Le "cauchemar andorran" hante toujours certaines mémoires. Ce jour de 1999, les Bleus ne s'étaient imposés que sur un penalty de Lebœuf au terme d'une rencontre asphyxiante. En prenant le large dès le premier quart d'heure, l'équipe de France aurait pu, cette fois, s'offrir une balade contre une équipe largement inférieure — comme face à Malte en mars 2003. Mais si l'affrontement est resté ouvert, l'efficacité n'a pas été au rendez-vous des occasions. La différence de buts étant indifférente pour la qualification, on aurait cependant tort de chercher trop de motifs d'inquiétudes: l'affiche de mercredi racontera une tout autre histoire.


Le match
Les Féroé sont les premiers à l'attaque, les premiers aussi à faire faute — sur Zidane après 48 secondes de jeu. Le début de la partie ressemble à une attaque-défense de handball, et les occasions se multiplient. Mikkelsen s'illustre d'entrée sur une volée cadrée de Cissé (3e), lequel place une tête décroisée à côté sur un corner de Zidane (12e). Le premier but arrive logiquement sur un bon centre de Malouda repris de la tête par l'attaquant de Liverpool (13e). Le plus dur est fait, même si les Féroé réagissent avec un centre lointain sur lequel Jorgensen oblige Coupet à une parade difficile (16e). Sur le corner, la défense bleue regarde passer les trains et Jonsson efface Thuram d'un amorti de la poitrine orienté. Comme il semble prudent de se mettre définitivement à l'abri, Cissé déborde, adresse un centre tendu vers Henry dévié dans son but par Olsen.

On pense alors se diriger vers un score pléthorique sans imaginer qu'il faudra attendre une heure pour voir le troisième et dernier but. Les occasions pleuvent sur le but de Mikkelsen, mais par précipitation ou par facilité, les Bleus gaspillent. Henry place une tête au-dessus (24e), Gallas tente une double aile de pigeon dans la surface adverse (26e), Henry encore se lance dans un contre estampillé Euro 2000, évite deux défenseurs dans la surface et tire sur le gardien (32e). Juste après, Sagnol fracasse le poteau gauche d'un tir à vingt mètres (33e), Zidane rate son tir qui se transforme presque en passe décisive pour Henry (37e), et Mikkelsen parade brillamment devant Henry (41e) et Cissé (45e).

La deuxième période reprend sur le même rythme, avec un centre d'Henry pour Cissé (48e), une montée plein axe de Vieira relayée par Henry, le Juventino plaçant le ballon à l'extérieur du poteau (52e) et un festival de Zidane dans la surface, suivi d'une tentative de papinade d'Henry (58e). Les Bleus entrent dans la défense adverse comme dans du beurre, mais à multiplier les combinaisons, ils se compliquent inutilement la vie. Henry place un coup franc juste à côté du poteau (60e), et Mikkelsen fait encore des siennes en s'opposant à Malouda et à Henry dans la même minute (62e). Domenech choisit alors d'économiser Henry et Zidane, remplacés par Wiltord et Dhorasoo. Thuram, lui, sort après une béquille (76e) alors que Cissé, sur un centre de Wiltord, trouve enfin les filets d'une volée toute simple. 3-0, ce n'est pas cher payé, et les Féroé ne quitteront pas Bollaert sans aller taquiner Coupet et sans montrer aux Irlandais que la défense française n'aime pas les balles hautes. On croit le match fini quand Cissé se lance dans un sprint dément qui finit par une entorse à la cheville (88e). Chassez le naturel, il revient au galop.



Nouveau rituel porte-bonheur chez les Bleus: la main au cul de Cissé avant le match.

La nalyse
Avec des espaces encore plus béants que contre les Ivoiriens, les Bleus sont arrivés au même résultat, au cours d'un match qui ne ressemblait pas vraiment à une opposition de Coupe du monde et qui n'avait pas non plus grand chose à voir avec le match aller à Thorshavn, heureusement. Il faut rendre grâce aux Féroé d'avoir joué le jeu, d'avoir tenté quelques attaques qui ont d'ailleurs semé le trouble dans la défense française, et d'avoir laissé poliment Henry récupérer tous les ballons qui traînaient dans la surface, en comptant sur sa maladresse du soir. Les joueurs d'Henrik Larsen ont aussi eu l'amabilité de ne pas faire de petit bois avec notre capital médiatique, les blessures de Thuram et de Cissé n'étant pas consécutives à des attentats. D'ailleurs, aucun carton n'a été sorti par M. Jara, ce qui change aussi du match aller.

La titularisation de Cissé entraînait une redistribution des cartes en attaque, avec Henry en deuxième pointe, contraint de retrouver plus de mobilité, notamment à gauche. Malouda a souvent été positionné à hauteur de Vieira et Makelele, probablement dans l'idée de partir de plus loin et de prendre les intervalles dans l'axe ou les espaces sur la gauche. Sagnol a disposé comme prévu du flanc droit, d'où il a pu centrer allègrement. La transmission entre Zidane et Henry n'a pas été pour autant beaucoup plus fluide. En deuxième période, Henry occupait à son tour l'axe de l'attaque, Cissé s'installant plus fréquemment à droite. La sortie d'Henry et de Zidane désorganisait pour un moment l'attaque française, Dhorasoo ayant d'abord du mal à orienter le jeu, tandis que Malouda gâchait quelques ballons côté gauche. Par la suite, Wiltord a pris le flanc droit et Cissé la place dans l'axe, et ils ont su se trouver sur le troisième but.
La défense centrale, en revanche, n'a pas donné toutes les garanties. Boumsong et Thuram ont été mis en difficulté sur de longs ballons aériens, ce qui risque de leur arriver souvent mercredi à Dublin. À moins que Gallas ne retrouve une place dans l'axe, si Thuram est forfait.



Difficile de nier que le banc de l'équipe de France manque de classe.

Les gars
Coupet, en dehors d'un bel arrêt sur une tête placée à la 16e qui aurait pu faire 1-1, a connu une soirée tranquille.
Placé très haut compte tenu de l'absence de milieu droit, Sagnol aurait pu marquer sur une très belle frappe en première mi-temps. C'est lui l'homme en vue de la sélection en ce moment.
Thuram a réalisé un match en demi-teinte, paraissant gêné par les centres aériens et mal synchronisé avec son collègue de la défense centrale. Peu avant sa sortie, il a même fait une relance dans l'axe pour l'adversaire à la 67e. Boumsong, parfois battu sur les balles hautes alors que ça devrait être son point fort, n'a pas toujours paru très serein. Son engagement a cependant fait la différence le reste du temps.
Très offensif pendant une demi-heure, Gallas a copieusement engueulé Malouda qui ne l'avait pas servi dans la surface et s'est retrouvé une fois hors-jeu à quinze mètres des cages adverses, ce qui est assez rare pour un latéral gauche. Il se voit peut-être plus buteur que latéral gauche, comme en a encore attesté sa difficulté à centrer sur son mauvais pied.

Makelele et Vieira ont géré l'ordinaire face à une opposition assez faible dans l'entrejeu. On aurait quand même aimé que le Turinois se montre plus décisif dans la construction, à la manière de son compère avec sa très belle accélération plein axe qui aurait mérité un meilleur sort. L'ex-Gunner a aussi raté une belle balle de but.
Dans une position hybride, Malouda a cherché à percuter et à être un relayeur d'attaque. Il prend du crédit dans cette équipe, mais se montre toujours aussi maladroit dans ses frappes.
Toujours aussi peu serré de près, Zidane a eu la place de faire quelques grigris pour les ralentis de TF1 et d'accélérer le jeu vers l'avant, où il n'a toujours pas trouvé Henry. Il a été remplacé par Dhorasoo qui a pris le jeu à son compte sans forcer son talent.

Exilé à gauche, Henry s'est fait voler d'abord la vedette par Cissé (voir ci-dessous), avant de remplir les espaces dans le dernier quart d'heure de la première période, mais avec peu de discernement en fin de course. Malheureux dans ses frappes comme dans ses passes, il a été remplacé par Wiltord en faisant sa tête des mauvais jours. Le Lyonnais a été encore brouillon, mais a donné le troisième but à Cissé. Il semble avoir retrouvé sa place de joker de la sélection.


Cissé pour une revanche
Probablement irrité par les critiques qui se sont abattues sur lui ces derniers mois, Djibril Cissé a montré l'ampleur de sa motivation samedi soir, en étant l'auteur de deux buts et à l'origine du troisième. Certes, il a encore pas mal de déchets et une certaine tendance à se jeter dans des courses vouées à l'échec, mais sa bonne volonté évidente a fait plaisir à voir, ainsi que sa capacité à donner de la variété à son jeu, comme lorsqu'il s'est mué en ailier de débordement. Après les rumeurs estivales sur son départ de Liverpool, ses matches réussis en Supercoupe puis à Bollaert lui redonnent du crédit, et le transfert d'Owen à Newcastle un peu de tranquillité d'esprit. On a eu tendance à oublier qu'il relevait d'une grave blessure, ou encore que c'est lui qui avait débloqué une situation cruciale pour la sélection menée au score, il y a trois ans à Chypre. Son histoire tourmentée avec les Bleus (sa lourde suspension l'avait privé de l'Euro 2004) pourrait prendre une nouvelle tournure.


Après son but, Djibril Cissé se fourvoie dans l'imitation de:
1. Popeye.
2. Titi de "Titi et Grosminet".
3. Thierry Henry.

Les observations en vrac
> C'est en effectuant un centre que Cissé a marqué le deuxième but. Pour une fois qu'il faisait une passe.
> Il paraît qu'on pourrait faire rentrer presque tous les habitants des îles Féroé dans les tribunes de Bollaert. En revanche il est déconseillé de mettre tous les spectateurs de Bollaert dans les îles Féroé.
> "I Will Survive" à la trompette à un quart d'heure de la fin, c'est pour saluer la sortie de Thuram?
> Les Féroé jouaient avec Borg en récupérateur, autant dire qu'ils ne sont pas monté souvent au filet.
> C'était le premier match d'éliminatoire de coupe du monde pour Thuram et Zidane. Il était temps.
> Hojsted s'est mis à saigner après avoir sévèrement taclé Zidane. Qu'il ne s'étonne pas d'avoir des stigmates après avoir approché le sauveur.


Le match de TF1
La chaîne a fait de la pédagogie, à la demande du ministère de l'éducation, en faisant défiler les paroles de la Marseillaise. Le karaoké pour promouvoir l'hymne national, il suffisait d'y penser. Et si on trouve le deuxième couplet, on gagne un chèque de 2000 euros?
18e minute : Gilardi veut donner le deuxième but à Cissé, Jeanpierre l'offre à Henry et Zidane. Le réalisateur crédite Olsen.
21e : Jean-Michel Larqué nous apprend que "les Féroé sont en apnée", que "Bollaert allait être de plus en plus grand pour eux".
53e : Jean-Michel Larqué, soudain pressé : "Allez, on se dépêche, on se dépêche". Soit il avait un train à prendre, soit il était garé en double file.
57e : Christian Jeanpierre annonce l'entrée de Dhorasoo et avoue qu'il ne sait pas qui va sortir. À quoi ça sert de traîner sur la touche?
77e : Larqué constate que "les Féroé tiennent le coup". Wenger, perfide, glisse: "Ils jouent à leur rythme".
90e : Alors que le temps additionnel commence, Gilardi demande un nouveau remplacement pour les Bleus, Jeanpierre doit lui expliquer qu'il n'y en aura plus. Comme le constate Albert Lombre dans le n°18 des Cahiers, l'ancien Thierry est entré dans le corps du nouveau.


Les calembours auxquels vous avez échappé
> Sur son aile, Gallas a fait du Horg-Borg
> Le Féroé avant le green.
> Les Féroé boitent.
> Féoré pour travaux.
> Féroé to heaven.