opportunité pour Gérard Houllier de réussir un doublé inédit cette année.
Faiblesse : en fait, c’est marrant de voir Lyon perdre.
Pablo Correa
Il suffit de jeter un coup d’œil à la liste des buteurs nancéens cette saison pour constater que ce n’est pas l’esprit de percussion offensive et le souci de se projeter vite vers l’avant qui a étouffé la formation de Pablo Correa. Culminant à huit buts, Benjamin Gavanon – milieu de terrain de son état – devance Sébastien Puygrenier, défenseur central, qui marqua la quasi-exclusivité de ses six buts sur corner. Les trois attaquants de métier qui se seront partagé les titularisations atteignent péniblement les huit buts à eux trois…
C’est finalement au poste de gardien de but que l’entraîneur lorrain aura concentré toute sa capacité à la prise de risque, titularisant un Damien Grégorini sur lequel on peut toujours compter pour faire le spectacle, fut-ce à ses dépends. Au moins, on ne lui reprochera pas son manque de franchise: il avait clairement annoncé la couleur en disant, au début de saison, qu'il n'avait rien à faire du beau jeu.
Atout : les supporters de Feyenoord se sont tellement ennuyés au stade qu’ils ont pris l’initiative de le retourner.
Faiblesse : Ricardo, qui a réussi à terminer sept places devant Nancy en ne marquant que deux buts de plus, fait figure d’épouvantail dans la catégorie.
>> À suivre : la spirale de la progression