Pas ce soir, Géorgie
De l'efficacité, de la continuité, Vieira mieux qu'un capitaine de soirée: le voyage à Tbilissi est tout bénéfice pour une équipe de France visiblement tendue vers son prochain objectif...
le 4 Sept 2006
Sur la très longue route vers les cimes austro-suisses, la première étape des Bleus a été parfaitement négociée, même si c'est l'horizon beaucoup plus proche du match de Saint-Denis, mercredi, qui occupe tous les esprits. Pas grand chose à regretter, donc, d'un match parfaitement maîtrisé, si ce n'est l'absence de buts dans la dernière demi-heure, alors qu'il y avait encore la place.
Dans la foulée de son déplacement en Bosnie, l'équipe de France a surtout conservé son identité de jeu (solidité défensive assurée par les onze joueurs et capacité à se projeter rapidement vers l'avant) et confirmé qu'elle restait sur la lancée de son Mondial réussi – un peu comme si la frustration de ne pas l'avoir emporté la garantissait contre les chutes de tension. Il faudra cependant vérifier ce sentiment au Stade de France, en espérant que les Italiens, eux, souffriront du blues de la victoire...
La nalyse : Vieira, enfin capitaine ?
Le débat – qui ne date pas d'hier – sur "les Bleus sans Zidane" ne risque pas d'être alimenté par des controverses tactiques après ce match-là. Le 4-4-2 attendu a parfaitement fonctionné contre cette adversité, chaque joueur évoluant dans un registre qu'il maîtrise parfaitement, même si l'on n'a pas fini de s'interroger sur le meilleur complément offensif pour Thierry Henry (il semble en effet que le schéma doive servir le Gunner, et non l'inverse).
On savait que désormais, l'animation du jeu devrait être répartie entre un plus grand nombre de joueurs appelés à prendre plus de responsabilités… À Tbilissi, on a ainsi vu les quatre joueurs de devant prendre alternativement l'initiative des actions vers le but adverse, Henry et Saha n'hésitant pas à évoluer plus en retrait pour proposer des appuis et des solutions.
Mais surtout, c'est l'impact de Vieira qui est à retenir: le Milanais a évolué quasiment comme un meneur: sécurisé par la présence de Makelele sur ses arrières, il a su distribuer le jeu et donner l'impulsion depuis l'axe. Cela fait si longtemps qu'on l'attend dans ce rôle qu'on avait fini par ne plus y croire, abandonnant l'idée qu'il succède à Didier Deschamps autrement que sur le seul plan numérique. La Coupe du monde, avec cette résurrection face au Togo, a peut-être marqué un tournant dans une carrière si précoce que l'homme a parfois semblé avoir du mal à rattraper ses propres promesses. Revenu à un volume physique sans lequel il a du mal à exister sur un terrain, semblant enfin assumer sa mission de leader tactique, il lui-même évoqué à plusieurs reprises cette "barre" placée si haut en Allemagne et qu'il semble vouloir maintenir en altitude avec l'équipe de France.
Puisqu'il s'agit aujourd'hui d'assurer une continuité non seulement avec la décennie écoulée mais aussi avec un passé nettement plus proche, Vieira représente probablement le chaînon le plus indispensable: comment imaginer une grande équipe de France sans un grand Vieira dans les années à venir?
Métamorphose
Deux buts en vingt minutes sur leurs deux premières frappes : les hommes de Domenech ont fait preuve d'un incroyable réalisme pour leurs débuts dans les éliminatoires de l'Euro 2008. La différence avec la précédente campagne de qualification est flagrante : alors qu'il fallait une grosse poignée d'occasions aux Bleus pour parvenir à mettre un ballon au fond des filets (voire aucun: on se souvient d'un France-Suisse déprimant, de ce point de vue, au Stade de France), deux jolis tirs leur ont cette fois suffi pour calmer les velléités adverses, imposer leur domination, et, au final, l'emporter sans trop souffrir. Ce changement radical par rapport à la première ère Domenech démontre que le football ne se réduit pas à une simple équation tactique. C'est aussi un sport éminemment psychologique, dans lequel la confiance joue un rôle primordial. On avait senti un déclic se produire lors du match face au Togo, pendant la Coupe du monde. Il semble que le groupe France continue de surfer sur cette dynamique collective apparue au soir du match de Cologne. En particulier les membres de la section offensive, qui sont apparus libérés et audacieux dans leurs choix de jeu. Les Bleus croient en eux. Ce qui est plutôt bon signe, d'autant plus qu'aujourd'hui, cette foi semble partagée par l'ensemble des acteurs du football français. Médias compris.
Les observations en vrac
> Quand on a vu les quatre croix sur un drapeau rouge et blanc, on a eu une sueur froide en repensant à la Suisse.
> Une esthétique de film de SF des années 60, une toiture en béton de 1820 tonnes, des murs de cinq mètres de haut autour d'une bonne vieille piste d'athlétisme... Il n'y pas à dire, le charme bucolique de l'architecture sportive soviétique, c'était quand même quelque chose.
> Maintenant que le long déplacement au fin fond du Caucase est passé, Barthez va pouvoir signer sa licence amateur à Foix et retrouver sereinement les buts de l'équipe de France.
> Une consolation pour Jean-Michel Aulas : finalement, Franck Ribéry aura quand même fait une passe décisive à un Lyonnais cette année.
> Y a encore du boulot : 60.000 Géorgiens dépités font tout de même plus de bruit que 80.000 supporters français euphoriques au Stade de France.
> La sélection de Géorgie a déposé une réserve technique : Claude Makelele a joué sans son boulet accroché au pied droit.
Les gars
Rarement inquiété, Coupet a quand même dû réaliser une parade exceptionnelle sur le tir en pivot de Demetradze à la 46e minute.
L'ensemble de la défense a réalisé une prestation sans histoire: Thuram et Gallas ont bien endigué les quelques percées géorgiennes dans l'axe, le second réalisant un tacle impeccable sur Arveladze en pleine surface (25e). On peut reprocher à Sagnol et Abidal d'avoir concédé un peu trop de corners au sein d'une équipe qui les craint spécialement. Ils sont montés au soutien des milieux excentrés, mais sans endosser très souvent le rôle d'ailiers de débordement, dans un 4-4-2 qui a encore besoin de réglages sur ce plan, afin de mieux exploiter les côtés.
Dans un entrejeu où il a régné avec ses grandes pattes, Vieira a été l'homme de la soirée. Il s'est même procuré une belle occasion à la réception d'un centre d'Henry (14e), et s'est vu refuser un but superbe dans le temps additionnel de la première période. Makelele a assuré des fonctions plus obscures mais non moins indispensables devant la défense.
Avec un volume de jeu bien moindre qu'au Mondial (mais un important travail défensif) et beaucoup de fautes subies, Ribéry a tout de même assuré l'essentiel: deux accélérations qui sont directement à l'origine de deux buts, même si ses passes ne méritent pas tout à fait le qualificatif de "décisives" dans la mesure où les tirs de Malouda et Saha ont fait l'essentiel du boulot. Malouda, justement, s'est attaché à confirmer son nouveau statut avec une grosse activité dans toute la moitié gauche de terrain. Son but illustre sa volonté d'évoluer dans un rôle plus offensif, qui appelle une meilleure efficacité devant le but. À ce titre, la précision de cette frappe croisée est remarquable et elle a été confirmée par une autre belle tentative détournée par le gardien (55e).
En dépit de sa bonne volonté et d'une envie visible de mener le jeu d'attaque, Henry n'a pas été très heureux dans ses choix de passe en phase offensive, ses quelques actions de classe n'ayant pas débouché sur grand chose, pas plus que ses coups de pied arrêté – dont il a manifestement hérité de la charge. On aimerait qu'il suive le même chemin que Vieira, s'agissant s'assumer pleinement son leadership dans le groupe France. Récompensé par un joli but sur un tir plein de détermination, Saha s'est plus fixé dans l'axe que son collègue attaquant, s'appliquant à trouver les bonnes combinaisons avec ses partenaires. Pas beaucoup d'éclats, mais un bon match dans l'ensemble.
Mavuba a bien pris le relais de Makelele juste avant l'heure de jeu. On ne sait si changement a été dû à une légère blessure du Londonien, ou bien si Domenech sera désormais enclin à effectuer des changements plus précoces. Les entrées de Govou (69e) et Wiltord (86e) n'ont pas contribué à aggraver le score, ni même permis de créer des occasions.
Le match de TF1
Le proverbe béarnais
Jean-Michel Larqué : "En football, un ballon n'est jamais donné trop tôt, il est toujours donné trop tard".
Avertissement : si vous décidez d'appliquer ce conseil sur les terrains, prévoyez tout de même des explications pour toutes les passes adressées à des endroits où ne se trouvait encore aucun coéquipier.
Oui-Oui en Géorgie
Thierry Gilardi a profité de la Coupe du monde pour élargir sa palette de locutions approbatives à placer après chaque analyse de Jean-Michel Larqué:
> "Aaah, oui !"
> "Et comment !"
> "Bien vu Jean-Michel !"
L'instant pathologique de Jean-Michel Larqué
> 5e minute, long dégagement de Tchantouria : "Oh là là, ce ballon est bien porté, on sent que l'air est léger, hein".
> 22e, tir au-dessus de Gogoua : "Thierry j'ai l'impression que... je ne sais pas... Tbilissi, c'est en altitude? Parce que j'ai l'impression que les ballons sont… très très portés. Et que les joueurs – on a vu tout à l'heure Abidal se faire lober – on a l'impression que les ballons vont plus vite et sont portés davantage".
Les titres auxquels vous avez échappé
> Géorgie on my mind
> Géorgie profonde
> Tbilissi is not my lover