La Gazette : 6e journée
Fred le Brésilien bigot, Janot l'ennemi des blaireaux, Nantes sans Portillo, Deschamps au bout du micro, Piquionne moins rigolo: ce sont les héros de cette Gazette pur sucre. Livrée avec l'indispensable classement en relief.
Auteur : Le Feuilleton de la L1
le 14 Sept 2005
Le PSG maintient la distance avec l'OL, sans convaincre autant que celui-ci, dont la montée en puissance est manifeste. S'intercalant entre des Lensois et des Bordelais qui se sont (joliment) neutralisés à Bollaert, les Manceaux font de surprenants mais légitimes quatrièmes.
Saint-Étienne et Ajaccio sont à égalité presque parfaite à la sixième place, les Corse ne se détachant qu'au nombre de buts marqués (7). On observe le grand bond de Lille et Troyes (victorieux) tandis que Nantes et Nice (défaits) font du surplace à 8 points, tout comme Monaco et Auxerre à 7. Rennes recolle en remportant le duel des pires différences de buts de la L1.
Avec une seule victoire, deux nuls et trois défaites, Sochaux, Marseille et Toulouse
En queue de peloton, les villes orientales présentent un alignement qui pourrait presque être celui du TGV Est.
Les résultats de la journée
Rennes-Auxerre : 3-1
Lyon-Monaco : 2-1
Ajaccio-Nancy : 1-0
Paris SG-Strasbourg : 1-0
Troyes-Nantes : 1-0
Lens-Bordeaux : 1-1
Toulouse-Le Mans : 0-2
Metz-Lille : 0-2
Nice-Saint-Étienne : 0-1
Sochaux-Marseille : 0-1
Didier déchante
Si le placement judicieux des micros d'ambiance par Canal + peut parfois s'avérer enrichissant pour saisir les commentaires tactiques des entraîneurs durant une rencontre, il est aussi parfois opportun pour démasquer la mauvaise foi et les geigneries de ces derniers. C'est ce qui s'est produit samedi dernier avec un Didier Deschamps ulcéré par l'arbitrage (il est vrai parfois fantaisiste) de M. Picirillo. Les acteurs du feuilleton de la Ligue 1 devraient se souvenir qu'ils peuvent ruiner en une poignée de secondes l'image qu'ils prennent tant de soin à se construire dans les interviewes d'après-match. En l'occurence, l'ex-capitaine des Bleus a révélé une fois de plus le visage d'un entraîneur épuisant, plus attaché à accabler l'homme en noir qu'à orienter ses hommes sur la pelouse (ou à calmer Olivier Kapo). Serait-ce le signe de la fin d'un cycle pour "Dédé" à Monaco, comme semblerait également le laisser penser cette étrange conférence de presse, tenue à la Turbie en début de semaine pour ne rien annoncer?
Piquionne ne fait plus rire
Antihéros d’un Stade rennais toujours en crise, Frédéric Piquionne avait tout pour, un jour, postuler sérieusement au Ballon de Plomb: un profil d’attaquant maladroit, un côté Caliméro assez prononcé et une certaine tendance à devenir la tête de Turc du public… Au rayon des anecdotes tragi-comiques, on se souvient de son irruption furieuse dans la tribune présidentielle du Stade de la route-de-Lorient, dans le but de corriger un spectateur un peu trop insultant. Quand il quitta la Bretagne pour le Forez, sous la forme d’un prêt, peu d’observateurs lui donnèrent donc de vraies chances d’infléchir un parcours professionnel qui semblait le mener tout droit en L2, à Ipswich ou au Qatar.
Mais voilà, le Néo-calédonien s’est durablement installé au sein de l’attaque stéphanoise, dont il est un titulaire indiscutable, et Sébastien Mazure, recrue caennaise de l’intersaison, ne semble pas en mesure de le déloger. Offrant toujours un appréciable point de fixation, comme à la meilleure époque d’Aloisio à Geoffroy-Guichard (ou encore d’un Lilian Compan qui fut une des chevilles ouvrières de la remontée des Verts), il a aussi révélé un registre technique bien plus étendu : il est capable de conserver le ballon, de relayer les phases offensives, de déborder. Son impact athlétique lui permet de peser sur les défenses et d’amener son équipe à jouer haut, son entente avec Feindouno est optimale, et sa technique s’est finalement avérée très satisfaisante. Certes, positionné en pointe, il lui manque de véritables capacités de finisseur (ses 11 buts de la saison passée constituent son record personnel), mais sa réussite estivale en championnat laisse supposer qu’il peut progresser dans ce domaine. Son but à Nice illustre en tout cas le style du joueur: après avoir poussé trop loin la balle à l’issue de son crochet sur Grégorini, il s’est arraché pour la remettre in extremis et à angle fermé dans les filets.
On n’en conclura pourtant pas que Piquionne est tiré d’affaire. Durant l’été, au cours d’une campagne Intertoto frustrante, une partie du public stéphanois avait commencé à le prendre en grippe en raison de son inefficacité offensive. À vingt-six ans, l’ancien Nîmois n’a pas vraiment intérêt à se croire arrivé.
Fausses pistes
Les débuts de saison sont souvent marqués par l'impatience des supporters, entraîneurs, dirigeants ou journalistes, prompts à encenser ou dénigrer les équipes de L1 sur la base d'un classement qui n'est pourtant pas toujours représentatif des forces en présence. Par le simple jeu du nombre de matches disputés à domicile ou à l'extérieur, des écarts artificiels peuvent ainsi se creuser entre une ou plusieurs formations. Le Paris Saint-Germain, en ayant joué deux fois plus de parties à domicile que les Girondins de Bordeaux, par exemple, bénéficie ainsi d'un net avantage sur son concurrent aquitain. À l'inverse, le mauvais début de saison monégasque peut être relativisé par le faible nombre de rencontres disputées à Louis II, tandis que les Sochaliens, incapables de s'imposer une seule fois dans leur antre, malgré quatre matches disputés à Bonal, peuvent nourrir de légitimes inquiétudes...
Fred, l’ami brésilien
Certains avaient ironisé sur l’incapacité de l’OL à faire venir de grands noms européens, à la suite de plusieurs échecs sur des dossiers prioritaires du recrutement lyonnais. Carew semblait un troisième choix promis aux moqueries, avant de remetre très vite les pendules à l'heure. Mais en attirant le très convoité Fred, le club a réussi un grand coup, qui montre qu’il peut capitaliser sur la réussite des Brésiliens dans le Rhône — un peu à la manière du PSG des années 90.
Fred, sosie de Francis Perrin, est au moins aussi sympa que lui.
Cette arrivée en fanfare a été accompagnée d'un lot d'interviewes du joueur et d'un nombre conséquent de photos le montrant, cheveux frisotants, le regard tourné vers l'horizon des objectifs lyonnais. Il faut dire qu'il est mignon, avec sa bonne bouille. Sympa comme pas deux. Et heureux, tellement heureux d'être là. D'ailleurs Dieu est venu avec lui de Cruzeiro (pas Zidane, l'autre). Extrait d'une interview accordée au Progrès: "Le public m'a adopté tout de suite. J'adore ces chants lyonnais qui nous supportent. J'ai vu le drapeau brésilien en entrant dans les tribunes, je me suis vraiment senti chez moi. (…) Ma famille m'a accompagné et ne m'a envoyé que des ondes positives durant ce match (…) Je suis déjà très heureux de faire partie de cette équipe de l'OL. Et moi, je ne pense qu'au groupe (…) J'ai pensé à Dieu qui me protège et qui est là pour me guider vers le bon chemin, je le remercie de me défendre de tous les maux qui peuvent exister et je suis vraiment très heureux".
Soit il en fait un peu trop, soit Aulas, à force de comparer l'OL à Disneyland pour sa politique de produits dérivés, a fini par en importer l'ambiance de béatitude absolue.
Nantes doit faire sans
Dans une interview haute en couleurs, Serge Le Dizet a répondu aux critiques sur le déficit offensif de sa formation. En effet, à une semaine de la fin du mercato, une ex-star en herbe du Real Madrid aurait pu se poser sur le gazon jaune... Le joli coup marketing avorté, le coach "assume" son costume d’homme qui a dit "non" à Portillo. Ses raisons sont multiples. Outre l’incertitude sur le niveau réel des jeunes Realiens attesté par le "successeur" de Raul passé par l’OM (Rivera pour ceux qui s’en souviennent), on retiendra que Le Dizet n’a pas accepté de bisser Bamogo. Ce dernier n’étant pas un joueur prioritaire, son arrivée s’était négociée fin juillet dans des conditions comparables.
Les hésitations jaunes sont d’autant plus légitimes que le club est abonné aux "renforts" offensifs infructueux. Dans ce secteur, le centre de formation n’est pas un recours plus fiable, ses bons produits offensifs se recyclant désormais en milieux de terrain de talent — à l'image de Monterrubio, Da Rocha voire Vahirua. Incapable de s’offrir Fred ou Olliech, désirés par le staff, le FC Nantes va donc faire sans. Pour l’heure enclins à prendre le jeu à leur compte, les canaris risquent de croiser trop peu de surfaces fertiles, ce que la presse auboise a illustré en titrant sur le "hold-up" des Troyens à domicile.
Glombard, Keserü et Diallo ne font pas fantasmer les supporters, mais lancer une triplette de 21 ans de moyenne d’âge, n’est-ce pas le rôle d’un club formateur qui s’autorise encore à rêver de successeurs de Loko et Ouédec?
Janot et le blaireau
Auteur d'une excellente prestation qui a permis à son équipe de ramener la victoire de Nice, notre mascotte Jérémie Janot a puisé dans l'hostilité du Stade du Ray une source de motivation que lui-même a qualifiée d'exceptionnelle. Outre qu'il a battu la mesure sur une chanson locale, interprété en nissard, qui mettait en doute la moralité de sa génitrice, le gardien stéphanois a subi les insultes d'un énergumène qui aurait mieux fait de s'abstenir. Répondant au journaliste du Progrès, il a affirmé n'avoir absolument pas été perturbé: "Cela m'a même donné un surplus de motivation. Je n'avais qu'une envie, lui faire fermer sa gueule. J'ai répondu de la meilleure des manières (…) J'essaie de ne pas me disperser lorsque des abrutis m'insultent comme ce fut le cas ce soir".
Mais ça c'était la version édulcorée, car quand il se présenta, à l'issue du match, devant la caméra de Canal+, ce fut pour fixer l'objectif en pointant un doigt vengeur en direction de l'impétrant pour proclamer: "Il est pour toi, ce match, le blaireau!"