La Gazette : 29e journée
Cinq équipes dans la première moitié du tableau, douze dans l'autre, et trois sur la ligne médiane... C'est un enseignement de ce classement en relief, le seul à dire la vérité, rien que la vérité. Le quintette de tête s'étire donc tout le long des dix-huit points qui séparent les deux Olympiques, devançant un groupe de sept clubs serrés sur trois rangées. Sur la ligne des 42 points, Lens, Paris et Le Mans sont donc placés en plein centre du tableau, à équidistance du leader et de la lanterne rouge.
Et derrière le groupe des équipes qui peuvent encore caresser un rêve d'Europe (les trois ci-dessus, plus Rennes, Nancy, Nice et Saint-Étienne), s'étagent les grands déçus du championnat, de Monaco à Sochaux en passant par Nantes et Toulouse.
Les trois reléguables provisoires alternent les bonnes passes et les coups de blues – à l'image d'une ACA de nouveau sur la mauvaise pente après trois défaites de rang – mais conservent l'ESTAC en ligne de mire, sympathique lièvre placé à cinq coups de fusil de Strasbourg et Metz.
Les résultats de la 29e journée
Lille-Le Mans : 4-0
Rennes-Strasbourg : 2-1
Metz-Monaco : 2-1
Saint-Étienne-Nantes : 1-0
Troyes-Auxerre : 1-1
Toulouse-Nancy : 1-1
Paris SG-Marseille : 0-0
Nice-Lens : 0-0
Ajaccio-Lyon : 1-3
Sochaux-Bordeaux : reporté
Match en retard (25e journée)
Metz-Nancy : 0-0
La cruauté du LOSC
En définitive, la véritable affiche de cette 29e journée se déroulait comme prévu loin des polémiques niveau CE2 (CFA2?) en vogue, et des prime time télévisés. L'opposition entre Lille et Le Mans promettait un événement purement et exclusivement sportif. Quiconque aura détourné les yeux du Parc des Princes pour assister à cette rencontre n'aura pas été déçu. Si ce n'est par l'enjeu qui a déserté trop rapidement une confrontation de qualité, faute de limite dans la cruauté lilloise pour ce qui est de tuer un match. Favori de quelques membres de la rédaction des Cahiers depuis de longues semaines dans la course à la deuxième place (voir La Gazette: 14e journée), les hommes de Claude Puel confirment un appétit féroce doublé d'un certain talent de tueurs à sang froid. Obnubilés par leur objectif de jouter de nouveau dans la cour des grands du football européen, les Dogues ont terrassé une équipe du Mans encore trop tendre malgré un allant offensif de belle facture par les temps qui courent. En dépit d'une possession de balle légèrement en leur faveur (51%), une plus grande quantité de corners obtenus (4 contre 1) et un nombre supérieur de tentatives (13 tirs dont 7 cadrés), les Manceaux se sont fait punir par 5 tirs cadrés des Lillois… pour 4 buts encaissés. Les statistiques sont cruelles (et elles sont de scanball.com, en l'occurrence)…
La qualité des liaisons Chalmé-Cabaye et Dumont-Bodmer, ainsi qu'une parfaite maîtrise du jeu de couloir (45% des offensives développées de chaque côté), ont une nouvelle fois démontré la large palette à la disposition de Puel dans ses choix de mise en place: les Lillois seront parvenus à jouer près de 600 ballons malgré leur déficit de possession, soit près d'une centaine de plus que leurs adversaires du soir, preuve d'une détermination plus affirmée à chaque sortie. Les SDF de la Ligue 1 pourraient continuer de squatter les stades de Ligue des Champions la saison prochaine.
À votre Sainté
C'est dans les vieux chaudrons qu'on fait les meilleures potions. Bien qu'elle ait failli se terminer sur un de ces 0-0 que Canal+ a collectionné avec un flair infaillible cette saison, la rencontre Saint-Étienne-Nantes a sauvé le week-end de la chaîne cryptée en lui permettant de diffuser du football. Et même du jeu de très bonne qualité. Juien Sablé pouvait, à l'issue des débats, se féliciter du fait que contre cet adversaire, "au moins c'est agréable, tu peux jouer". Il est vrai qu'après une entame convaincante, les Nantais ont passé l'essentiel de leur temps à subir, mais sans jamais vraiment fermer le jeu. Difficile de dire avec certitude s'il s'agit d'un choix ou d'une obligation, mais on peut penser que cet effectif n'a pas un profil apte au bétonnage.
Le problème est que le FCNA n'a pas non plus réussi à être dangereux en contre, et qu'il aurait difficilement pu espérer mieux qu'un partage des points longtemps préservé par des montants qui repoussèrent à trois reprises les tentatives d'Helder Postiga. C'est donc sous le coup d'une certaine logique qu'un ultime raid de Piquionne provoqua une erreur défensive de Pascal Delhommeau, bien exploitée par l'ex-Rennais qui servit Mazure sur un plateau.
Cette seconde victoire consécutive fait du bien aux Stéphanois, qui ont quasiment acquis leur maintien et peuvent espérer finir le championnat libérés — non pas comme les Toulousains de la saison passée, mais au contraire en profitant d'une certaine assurance pour glaner des points. On n'est jamais à l'abri d'un coup de bol, peut-on estimer dans le Forez.
Pochette surprise
S'il y avait (hypothèse) de la stratégie sportive dans le choix de l'OM de n'envoyer que son équipe réserve à Paris, celle-ci n'était pas si suicidaire – preuve en serait d'ailleurs le résultat. Celui-ci a pourtant été unanimement décrit comme un camouflet pour le PSG, alors qu'il est finalement aussi surprenant qu'une des inévitables "surprises" que nous réserve la Coupe de France, lorsqu'une le "petit Poucet" élimine le gros. À ceci près que le PSG n'a pas eu droit à une prolongation pour sauver les meubles, et qu'un match nul était éliminatoire...
Le piège d'un match réduit à une attaque-défense s'est donc refermé sur une équipe qui connaissait déjà des problèmes d'animation et qui a buté sur la minoterie comme une mouche contre une vitre. Paris avait tout à perdre, et n'a pas déçu de ce point de vue-là...
Apocalypse de comptoir
Il était donc prévisible que le vaudeville du Parc des Princes susciterait des tombereaux d'analyses emphatiques mélangeant allègrement les torchons et les serviettes, les tenants et les aboutissants, l'être et le néant.
Dans un style poujado-réac qui devient décidément sa marque de fabrique, France Football a ainsi réussi l'exploit (derrière une couverture barrée d'un "Assez!" qui fait très "Ça peut plus durer, ma bonne dame – Z'avez raison, trop c'est trop, mon pauvre monsieur") d'amalgamer ce PSG-OM, le hooliganisme parisien, le procès des comptes de l'OM, la "bataille de chiffonniers" entre Aulas et Domenech (1), et enfin, les sifflets dont a été victime Barthez. Tout cela pour diagnostiquer "une longue et inquiétante dérive qui frappe l'ensemble du football professionnel français"... Ça, c'est de la lecture sociologique transversale, découpée à la machette et habilement emballée dans du papier journal!
Le magazine avait déjà, en janvier, osé un rapprochement entre les révélations de Jean-Jacques Eydelie, les difficultés sportives de l'OM actuel et... le procès des comptes de l'OM (la "une", racoleuse à souhait, titrait "Marseille brûle-t-il?"). Cette fois, on se demande bien en quoi le LOSC ou l'AS Nancy-Lorraine participent de cette dérive nationale... Que deux des clubs nationaux les mieux dotés en palmarès, en moyens, en infrastructures et en supporters s'acharnent à dilapider toutes ces formes de capital pour baigner constamment dans le ridicule est effectivement préjudiciable pour le foot français. Mais le foot français doit-il pour autant se réduire à l'OM et au PSG? Même si, par ailleurs, on préférerait qu'il ne se réduise pas non plus à l'OL, justement...
(1) Renvoyer dos à dos le président de l'OL et le sélectionneur national dans le cadre de l'affaire Abidal, et réduire celle-ci à un "tirage de cheveux sous le préau de l'école", c'est soit faire preuve de bêtise, soit prendre ses lecteurs pour des imbéciles (voire les deux en même temps). En tout cas, c'est refuser de saisir les implications de ce dossier pour l'avenir des sélections, un avenir de plus en plus directement menacé par le lobbying des clubs riches. Selon un schéma très classique, le bihebdomadaire, sous couvert d'une pseudo-neutralité, se place en réalité du côté du manche.
Dernier défenseur
Rendons toutefois justice à France Foot, à propos des sifflets à l'encontre de Fabien Barthez (voir Les siffleurs et les moralistes), d'avoir tendu le bâton pour se faire battre sur ses propres pages, par Laurent Blanc: "Je trouve incroyable que la presse en général se soucie de ce qui s'est passé alors qu'elle en est à l'origine. C'est vous les journalistes, qui avez créé ce malaise en multipliant les sondages, en épiant chaque week-end ce que font Fabien et Grégory. C'est la tendance du moment. On pousse l'un par rapport à l'autre. On sait combien les sondages peuvent conditionner le public dans tous les domaines. On sait qu'il est très influencé par ce qui se dit dans les journaux ou à la télé. Les médias savent faire l'opinion. Et comme la France n'a pas de culture sportive, on voit ce que cela donne (…) l'explication principale tient à l'exploitation que l'on fait de la rivalité entre les deux gardiens".
Qui doute encore que les sportifs sont devenus plus intelligents que les journalistes sportifs?
La note interne de Pierre Blayau à Guy Lacombe (2)
Mon Guy marchant à reculons,
Bon bon bon... Pas folichon ce week-end, on est bien d'accord. L'heure est grave et les carottes précuites, on va pas en rajouter et je te le dis tout net je tiens même à te remercier pour ta comm' d'avant et d'après matche. Deux éclats de rire dantesques par les temps qui courent, ça ne se refuse pas.
Le premier est venu à la lecture de ton interview du Figaro de samedi et à ton «Je dis souvent à mes joueurs : "Soyez heureux"». Pris d'une pensée subite pour tes ex-joueurs du groupe PSA, là-bas dans le Doubs, un violent flash politico-spatio-temporel m'a plaqué sur mon canapé. Dans un éclair, je m'imaginai une page de Libé où tu m'apparaissais, telle l'icône d'un encart publicitaire pour le site de je ne sais quelle dominatrice un peu cuir: le fouet à la main, les guêpières affûtées mais la moustache toujours avenante... "Soyez Heureux!" Dis, à moi tu peux le dire, la formule relevait-elle de l'invitation ou du mode impératif?
Mon deuxième moment de franche jovialité avec cette fois ton très caliméresque "Ce n'est pas juste" en réponse à une question de sport24 évoquant un risque que le public du Parc ne te pardonne pas l'affront de dimanche. Bon, je rigole, mais je serai avec toi dans cette affaire (comme sur les banderoles).
Allez, bonne continuation. Non, je déconne.
Ton Pierrot le flou.