Genèse
En décembre 1997, trois amis partageant alors le même employeur se rendent compte qu'ils ont les mêmes frustrations envers les médias sportifs et la même envie de monter sur Internet un magazine décalé, "satirique et critique" (tout le concept est là) sur leur sport préféré. Le nom est rapidement adopté — en raison notamment d'une certaine passion cinéphilique — tout comme la signature "magazine de foot et d'eau fraîche". L'autre passion des fondateurs (Clément Jumeau, Curtis Midfield et Jamel Attal), c'est la musique, mais il était plus difficile de rassembler autour d'un projet commun des fans de Bob Dylan, de Prince et des Chemical Brothers (quoiqu'ils aimassent tous David Bowie). Ceux qui ont l'oreille fine perçoivent cependant la petite musique subliminale qui accompagne nos pages.

Alors que les premières statistiques indiquent un nombre asthmatique de connexions (les nôtres essentiellement) et que la première engueulade surgit au bout d'une semaine, un premier miracle se produit. Yahoo! nous écrit pour nous accueillir chaleureusement et nous mettre en lien sur leur page football. Heureux temps du référencement express… Cette introduction met le site sur de bons rails, d'autant que L'Equipe commence sérieusement à nous échauffer avec son défaitisme prémédité et ses procès vicieux. S'il est une légende que nous revendiquons, c'est bien celle d'avoir été quasiment les seuls à défendre Jacquet et à dénoncer la campagne du quotidien d'Issy-les-Moulineaux durant les mois précédant le Mondial. Évidemment, Djorkaeff ne trouve déjà aucune grâce dans nos yeux, bien qu'un certain Boris Gouduneuf plaide en sa faveur et signe quelques papiers tranchants. Bref, là-dessus, nous voilà champions du monde et l'on pourrait croire que les Cahiers vont repartir de plus belle. Las, est-ce le blues du sacre, le contrecoup psychologique d'une vie de supporter des Bleus qui trouve son aboutissement dans une suprême victoire, ou simplement les misères que la vie, qui se fout du foot, nous inflige? Toujours est-il que la page d'accueil sur mygale annonce que nous revenons "bientôt"… pendant des mois.

Retour
Mais après la reconstitution des forces vitales et avec une passion intacte, les Cahiers se relancent en septembre 1999 et offrent à leurs lecteurs la possibilité de réagir aux articles, leurs messages s'affichant sous les textes.

"Webdomadaires", les Cahiers paraissent le mardi. Une vignette Panini accueille les lecteurs sur la homepage: le jeu consiste à reconnaître qui se cache derrière les favoris broussailleux ou les coupes de cheveux 70's. Un quiz, puis un sondage idiot sont proposés. Joseph Alfonsi et Totor collaborent avec nous le temps de quelques articles, Pierre Martini s'installe et Etienne Melvec pointe le bout de son nez. La toute première version du forum est inaugurée en février 2000, il est encore très calme (mais comptera tout de même 3500 réactions en 8 mois).

Cette saison ouvre le dossier des droits télé, l'OM consomme allègrement la manne louis-dreyfusienne, la Ligue des champions gonfle et nous gonfle, le Club Europe et le G14 partent à l'assaut, on parle déjà du "déclin" français, l'affaire OM-Monaco alimente les polémiques.... Les affaires de nandrolone se multiplient, et nous interviewons Vincent Guérin. Les Monégasques sont champions de France, les Bleus champions d'Europe. Le site bat ses records de connexion durant une mémorable compétition, conclue par le premier article du regrettable Jean-Patrick Sacdefiel. Alors qu'on ne sait pas encore ce qu'annoncent les retraites internationales de Didier Deschamps et Laurent Blanc, l'intersaison met un terme rapide à la douce euphorie de Rotterdam. Gérard Bourgoin accède inexplicablement à la présidence de la Ligue, l'Afrique voit la Coupe du monde 2006 filer en Allemagne…

2000/2001 : la pire saison de l'histoire du foot français?
Les Cahiers inaugurent le Diaporama qui couvre chaque journée du championnat et dès juillet, il est possible de réagir aux articles. La première leçon de journalisme sportif est mise en ligne en février 2001, le forum est réaménagé en mars, les deux espaces ("Et la polémique Victor" et "Opinion sur rue") se fondant en un seul et même lieu de discussion. Il connaît un succès croissant. Le site présente aussi un moteur de recherche et un nouvel archivage par thèmes. Mais la saison 2000/2001 sera celle de tous les scandales. Des affaires de faux passeports éclatent un peu partout en Europe et la foudre tombe sur l'AS Saint-Étienne qui commence sa descente aux enfers, suivie par le TFC. Bientôt, une foire aux points décidera sur tapis vert du sort d'un classement provisoire qui dure. Après une saison tranquille, le PSG de Bergeroo implose et Luis Fernandez débarque. Un jeune supporter marseillais est gravement blessé à la tête au Parc des Princes, où se déroulent en mars des incidents gravissimes lors de la réception de Galatasaray. En Italie, les manifestations racistes de certains supporters perturbent gravement la compétition. Jean-Michel Aulas devient totalement insupportable, Anelka pète des câbles, un pétard explose au visage de Nelly Viennot, ISL-ISMM fait faillite et plante la FIFA et pour couronner le tout, Tapie revient à l'OM. On se console avec le titre de Nantes et une équipe de France qui malgré les turbulences (ses lointains déplacements sont contestés et peu fructueux) nous régale toujours avec une série de cartons. La FIFA annonce une vaste réforme des transferts devant les injonctions de la Commission européenne. Le dossier occupe la scène toute la saison, mais la montagne accouchera d'une souris, malgré la somme d'énergie dépensée par Julie Grémillon pour le couvrir.

2001/2002, fin de chapitre
Les fondateurs Clément Jumeau et Curtis Midfield ont pris du recul sur le plan rédactionnel. Le premier reste cependant le maître de la matrice, tandis que le second prétend ne plus aimer le football — il émigre d'ailleurs en terre rugbystique. De nouvelles plumes font leur apparition avec Satta Massagana, Eugène Santa et Nico Paul. Le site continue d'évoluer, les images font leur apparition dans les articles, le forum continue sa croissance et devient même aussi bouillant que l'actualité internationale. Ce sera la saison des polémiques et des sifflets, avec le stade de France comme théâtre privilégié, de France-Algérie à Lorient-Bastia en passant par l'anathème jeté sur Karembeu. Franck Lebœuf n'en rate pas une et remplace presque Youri Djorkaeff dans notre cœur.

Le rythme faiblit d'autant moins qu'une Coupe du monde riche de promesses se profile à l'horizon. Mais cette année d'un titre national pour Lyon réservait d'autres surprises, comme la déclaration d'une crise économique de grande ampleur, et surtout comme un Mondial à l'envers. Malgré le fiasco de l'équipe de France (et de nos "live", peu drôles et qui provoquent plusieurs crises de nerfs de Jamel), de nouveaux records de visites et de posts dans le forum sont établis. Les portraits des Bleus sont l'occasion d'un retour remarqué de Jean-Patrick Sacdefiel, et Albert Lombre devient notre envoyé très spécial en investissant le fameux Sheraton de Séoul. C'est pourtant le moment d'un doute existentiel qui nous amène à envisager très sérieusement une cessation d'activité. Les Cahiers suspendent leur existence le temps d'un juillet de réflexion.

2003 et après…
La passion et l'amicale pression des lecteurs prennent heureusement le dessus. Les CdF sont d'attaque pour la reprise avec une interface qui évolue en prenant des couleurs et un coup de Flash. Le forum est remis à zéro, le Diaporama devient Feuilleton, l'action de la journée réalise des prouesses infographiques et nos chroniqueurs ne perdent pas le sens de la polémique, aidés par une saison qui n'en manque pas. Et si le football français décline, pas question de l'imiter. Les Cahiers veulent grandir encore, et en janvier 2003, ils enrichissent le site, se dotent d'une Newsletter et lancent leur Manifeste, sous la forme d'un programme destiné rien moins qu'à "sauver le football"…

La petite histoire continue donc de s'écrire. En 2003, nous espérons que la tribu des cédéfistes nous maintiendra sa fidélité, sur le site comme sur le forum. Nous espérons aussi sortir d'autres projets de nos cartons au cours de cette année. Mais on en reparlera. Merci à tous ceux qui ont collaboré d'une façon ou d'une autre à cette aventure, à nos proches dont le soutien a été précieux, et bien sûr aux lecteurs sans lesquels nous ne serions pas allés bien loin…