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Messie, mais non

Diagnostiquant déjà l'échec de Domenech, voilà que L'Équipe se met à militer pour le retour de Zidane, selon une mise en scène parfaitement exécutée. Pour quoi faire, au fait?

Auteur : Pierre Martini le 5 Avr 2005

 

 

Vendredi dernier, notre quotidien sportif a inventé l'esturgeon d'avril — un poisson aux œufs d'or —, en appelant de ses vœux le retour de Zinédine Zidane dans une équipe de France qui ne pourrait déjà plus s'en sortir sans son sauveur.

 

Poissons pilotes et poisson d'avril

Le terrain avait été préparé dès avant la réception de la Suisse, puis consciencieusement sarclé entre les deux rencontres internationales, avec une ribambelle de titres menaçants exhalant un parfum de déjà-vu ("C'est désespérant", "Et c'est pour quand?"). Un éditorial diagnostique en page 2 "un mal profond". Le temps de l'indulgence, cet état de grâce mou qui avait jusque-là accompagné le mandat de Raymond Domenech, est révolu.

 

Dans l'édition du lundi, l'intervieweur de David Trezeguet lui attribue pas moins d'une "quinzaine d'occasions ratées", parmi une volée de questions particulièrement vindicatives. Et mardi 29 mars, dans le cadre des "Débats de L'Équipe", on peut lire une tribune de Pierre Ménès totalement à charge pour le sélectionneur, dénonçant le concept même de "reconstruction" et recelant notamment cette perle: "Si les Bleus ont besoin d'un joueur du profil de Frédéric Déhu pour sortir indemnes de ce groupe, il ne faut pas hésiter". Également au menu, bien sûr, un plaidoyer pour son pote Pires, le flamboyant substitute d'Arsenal.

 

Mais le coup est parti le 1er avril, avec cette "une" barrée d'un évangélique "Et s'il revenait?", désignant bien entendu le messie Zinédine Zidane, dont une déclaration — à paraître dans L'Équipe magazine du lendemain, laisserait entendre qu'il ne serait pas opposé à une mission spéciale en Irlande. S'agit-il d'un grossier poisson d'avril? Ce vendredi-là, en tout cas, presque tout le monde mord à l'hameçon et l'information est massivement reprise. Samedi, l'éditorial dément sur un ton mi-amusé, mi-acerbe, toute intention de faire un canular, invoquant la gravité de l'heure ("Dans le genre, nous avions pourtant mieux à proposer. Par exemple: les Bleus, vainqueurs d'Israël, de l'Eire et de la Suisse au Stade de France, sont quasiment qualifiés pour le Mondial... Poisson d'avril!"). Dans le supplément hebdomadaire (un "spécial Zidane"), on peut enfin lire cette citation, à la toute fin du deuxième grand article consacré au joueur: "Vous savez bien que cela ne se fera pas, mais revenir à Dublin, jouer à Lansdowne Road devant 50.000 personnes, gagner et repartir, ça m'irait bien. Oui, j'aimerais bien". Équivoque, et somme toute anecdotique s'agissant d'une phrase lâchée au milieu de plusieurs heures d'entretiens. 

 

L'affaire est faite

Notre quotidien sportif s'adonnerait-t-il, avec un surprenant temps de retard, à la zidanolâtrie baveuse que l'on croyait être l'apanage de Téléfoot version Vincent Hardy? Ou a-t-il simplement cherché à faire un "coup" pour vendre le numéro spécial de son magazine? Cette dernière intention ne fait pas grand doute, il suffirait pour s'en convaincre du succès de la méthode. En cas de mauvaise tournure, un repli derrière l'alibi poissonnier aurait fait l'affaire. Il n'en a pas été besoin, puisque les autres médias ont embrayé avec enthousiasme, la question de cet improbable retour mobilisant notamment Jour de foot et Téléfoot chez les deux principaux diffuseurs du foot français.

 

L'affaire est lancée, et son bénéfice ne s'arrête pas là. Car elle s'installe en "une" et en deuxième de couverture, prend désormais la consistance d'une polémique... et, plus clairement, d'un procès du sélectionneur, dont l'ensemble des choix est remis en question avec d'autant plus d'acuité sous ce nouvel angle. Le journal ne lâche donc pas le morceau dans les jours qui suivent. Un sondage publié dimanche annonce ainsi que 74% des amateurs de foot sont favorables au come-back, même si l'analyse des résultats est beaucoup plus nuancée. Plus fort encore, toujours dans le numéro de dimanche, Zidane lui-même est interrogé sur l'hypothèse. Il a beau démentir ("Vous savez très bien que quand j'ai pris une décision, elle est prise (...) ce n'est pas bien, je trouve ça dommage (...) Je reste sur ma position (...) vous savez très bien que ça ne se fera pas"), le journaliste insiste tellement qu'il arriverait à nous faire croire que le Madrilène laisse la porte ouverte...

 

Amnésie totale

Le quotidien sportif est décidément persuadé d'avoir ferré une grosse pièce, puisqu'il se fend d'un édito (exceptionnellement signé, par Claude Droussent), ce lundi 4 avril, sur "La nécessité du débat". Dans un grand élan lyrique ("Continuons de rêver à un sport français compétitif, conquérant et prestigieux (…) Rêvons à la passion et aux vocations que suscitent ces grands moments, inoubliable héritage, notamment, de 1998"), ce texte en appelle quasiment à la résistance civique. Car l'heure est grave: "Les Bleus iraient donc, si on n'y prend garde, jouer à la rentrée leur tête en Irlande puis en Suisse, sans que leurs insuffisances n'incitent à une réelle prise de conscience, sans que la possibilité qui se rapproche d'une élimination n'appelle à mobiliser toutes les énergies".

 

La référence à 1998 est doublement comique. D'abord parce que la situation actuelle rappelle étonnamment celle du premier semestre 1998, à commencer par l'attitude du quotidien, qui dresse un bûcher un peu prématuré. Ensuite parce que Le 12 juillet 1998 a été un moment de déconfiture totale à Issy-les-Moulineaux, faisant correspondre le plus grand moment du football français avec un désaveu cinglant pour la politique éditoriale de notre fleuron médiatique. D'autre part, la rubrique "football" de L'Équipe semble avoir totalement oublié que dès le lendemain de l'échec asiatique en 2002, elle n'a eu de cesse de soutenir la thèse d'une confiance excessive trop durablement accordée à la génération 1998, vieillissante, accrochée à ses privilèges, incapable de se remettre en question et d'intégrer les générations suivantes. Après l'Euro 2004, ce discours a redoublé de vigueur, et l'on serait en peine de trouver trace d'un appel de L'Équipe en faveur d'une plus grande continuité.

 

L'intérêt inférieur de l'équipe de France

Et l'équipe de France dans ce remue-ménage, où se situe son intérêt, que prétend ainsi défendre L'Équipe? Dans le retour hautement improbable de Zidane, dont les bénéfices seraient totalement hypothétiques, à plus forte raison dans le contexte fantaisiste d'un parachutage en Irlande? Dans cette motion de défiance envoyée à la face des actuels internationaux? Dans la fragilisation accrue d'un sélectionneur qui ne sera de toute façon pas démis de ses fonctions dans les mois qui viennent? En remettant sur le tapis la gestion, l'été dernier par le nouveau sélectionneur et les instances, de la transition en général et du cas Zidane en particulier (un reproche justifié, mais qui n'apporte strictement rien au débat actuel)? On pourrait pourtant avoir l'impression qu'au fond, la situation critique de l'équipe de France résulte essentiellement de l'inefficacité de ses attaquants, qui constituent pourtant les joueurs les moins contestables de la sélection...

 

Mais la dictature du score final étant ce qu'elle est, il ne reste rien des progrès démontrés en matches amicaux et contre la Suisse, ou de la relative maîtrise tactique affichée en Israël avant le dérapage de Trezeguet. Si Domenech ne parvient pas à emmener la sélection nationale en Allemagne, il aura tous les torts, cela fait partie du jeu. En attendant, n'importe quel argument est recevable et peut expliquer le marasme: absence des uns ou des autres, gestion de la transition et du groupe, choix tactiques, non-titularisation de gauchers, etc. Comme on est dans l'invérifiable, tout aurait été préférable. D'ailleurs, nous aussi nous avons notre explication: c'est l'exclusion de Mickaël Silvestre. Allez prouver le contraire...

 

Croisade

Cela dit, rien que de très normal. L'Équipe a vocation à faire germer et à arroser la polémique, à abonder dans le sens d'un lectorat qui, lui aussi, pense majoritairement que Domenech est un incompétent et Zidane un magicien. Il ne s'agit que de football, même si l'on pourra toujours regretter que le dénigrement, le défaitisme et l'obsession à débarquer les entraîneurs font trop souvent office de ligne éditoriale (voir la 11e leçon de journalisme sportif ou L'école de la malveillance).

 

Mais le journal devient plus franchement risible lorsque, toujours dans son édito de lundi, il prétend mener ce combat, comme ses autres causes (?), au profit de l'intérêt général: "C'est devant cette torpeur collective, avant qu'elle ne devienne impuissance et qu'il ne soit trop tard, que L'Équipe a lancé le débat la semaine dernière. C'est l'un de ses rôles, quotidiens, à propos de tout ce qui agite le sport. Nous entendons le tenir". Bon, les gars, arrêtez de vous titiller les tétons et regardez en face où se situe votre militantisme. Dans n'importe lequel des dossiers cruciaux pour l'avenir du football (calendriers, arbitrage, dopage, racisme, lobbying du G14, dérive libérale de la LFP ou avanies du foot-biz français), vous agissez comme une instance d'enregistrement complètement passive, vous réagissez avec des années de retard et un moralisme à deux sous... Et lorsqu'il s'agit de faire le procès d'un sélectionneur et d'agiter des chimères pour faire mousser le papier, vous sortez les grands principes et vous vous posez en citoyens? Il y a des couleuvres plus dures à avaler que certains poissons...

Réactions

  • tessacha le 05/04/2005 à 03h05
    Bon, ayé, après Zizou, ils nous ont tout énervé notre Pierre Martini :-)

    Ravi de cet article dont la légitime virulence finale a réellement soulagé les crampes d'estomac qui ne me quittent pas depuis que j'ai ingéré cette fort peu digeste campagne.

    "Passionnée" qualifieront-ils la réaction de l'intéressé le lendemain au téléphone... hum... même si ce doit être un doux euphémisme, il a encore dû être bien inspiré par sa grande sagesse le Zidane.

    Je ne pensais pas qu'ils iraient jusqu'à asséner un si sale coup à ce méritant (non?) garçon... Beark.

  • vendek1 le 05/04/2005 à 03h34
    S'agit-il d'un grossier poisson d'avril? Ce vendredi-là, en tout cas, presque tout le monde mord à l'hameçon et l'information est massivement reprise.


    En vérité , il paraît que Zizou s'en fish.

    Bon ....rrrr ... vais me coucher , moi ... ça vaut mieux.

  • leponchcanadien le 05/04/2005 à 03h53
    Excellent article Mr Martini.
    Tout est dit a propos de ce quotidien sportif à 0,8€.
    Juste une question comment se fait-il qu'il se vend si bien?
    Et une deuxième, les cahiers on peut les trouver à l'étranger??

  • hobbes le 05/04/2005 à 03h56
    Humm vivement que les CdF deviennent un quotidien…

  • nfl le 05/04/2005 à 05h46
    Merci pour cet article, c'est pour ce genre de tribune, plus encore que pour tout le reste, que j'aime les cahiers.
    L'attitude de l'Equipe est complètement déplorable sur ce coup-là, une fois de plus. C'est vraiment le règne de la petitesse et de la lâcheté :-(

  • Tom York le 05/04/2005 à 06h39
    Ah ça fait du bien :-)

  • Francis Dolarhyde le 05/04/2005 à 08h06
    Je suis tout à fait d'accord sur le fond, et regrette le lynchage systématique des Bleus auquel se livre l'Equipe depuis des mois, des années, des décennies... Mais je souhaiterai quand même qu'ici aussi, on n'hésite pas à critiquer le travail du sélectionneur, son aptitude toute Jaquéenne, à trouver son équipe en progrès constant, et à ne pas se remettre en question. Même si Jaquet a réussi son pari en 98, il faut avouer qu'il n'a pas toujours convaincu lors de la préparation à la CM. Là, le cas est plus grave, puisque la France n'est pas qualifiée d'office. Je ne suis pas pour l'acharnement comme l'Equipe ou Aujourd'hui en France, mais pour que le débat puisse exister, même sur ces pages...

  • davidoff le 05/04/2005 à 08h23
    cela fait du bien, on se sent moins seul tout d'un coup (ceux dont je fais partie qui sont contre le retour de Zidane and Co, quand c'est fini, c'est fini!!!), à noter que chez Saccomano hier soir ils ont accrédité la thèse de Raymond qui parle de complot

  • taivince le 05/04/2005 à 08h31
    Je n'ai pas eu l'occassion de lire l'Equipe de puis de nombreux mois, par contre hier soir j'ai écouté l'émisson de foot du lundi sur Europe1, et ça ne vole pas beaucoup plus haut. On y donne aussi dans la croisade anti-Domenech.

    Extraits (de mémoire), lancé ça et là par les intervenants dont je ne connais pas les noms:

    "Si Domenech avait des bonnes idées, ça se saurait"
    "le bilan de Domenech est catastrophique"
    "Domenech a laché ses joueurs [pendant Israël-France]"
    "les joueurs se sont retrouvés orphelins"
    "Domenech ne vient de nulle part"
    "Domenech, à qui tout échappe..."
    "il y a un malaise dans la relation avec le selectionneur"

    Et le meilleur pour la fin, accrochez-vous:

    "Zidane ne reviendra pas en équipe de France tant que Domenech sera selectionneur"

    Le tout sans aucun contradicteur, à part un enregistrement de Willy Sagnol, lequel tente d'expliquer que le jeu progresse de match en match même si des problèmes persistent, que l'ambiance dans le groupe est bonne malgré tout, que si la France se qualifie elle sera compétitive, vu les difficultés traversées pour y parvenir, mais que les joueurs sont conscients qu'il sera difficile de se qualifier.
    Ce qui vaudra au brave Willy les commantaires mémorables du plateau d'Europe1:
    "comment dit-on "langue de bois" en allemand?" et
    "il faut arrêter de prendre les gens pour des jambons"


    Tout ça pour dire que l'Equipe n'a pas le monople de la chasse à l'homme et du racolage journalistique. On peut quand même se demander -au regard du ton des propos et de l'influence du quotidien- où les intervenants d'Europe1 ont pêché leurs idées et analyses à sens unique.

  • davidoff le 05/04/2005 à 08h48
    Oui, je ne prends pas la défense de l'émission de Sacco qui ne vaut plus rien depuis longtemps, je voulais juste signaler, même si ils ont fait le procès de Domenech, qu'ils ont pour une fois stigmatisé les dérives de notre seul quotidien sportif (le sport mérite-t-il un quotidien au fait?) qui reste le journal au tirage le plus important.

La revue des Cahiers du football