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Vikash Dhorasoo, footballeur de composition

Joueur énervant et attachant, Vikash Dhorasoo se livre dans une autobiographie, Comme ses pieds, qui sort de l'ordinaire et raconte la vie des footballeurs au travers de celle d'un footballeur singulier. 

Auteur : Jérôme Latta le 9 Jan 2018

 

 

Les autobiographies de footballeur dignes d'intérêt sont rares. Pour minimiser les chances de se tromper, se tourner vers celles des personnalités les plus controversées est une option. Pas besoin d'apprécier le footballeur ou l'homme pour apprécier son autobiographie, au contraire peut-être.

 

Celle de Joey Barton était très réussie, celle de Vikash Dhorasoo l'est aussi. Peut-être parce que ces deux-là vont dire ce qu'ils ont envie de dire plutôt que de suivre les figures imposées du genre. Le fait de ne pas être des figures héroïques incite probablement à se montrer plus sincère, ou du moins à mettre le doigt dans leurs plaies et à faire preuve d'autodérision.

 

 

La vie, l'amour, la mort du footballeur

L'ancien international revient, c'était attendu, sur quelques épisodes controversés de son parcours et, ça l'était peut-être moins, admet sans ambages ses torts et ses erreurs. Des erreurs commises notamment dans les vestiaires de l'OL, du Milan AC et de l'équipe de France à cause d'une mauvaise compréhension de son propre statut. Ou encore à l'occasion du conflit qui l'opposa à Guy Lacombe et le conduisit à son licenciement par le PSG – le moment où "la magie d'être un footballeur professionnel a pris fin".

 

Celui qui a souvent eu le chic pour se faire détester, et qui aborde sans trop de complexes son égoïsme (celui de tout joueur pro), n'a pourtant pas renoncé à l'envie d'être aimé. Par son "père" Raymond Domenech, par exemple, à laquelle il consacre des pages parmi les plus intéressantes du livre, livrant à l'écrit une tout autre version que celle de son film, Substitute.

 

L'envie d'être aimé par le public aussi, même si les supporters sont en général relégués à l'arrière-plan, et malgré le blindage dont lui et ses confrères se dotent par nécessité. Le blindage cède sous les sifflets du Stade de France, lors d'un France-Mexique au cours duquel il remplace Zinédine Zidane, en juin 2006: il y voit même une des fins de sa carrière.

 

Mourir comme footballeur constitue d'ailleurs un des thèmes majeurs de l'ouvrage, dont chaque chapitre (re)commence avec le leitmotiv de la 88e minute du match HAC-OM, la dernière jouée avec son club formateur. Le procédé fonctionne, et l'écriture (l'ouvrage n'est pas cosigné) est simple, fluide, en équilibre entre distance et intimité. Ainsi pour évoquer avec sensibilité et pudeur son histoire familiale, celle de son père mauricien qui choisit l'exil et un destin d'ouvrier sur les chantiers navals havrais.

 

 

La mélancolie du footballeur

Dhorasoo n'assume pas toutes ses contradictions, il les arrange parfois à son avantage, mais il ne les élude pas. Il faut dire qu'elles sont nombreuses, et qu'elles le caractérisent. Dhorasoo est ce footballeur dont on a toujours dit qu'il n'était pas comme les autres. Trop différent de ses coéquipiers, souvent en conflit avec eux, avec les journalistes ou ses entraîneurs. Trop intello ou trop intelligent. "C'est parce que je joue bien au football que j'écris ces lignes aujourd'hui, pas parce que je suis intelligent", tranche-t-il – c'est vrai et faux à la fois. 

 

Mais même quand il se décrit sous les traits d'un footballeur comme les autres, il ne peut renoncer à être un footballeur singulier. Il est, clairement, à la fois l'un et l'autre. "À la fois", il l'est constamment. À la fois nanti et "noir" (les guillemets sont de lui), ce qui lui vaut d'avoir connu les égards dû aux uns et les refus à l'entrée des boîtes de nuit infligés aux autres – comme le soir de son dernier match au Havre, au terme duquel il avait reçu une ovation du stade.

 

À la fois gars de la cité de Caucriauville, en banlieue du Havre, et intello-urbain qui vit aujourd'hui dans un Pigalle gentrifié. Il dit être resté l'un et être devenu l'autre, au prix d'une métamorphose qui constitue un des principaux intérêts du texte. Il décrit sa trajectoire sociale, tout ce qui l'a transformé avec un mélange de sensibilité et de détachement, et avec plus de mélancolie que d'amertume. La joie de jouer, la conscience d'être un privilégié, mais aussi la dureté du milieu et des épreuves qu'il fait subir.

 

Des épreuves qui lui valent, par exemple, la solitude d'une chambre d'hôpital, à des centaines de kilomètres de sa famille, au réveil d'une opération pour soigner une pubalgie. Il a quinze ans et une quarantaine d'agrafes sur le pubis. L'opération prélude à une série de blessures auxquelles il devra survivre. Mais un seul chapitre est consacré à "vivre avec la douleur": Dhorasoo évoque aussi, par touches dispersées et avec talent, ce qui fait le bonheur de jouer au football, en bas de l'immeuble comme sur les terrains professionnels.

 

 

Le footballeur sur la photo

Dhorasoo se sort un peu moins bien de ses ambiguïtés de "footballeur de gauche". Il est de gauche par goût de l'utopie, explique-t-il. Un peu court, même s'il évoque ce que sa famille doit au système social français. Au moins n'a-t-il pas d'illusions quant au désir des politiques qu'il a soutenus (Ségolène Royal, François Hollande, Anne Hidalgo – pas ce qui se fait de plus radical) de "l'avoir sur la photo".

 

Sur ce terrain, comme sur d'autres, il exprime une désinvolture certaine. Qui peut confiner au cynisme pour expliquer les choix de carrière qui l'ont conduit dans des clubs aux patrons emblématiquement de droite. Ce ne sont pas des choix, explique-t-il: le footballeur est le jouet d'un marché aux bestiaux dont il profite financièrement en abandonnant sa liberté – le récit est à cet égard intéressant.

 

Il fait cependant un éloge ambigu des dirigeants du Milan AC, Silvio Berlusconi et Adriano Galliani. Et quand il raconte ses déboires contractuels à Livourne, c'est pour conclure que "les gens de gauche dans le foot sont des salauds". Auparavant, il admet avoir joué de l'image du club: "Jamais la politique n'a influencé un choix de club dans ma carrière. J'ai trouvé amusant de faire semblant". Voilà un péché assez dhorassien: être ce qui l'arrange, vouloir les bénéfices symboliques sans toujours consentir l'investissement…

 

Le caractère relatif de son engagement transparaît d'ailleurs dans les ambitions de son association Tatane – sur lesquelles se conclut le texte. "L'utopie" poursuivie est louable, mais pas très militante ni très politique. Il ne faut ainsi pas compter sur Comme ses pieds pour élaborer une critique du football actuel, dont les évolutions semblent une fatalité laissée en toile de fond. Admettons que ce serait beaucoup demander à une autobiographie qui donne déjà beaucoup.

 

Vikash Dhorasoo aura été un joueur mal-aimé ou mal compris, y compris par ses pairs. Ceux-ci devraient pourtant lui rendre justice: avec Comme ses pieds, il fait un excellent narrateur de la condition de footballeur. Et il a écrit une belle autobiographie.

 

 

Vikash Dhorasoo, Comme ses pieds, éd. Seuil, 17 euros.
 

Réactions

  • José-Mickaël le 09/01/2018 à 11h16
    Merci pour le compte-rendu, ça donne envie de le lire !

    Et puis j'aimerais bien qu'il y ait plein d'autres joueurs comme lui (sauf que, du coup, ils seraient comme les autres, ah)...

  • Espinas le 12/01/2018 à 15h03
    J'ai adoré le joueur depuis la saison 98-99 dite de l'arrivée du Pathé. Et le milieu Violeau(ou Diarra) Juninho-Carrière-Dhorasoo derrière Sonny Anderson et Govou de l'été-automne 2002.

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