Real Madrid Circus / Actes V et VI
[Précédents épisodes :
Real Madrid Circus / Actes I et II
Real Madrid Circus / Actes III et IV]
Acte V – Lopez Caro et les garçons
Lopez Caro est arrivé, tout en discrétion. Le personnage intrigue en tout sens. Imaginez : il se lève tous les matins à cinq heures, va faire son footing pendant une heure et demi (à jeûn), et va au camp d'entraînement. Son estomac pose des problèmes insolubles aux cuisiniers madrilènes (il est végétarien), et son appétit en pose beaucoup aux joueurs madrilènes: le bonhomme hurle, engueule, et impose une discipline de fer, avec deux sessions d'entraînement par jour. Et lorsque Lopez Caro arrive à ses premières conférences de presse, ce n'est pas vraiment pour parler football, mais plutôt de sa foi en Dieu.
Mais Florentino Pérez a très vite rappelé son nouvel entraîneur à l'ordre: l'image de marque du Real de Madrid n'a ni dieu ni pays, et par conséquent, un tel étalage de foi pourrait heurter la sensibilité des Madridistes d'autres confessions. Les ventes de maillot sont comme Dieu: elles se doivent d'être universelles.
La méthode des rubans
Si Lopez Caro a son caractère, Butragueño ne semble pas vraiment disposé à le maintenir en poste. Pas plus que Florentino d'ailleurs. Et pourtant, Lopez Caro a été confirmé, en dépit de débuts difficiles: une défaite dans le dernier match du premier tour de la ligue des champions, en Grèce, face à l'Olympiakos, à la tête d'une équipe composée de joueurs de l'équipe filiale. Les caméras de télévision, qui ne manquent jamais de filmer un entraînement, montrent la méthode Lopez Caro. Le travail commence par les bases: pour indiquer aux joueurs sur quelle profondeur ils doivent jouer, l'entraîneur Merengue fait placer des rubans prenant toute la largeur du terrain. Trente-cinq mètres de périmètre entre lesquels doivent se placer les défenseurs, les milieux et les attaquants. Resserrer les lignes : voilà le grand problème du Real, qui, depuis le début de saison, s'étale sur soixante mètres, obligeant les milieux à parcourir des distances inouïes pour porter le ballon vers des attaquants qui ne reviennent jamais…
Une rémission trompeuse
En dépit de ce revers initial, le Real montre quelques signes de guérison en remportant une victoire commode sur le terrain de Málaga (0-2). Mais le mal est profond… Les joueurs les moins impliqués se prennent à croire que le simple changement d'entraîneur allait solutionner tous les problèmes. Osasuna et surtout le Racing de Santander repartent avec un et trois points de leur passage au stade Santiago Bernabeu.
Arrive la trêve, qui va marquer une période de travail importante, et qui porte ses fruits dès la reprise: le club aligne – entre la Coupe du Roi et la Liga – plusieurs succès consécutifs, montrant une vraie cohésion, une envie de jouer, de se dépenser et de produire du jeu. Les Merengues enchaînent des victoires convaincantes (contre Seville, Cadiz et l'Espanyol notamment), malgré la blessure de Ronaldo, dont la saison n'est qu'une litanie d’absences. Précipitant son retour contre le Barça, le Brésilien s'était blessé à nouveau. Précipitant son retour contre Villareal, il n'en fut pas autrement.
La claque de Saragosse
Puis arrive Saragosse. Une douche froide, et les travers du début de saison qui ressurgissent. Les Maños pressent Gravesen qui multiplie les pertes de balles. Diego Milito, Ewerthon et leurs coéquipiers ridiculisent le Real (6-1) et s'offrent une option décisive pour la qualification en finale de Coupe du Roi. Ce jour-là, le Real s'est brisé, scindé. En conférence de presse, Lopez Caro a plaidé coupable pour endosser la responsabilité de la défaite, afin de préserver la paix dans le vestiaire. La frustrante remontée du score – une semaine plus tard (4-0) – ne suffit pas à calmer les aigreurs. Le public conspue Ronaldo le dimanche suivant contre Alavés, et le mardi, le Real perd contre Arsenal dans un match où les Merengues ont déjoué, tant par peur que du fait de l'inexpérience de Lopez Caro, encore tendre à l'approche de tels rendez-vous. Et puis c'est la chute... à Mallorca, et l'adieu à la Liga, malgré six succès consécutifs dans cette compétition avant ce rendez-vous manqué.
Acte VI : La chute de Florentinopolis
Lundi 27 février 2006, 20h, le flash de la Cadena SER annonce la démission imminente de Florentino Pérez. Stupeur. Quatre-vingt dix minutes plus tard, au terme de l’assemblée extraordinaire du Comité directeur du Real de Madrid qu’il a convoquée, l’ex-président se présente devant la presse pour confirmer sa décision "irrévocable" et en exposer les raisons. D’emblée, Florentino présente son départ comme un "acte de loyauté envers les socios, un acte de responsabilité et de cohérence", même si l’ex-dirigeant assure sans sourciller qu’il "n’y a aucune crise au Real de Madrid".
Aux dires de Pérez, cette sortie a été mûrement réfléchie. Pour autant, personne – ou presque – n’en fut avisé, et rien n’a filtré dans les médias, en dépit des très nombreuses taupes parcourant quotidiennement les bureaux du Santiago Bernabeu. Seuls Raúl et Lopez Caro, capitaine et entraîneur de l’équipe première, ont été prévenus, quelques instants avant que Florentino ne se présente face à la presse.
Des joueurs "mal éduqués"
Une fois son communiqué lu, Pérez répond aux questions de la presse, qui cherche à comprendre les raisons de cette décision. Pour l’ex-Président, ce départ est le "seul changement rendant possible la victoire en Coupe d’Europe". Interrogé sur le comportement de l’équipe, Florentino Pérez tient un langage ambigu: "Je ne vais pas rejeter la faute sur les joueurs, mais je crois que quelques-uns d’entre eux se sont égarés. Au mieux, j’ai participé à cette confusion. (…) Effectivement, certaines choses ne m’ont pas plu. Ramos avait raison après le match de Majorque" (1). À la question suivante, Pérez lâche une phrase qui fera couler beaucoup d’encre: "Certains [joueurs] se trompent en croyant qu’ils ont une place assurée", avant de conclure que d'aucuns étaient "mal éduqués". Il faut entendre par là que les joueurs actuellement sous contrat avec le Real de Madrid ne comprennent pas la philosophie du club, son identité et ses valeurs. Cette observation avait été faite, en son temps, par Arrigo Sacchi…
À SUIVRE…
(1) Très amer, le jeune défenseur du Real avait fustigé le comportement de ses partenaires au moment où il avait ouvert le score pour le Real – personne ou presque n'ayant célébré son but. Ramos allait même jusqu’à conclure qu’il avait cru que c’était "Majorque qui venait de marquer".