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12 juillet [5/13]

Cinquième épisode. Dans l’euphorie du premier but, Giovanni a aperçu Nat dans les tribunes. Du coup, il s’intéresse enfin au match. La collision entre Barthez et Ronaldo rappelle de mauvais souvenirs à Fred, pendant que Louise savoure un fragment d’éternité.

Auteur : Bruno Colombari le 8 Nov 2005

 

CINQUIÈME ÉPISODE
* * *

21H42
GIOVANNI

 

J’avoue, je n’y comprend pas grand chose au foot. Mais là, le blond aux cheveux longs, le 17, il tire et c’est bien un Brésilien qui touche le ballon, non? C’est même pour ça qu’il ne va pas dans le but. Donc, il y a corner! Même pas, l’arbitre donne la balle aux Jaunes. C’est trop compliqué pour moi.
J’essaie de revoir Nat depuis un quart d’heure, elle me manque déjà. Je suis sûr que c’était elle. Pourquoi ils ne remontrent pas un peu le public? Ils ont peur de rater un but?
Fred m’annonce en passant que le 17 Bleu, Petit, c’est un gaucher, qu’il a tiré du pied droit, et qu’effectivement, son tir est contré au départ par un défenseur, sinon c’était but. Ça me rassure.
C’est pour ça qu’il me plaît bien, ce 17. Il est gaucher, comme moi. Je n’en tire aucune vanité, note bien, mais de savoir qu’on n’est que dix pour cent à avoir la main commandée par l’hémisphère droit du cerveau, ça me convient parfaitement.
Quand mon père me donnait des exemples de gauchers célèbres — Charlie Chaplin, Jules César, Jimi Hendrix, Jack l’Eventreur, Lewis Carroll, Napoléon, Léonard de Vinci, Paul Mc Cartney — je n’en tirais aucune conclusion, favorable ou pas: il y avait dans le lot autant de génies que de fous furieux. Disons, de très grands génies (je ne me suis pas remis du Star Spangled banner de Hendrix à Woodstock) et de gigantesques fous furieux.
De toutes façons, j’ai toujours eu l’impression d’être un peu au bord du monde, à la marge, toujours décalé dans le temps et dans l’espace. Pas au bon endroit, ni au bon moment. Ce monde est fait sur mesure pour les droitiers. Les techniciens et les scientifiques dominent nos vies, et rien n’est simple pour les artistes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il y a beaucoup plus de gauchers chez les musiciens que chez les scientifiques. Et Einstein, alors? Disons que c’est l’exception qui confirme la règle.
Nous autres les gauchers, quand on écrit on pousse le stylo au lieu de le tirer, du coup on repasse sur nos traces, comme pour les effacer. J’ai l’impression que ça nous rend plus imprévisibles, moins calculateurs. Ce n’est peut-être qu’une impression.
Pas au bon endroit, ni au bon moment. Le bon endroit, ce serait une tribune de ce stade gigantesque, à deux ou trois rangées au-dessus de celle de Nat. Le bon moment, ce serait il y a dix ans, quand tout était possible et que je ne le savais pas.
Comment on dit, déjà? L’expérience, c’est un peigne qu’on te donne quand tu deviens chauve.

 

* * *

21H43
LOUISE

 

Ça va bien pour les Bleus, ça va bien pour Giovanni aussi. Je préfère le voir comme ça. Toute la journée, il m’a inquiété, il avait la tête de quelqu’un qui n’a plus d’avenir.
A trente ans, plus d’avenir! C’est un mec plein de talent, de créativité, de folie. Dans ses bons jours, il invente sa vie là, devant toi, en direct. Il sait faire mille voix, mille attitudes, mille personnages, comme ça, au feeling, et c’est toujours juste, jamais forcé ni ridicule. Je lui ai dit une fois qu’il devrait faire du théâtre, il serait extraordinaire.
— Moi, ce que j’aime, c’est improviser, il m’a répondu.
Il est capable de choses tellement inattendues. Il y a quelques années, alors qu’il cherchait du travail et que ça n’aboutissait pas, il s’est mis à envoyer des lettres de démotivation. C’est ça, tu as bien compris: des lettres de démotivation.
Il épluchait consciencieusement les petites annonces et quand il en trouvait une intéressante, il envoyait un CV et une lettre dans laquelle il expliquait pourquoi il ne voulait pas de ce poste. Il nous racontait ça, et il imaginait la tête du DRH lisant son courrier. A mourir de rire!
A force, il y a pris goût, et ce qui n’était au début qu’une plaisanterie est devenue une expérience, presque une démarche sociologique à temps complet. Il s’est mis à envoyer deux, puis cinq, puis dix lettres par jour. Sans le timbre, bien sûr. Lui qui avait une formation de photographe, il a répondu à des offres de cuisinier sur paquebot, de sténodactylo bilingue, de professeur de chant, de toiletteur pour chien, de directeur de marketing, de paysagiste industriel...
Pour lui, c’était une manière de détourner une angoisse, de se moquer de l’acte de chercher du travail, de montrer tout le grotesque qu’il peut y avoir dans la quête éperdue d’un emploi.
Deux ou trois fois, il a reçu une réponse. Une entreprise d’import-export en produits pharmaceutiques lui a conseillé d’aller se faire soigner. Le directeur d’une boîte de gardiennage lui a affirmé que c’était à cause de gens comme lui que le désordre se répandait comme une gangrène dans le pays. Un jour, il a même été convoqué pour un entretien d’embauche: une agence de pub avait trouvé son courrier tellement original qu’elle voulait le rencontrer. Il n’y est jamais allé, bien sûr.
C’est pas terrible, ces shorts qui descendent au genou. On dirait des bermudas. Tout à l’heure, je feuilletais un album photos sur l’histoire de la coupe du monde, et je m’amusais à détailler la forme des maillots, les chaussures, le ballon... Au début, il était fermé par un lacet! Prends toi ça en pleine tête quand le cuir est lourd et détrempé, tu m’en diras des nouvelles.
D’après les photos, autrefois, il n’y avait pas grand chose sur le maillot. A peine un écusson. Puis, après la guerre, le numéro dans le dos. Puis le logo du fabriquant de maillots. Puis le numéro sur le short. Et sur le ventre. Et pour finir, le nom du joueur dans le dos, et des petits logos sur les manches. C’est peut-être pour ça qu’ils font des maillots larges et des shorts longs: ça augmente la surface de tissu, on peut y mettre plus de choses dessus.

 

* * *

21H44
FRED

 

La réaction brésilienne s’est bien calmée, on dirait. Les pauvres, ils ne voient même plus le ballon, et si le tir de Petit n’est pas dévié, tout à l’heure, il y a déjà deux-zéro. Je viens de compter, à l’instant: dix-neuf passes consécutives pour les Bleus. D’accord, c’était au niveau du milieu de terrain. N’empêche. Cette première mi-temps est idéale. Presque trop.
C’est vrai, quoi, c’est une finale de coupe du monde. Normalement, ça devrait être dur. Ça fait quinze jours qu’on souffre, et pas ce soir? On a souffert contre le Paraguay. On a encore plus souffert contre l’Italie. Et en demi-finale, contre la Croatie, ça a été encore pire, avec ce but de Suker au retour des vestiaires. Là, rien de tel. Etrange.
Thuram aussi se régale, même si devant lui Karembeu se prend pour le père Noël et distribue les cadeaux.
Elle est belle, cette relance...
Baiano est lobé...
Oh, Guivarc’h, tout seul!
C’est pas vrai! Il a le temps de s’avancer dans la surface, Taffarel ne sort pas et qu’est-ce qu’il fait? Il reprend du gauche et le met presque sur le gardien. Pas son soir, à celui-là, vraiment pas. On va finir par les regretter, ces occasions, si jamais on s’en prend un.
Corner. Petit le tire. Cette fois, les Brésiliens se méfient. Ils ont raison. Ouf! Le ballon a traversé toute la défense sans que personne ne le touche, et le centre de Guivarc’h a été dégagé. Corner encore, de l’autre côté. C’est la panique derrière, ça se voit. Dunga, le capitaine, n’arrive pas à remettre de l’ordre. Baiano, l’armoire à glace, est lent et lourd, Aldaïr mal placé, Roberto Carlos voudrait bien monter mais ne peut pas...
Sur le banc de touche, Zagallo se fait du souci. Il le sent, l’entraîneur, que tout va de travers. Et il ne sait pas comment faire. Mais ce n’est pas lui qui est sur le terrain. Tu peux faire tous les moulinets que tu veux, ça ne changera rien.
Allez, c’est Djorkaeff qui va tirer le corner, côté gauche. Les Brésiliens sont massés devant leur cage, et à hauteur du point de penalty, il n’y a plus que des maillots bleus. Bizarre, cette défense...

À suivre...

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>> Le site personnel de l'auteur.

 

Réactions

  • la rédaction le 08/11/2005 à 01h50
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