Une finale, ça se joue et ça se perd
Insomnie du supporter un soir de défaite… À force de nous le ressasser, les acteurs de cette finale de Coupe de France avaient fini par nous en convaincre: "une finale ça ne se joue pas: ça se gagne". Scoop: une finale, ça se joue et ça peut se perdre.
Auteur : Salif T. Sacha
le 2 Mai 2006
On a pourtant rasé bien des murs, dans le passé, après des revers de fortune toujours plus frustrants. Un non-match à Bari en 91 ponctué par des pénos dévastateurs. L'équipe de 99 privée de Gallas, Luccin, Dugarry et Ravanelli pour résister aux Golgoths survitaminés parmesans auxquels le Président offre le premier but comme un vulgaire Franck Lebœuf. La blessure de Drogba puis l'expulsion de Barthez avant la mi-temps de Göteborg en 2004...
Mais cette fois c'est sûr, le sort va tourner. L'équipe joue enfin vraiment au football depuis que Ribéry, Maoulida, Niang et Pagis ont été alignés ensemble à Nantes. Même Lyon et Rennes n'ont pas pu rivaliser. Ce n'est donc pas ce PSG-là qui va contrarier notre rencontre si tardive avec le stade fétiche de notre Zizou municipal. Puisqu'on semble les seuls à se souvenir qu'un club avait déjà gagné cinq championnats consécutifs avant qu'Aulas n'existe, il est temps de rappeler à l’hexagone quelle équipe règne sur la seule coupe nationale, et de ramener au passage les Parisiens à des ambitions plus mesurées – comme le record de victoires en Coupe de la Ligue.
I know what you did last summer
Encaisser un but cinq minutes après le début de chaque mi-temps n'est certes pas idéal. Mais rappelez vous La Corogne, référent commun dans des sens contradictoires des deux équipes qui s’opposent. L’OM est de nature à sortir ses tripes au pied du mur, le PSG capable de se les vider. L'erreur de Taïwo n'a été grossière que parce que la frappe de Kalou était Kostadinovienne. Avec toute son expérience, une science du placement acquise après plusieurs centaines de matches dans l'élite, et sa belle mobilité, Fred Déhu en a fait de plus grossières. On n'accablera donc pas le jeune Nigérian, qui semble être une graine de champion – si toutefois son parcours confirme que l'on apprend davantage de ses échecs que de ses succès.
Cela n'aurait pas dû suffire à abattre des Phocéens dont on pensait justement qu'ils avaient acquis de réelles ressources techniques et morales... Le jeu des hommes de Jean Fernandez restera pourtant méconnaissable de bout en bout.
Ni Ribéry ni Pagis… ni défense
Bien sûr, c'est en esthète neutre et objectif que l'on déplore que Ribéry n'ait pas touché un ballon pendant quatre-vingt-dix minutes, notre éraflé se faisant même reprendre par… Bernard Mendy. Ribé qui ? On enrage que la Coupe de France soit privée du plus beau joueur de la L1, Mickaël Pagis, blessé par ce même Mendy dont les célèbres perturbations psychomotrices laissent cependant penser que son high-kick aérien visait vraiment le ballon. Mais au fond, ce qui nous peine vraiment, c'est que sans Ribéry ni Pagis, l'équipe est terriblement affaiblie.
Méconnaissable également : la défense, dont l’absence soudaine de rigueur fait amèrement regretter la vaillance de l'équipe réserve. Celle-ci n'aurait certainement pas eu la naïveté de laisser Dhorasoo partir de la ligne médiane pour aller tranquillement décocher sa frappe de poussin aux vingt-cinq mètres – dans le petit filet d’un Barthez trop occupé à expliquer à Déhu de quel côté se trouvaient les buts du PSG.
La seule action construite de la rencontre, côté blanc, aboutira à la réduction du score de Maoulida. Point final. Car les Parisiens firent montre d'une grande maîtrise pour casser le rythme d'une rencontre qu'ils ne dominaient pas balle au pied. Seul Lamouchi aura eu une belle opportunité au bout des crampons en fin de match. En vain.
Pénitence
Les dix bonnes minutes d'arrêt de jeu décomptées par les supporters marseillais deviennent quatre avant que le téléphone ne commence à sonner. C'est fou le nombre de ses relations que l'on découvre supporters du PSG au coup de sifflet final. "Tiens, je croyais que t’étais mon pote toi". Par chance, le pont du 1er mai donne vingt-quatre heures de répit avant de subir les railleries délicates et les quolibets tout en finesse des collègues de bureau.
D'ici là, on aura eu le temps de s'auto persuader que perdre un match n'est pas la fin du monde, qu'une soirée foot partisane entre potes c'est quand même bien marrant, malgré la laideur indécente de la joie adverse, et ce foutu supporter neutre se distinguant dans l'assemblée pour distiller ses pitoyables résolutions de non agression favorisant un camp, puis l'autre, comme un minable petit télégraphiste du CNE.
Sparring partner de rêve
On se consolera aussi en assénant que cette saison, cette équipe recrutée avec trois francs zizou aura davantage fait bander que la grosse mécanique frigide de l'OL, le temps d’une saison bien encadrée par deux finales hautes en adrénaline – pour une seule danse de RLD en tongs. L'OM de Fernandez aura trop souvent pêché par inconstance, gagnant régulièrement LE match qu'il lui fallait pour refaire espérer les boudeurs qui s’étaient promis qu’on ne les y reprendrait plus.
Elle présente toutefois un potentiel crédible pour espérer une saison II qui verra – enfin – l’effectif progresser. Entre-temps, l’OM restera dans un rôle impossible mais qui semble seoir à la France du foot : celui d’un faire valoir populaire servant à rassembler les foules devant le poste ou dans les gradins, sparring partner idéal car finissant toujours par laisser les trophées partir dans les vitrines adverses.
Dans quelques jours, la Coupe UEFA désignera son vainqueur, alors qu'elle semblait dans les cordes de cet OM imprévisible. C'est toujours une finale qu'on ne perdra pas…