Captain Tsubasa, aux origines
Bibliothèque – Dans Comment j’ai créé Captain Tsubasa!, Yoichi Takahashi raconte le parcours qui l’a fait devenir mangaka et concevoir son œuvre mythique.
On ne présente plus Olive et Tom, de son nom original Captain Tsubasa, manga sur le ballon rond qui va bientôt fêter ses quarante printemps, œuvre à l’impact considérable sur la culture foot qui a marqué toute une génération et au-delà.
La maison d’édition Omaké Books propose, depuis le 6 février dernier, la version française de l'autobiographie de son créateur, Yoichi Takahashi: un ouvrage présenté sous la forme très agréable d’un manga garni d’illustrations en couleurs intercalées entre les chapitres.
Croire en ses rêves
La thématique du rêve, annoncée dès la préface, est absolument centrale dans le récit. C’est le fil rouge d’une vie qui verra Takahashi prendre petit à petit conscience de ses capacités, galvanisé par les félicitations de ses proches – dont il admire l’abnégation, en particulier celle de son père artisan qui doit subvenir aux besoins de toute la famille.
Le jeune Yoichi s’intéresse surtout au baseball, et s’il n’est certes pas assez doué pour espérer une carrière professionnelle dans ce sport, il aime le partager avec ses amis à travers des moments simples, au bord du fleuve local ou sur un terrain d’entraînement qui n’existe même pas. Autant d’éléments qui se retrouveront plus tard dans Captain Tsubasa.
Inspiré notamment par des œuvres cultes comme Kyôjin no Hoshi, Dokaben et Ashita no Joe [1], Takahashi va avoir le courage de prendre les décisions nécessaires pour tenter l’aventure en tant qu’auteur de manga, de tenter sa chance par lui-même en contactant directement les éditeurs de la Shueisha.
Il va donc afficher, tout au long de son parcours, l’esprit d’un véritable sportif, combatif face à l’échec, amoureux de l’effort, toujours à la poursuite d’un objectif.
Tout au long de ces pages, Takahashi apparaît donc comme un homme attachant, humble mais pas faux modeste, conscient de ne pas être le meilleur dessinateur, mais à l’écoute des conseils, satisfait et fier de son travail et du message qu’il veut faire passer à travers Captain Tsubasa.
L’essence du foot
Et le football dans tout ça? Takahashi, né en 1960, a une relation tardive au ballon rond, le découvrant vraiment à l’occasion du Mundial argentin de 1978.
La liberté et la simplicité de ce jeu, les possibilités quasiment infinies qu’il offre aussi bien en termes de récit que de dessin (comparativement au baseball qui a un rythme plus séquentiel), lui plaisent rapidement et lui laissent entrevoir tout le potentiel de retranscrire les actions d’un match dans un manga.
Cette idée, dans un Japon en plein miracle post-seconde guerre mondiale qui connaît encore mal le football – la J-League ne verra le jour qu’en 1993 –, est également l’occasion de créer un récit original. Le terrain idéal pour écrire les aventures de ces jeunes sportifs qui poursuivent leur rêve et grandissent auprès de leurs rivaux.
C’est l’idée première de l’opposition entre Tsubasa Ohzora/Olivier Atton et Genzo Wakabayashi/Thomas Price, le gars le plus sûr à avoir jamais gardé une cage. Puis celle qui les mettra aux prises avec l'immense Kojiro Hyuga/Mark Landers.
Même si l’ouvrage n’est pas exempt de petits impairs sur l’histoire du foot, Takahashi en a très rapidement compris la beauté première: la liberté, l’universalité des personnalités qui le pratiquent, la viabilité de tous les types de stratégies, l’importance du collectif, ce rêve d’aller au Brésil, ce rêve de battre le Brésil en finale de la Coupe du monde.
Une source d’inspiration
(Re)visionner la série animée avec son enfant, en parallèle de la lecture du livre, permet d’ailleurs d’en apprécier les vertus didactiques, et la candeur bienvenue et bienveillante [2].
Cette innocence, touchante, parsème tout l’ouvrage et dépeint un homme heureux de son travail, qui a su faire face aux difficultés imposées par les enjeux de la publication des magazines de mangas – les relations avec les éditeurs, la nécessité de tenir un rythme hebdomadaire et le fait d’être dépendant des votes des lecteurs pour “survivre” [3].
C’est très probablement ceci qui a aussi ému et inspiré ses fans, qui comptent parmi leurs rangs Lionel Messi, Andrés Iniesta ou encore Francesco Totti – dont on retrouve les citations et les hommages. Tout comme cette très intéressante interview menée par Florent Gorges, disponible en annexe et portant sur son rapport au football français.
Cette autobiographie ne se révèle frustrante que dans sa propension à faire des récapitulatifs, ou dans son relatif manque d’informations sur la conception de certains gestes techniques ou récits de match. On aurait également aimé que l’auteur parlât plus de ses inspirations purement footballistiques.
Mais il est difficile de dévoiler tous les secrets de fabrication et l’essentiel est ailleurs: dans la naissance proprement dite de son manga phare, dans le message que Takahashi a voulu transmettre, celui de toujours croire en ses rêves. Un message que Comment j’ai créé Captain Tsubasa!, lecture facile et agréable, délivre parfaitement.
Comment j’ai créé Captain Tsubasa!, de Yoichi Takahashi, éd. Omaké Books, 18,90 euros.
[1] Ashita no Joe est une œuvre fondamentale du style nekketsu, dans laquelle Joe Yabuki, un jeune voyou orphelin, voit ses talents de boxeur révélés et motivés par un ancien professionnel en perdition. Ce manga hautement recommandable, disponible en treize tomes aux éditions Glénat, dépeint la vie des prolétaires des quartiers pauvres des doya (hôtels bon marché apparus après la seconde guerre mondiale) de Tokyo et eut également une influence politique notable dans le Japon du début des années 70.
[2] Tous les épisodes sont disponibles en version française sur la chaîne YouTube Olive et Tom.
[3] Le contraste avec Akira Toriyama, dont le parcours et le rapport à sa création phare sont beaucoup plus complexes et mouvementés, est d’ailleurs très intéressant. À ce sujet, conseillons la lecture de Akira Toriyama & Dragon Ball: L'homme derrière le manga (William Audureau, éditions Pix’n Love) et de Dragon Ball. Le livre hommage (Valérie Précigout, Third Éditions).