Un Veissière pour des lanternes
Nouveau consultant de luxe dans le grand cirque de Canal+, Gilles Veissière a bien peu de chances de faire progresser la perception de l'arbitrage sur la chaîne cryptée...
Auteur : Pierre Martini
le 3 Août 2005
Parmi toutes les faramineuses promesses de "grand spectacle" sur Canal+ pour la retransmission — en exclusivité et contre 600 millions d'euros annuels, pour ceux qui n'auraient pas suivi — de la Ligue 1, il y a donc la composition d'une dream team de consultants. Dont un duo d'anciens arbitres : Joël Quiniou pour Jour de foot et Gilles Vessière, tout récemment retraité, pour les commentaires de match. L'expérience tombe à pic pour illustrer certains éléments du débat abordé dans le dossier de notre numéro 17, à propos des "mirages de la vidéo".
L'idée part, a priori, d'un bon sentiment : éclairer les interventions de l'arbitre par le regard d'un expert. Le problème est que dans la pratique, il en va déjà tout autrement. Comme constaté lors de PSG-Metz, Veissière va devoir constamment, non pas expliquer les décisions arbitrales, mais les justifier... D'abord par un réflexe corporatiste bien naturel. Ensuite parce qu'il sera continuellement mis en demeure de le faire par des commentateurs dont on a déjà vu qu'ils se tourneraient vers lui à chaque replay un tant soit peu accusateur.
Veissière visiteur
La star des sifflets, qui nous déclarait récemment être "opposé à 99,99% à l'arbitrage vidéo" (voir Retour de Galaxy), va se retrouver dans une situation absurde: commenter en permanence des centaines de ralentis, à la manière d'un "juge vidéo".
Pour la pédagogie, il faudra repasser, puisqu'il vaudrait infiniment mieux arrêter de s'interroger de manière obsessionnelle sur la validité du moindre coup de sifflet, sur la justesse, au décimètre près, de chaque hors-jeu signalé ou non-signalé, sans la moindre considération pour l'esprit de la règle.
On prend les paris qu'au bout de quelques mois de ce régime, Gilles Veissière sera devenu, de guerre lasse, un partisan de la vidéo, simplement parce qu'il ne pourra plus supporter d'être soumis au pseudo "révélateur" des images, d'être mis en demeure de rejuger ses confrères et de constater — ô horreur — qu'un arbitre peut se tromper... Seule issue : qu'il soit assez malin pour démontrer que l'image aussi n'arrête pas de se tromper, ou du moins induit en erreur tous ceux qui croient naïvement qu'elle ne ment pas ou ne contient qu'une seule vérité.
Tant que ce sera la télévision qui posera le problème de l'arbitrage, on en viendra forcément à faire l'apologie du recours à la vidéo, sans le moindre débat rationnel, mais par simple accumulation d'images énervantes. En résumé, les commentateurs ne peuvent pas s'empêcher de penser, et de laisser penser, qu'ils feraient finalement de bien meilleurs arbitres que les arbitres eux-mêmes. Tant pis si Olivier Rouyer, champion de France de l'auto-persuasion, continue à voir dans les ralentis uniquement ce qu'il a envie de voir.
Tant pis aussi si Canal+, se trouvant dans l'obligation commerciale de produire de la nouveauté, en arrive à des innovations factices et sans intérêt journalistique. Quelque chose nous dit qu'on en verra d'autres cette saison.