Ne perdez pas de temps à lire ce texte, connectez-vous vite pour commenter les articles des CDF. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Un mystère au pied des poteaux

Des bandes noires aux pieds des poteaux de but. Une image marquante de la Coupe du monde 1978, mais aussi un mystère qu’un journaliste anglais n’élucidera que trente-neuf ans plus tard.

Auteur : Richard Coudrais le 21 Juin 2018

 

 

Il y a ces images qui s’impriment définitivement dans l’inconscient: Argentine 1978, le magnifique maillot albiceleste, une pluie de papelitos lancée des tribunes pour inonder les surfaces de réparation, des filets tout blancs et ces étonnantes bandes noires au pied des poteaux de but. 

 

Ce poteau qui a repoussé le tir de Robby Rensenbrink dans les dernières secondes de la finale, ce poteau sur lequel s’est fracassé le gardien français Jean-Paul Bertrand-Demanes, mettant un terme prématuré à son aventure argentine, ces poteaux où se sont écrasés quelques ballons Tango et tout autant d’espoirs, ces poteaux de la Coupe du monde 1978 portaient un message et on ne le savait pas.

 

 

 

 

 

La coupe de la junte

Comme tous les gamins de dix ans qui découvraient la Coupe du monde, David Forrest était intrigué par ces bandes noires au pied des poteaux. Devenu journaliste, il entrepris de revenir sur le sujet en 2017, à la faveur d’un voyage d’études de son épouse à Buenos Aires. De cette enquête naîtra un fameux article publié sur le site du Guardian. C’est dans un pays soumis à l’une des plus féroces dictatures de l’histoire que se déroule en 1978 la onzième Coupe du monde. L’Argentine avait obtenu l’organisation du tournoi dès 1966 sans imaginer que dix ans plus tard, et donc deux ans avant les festivités, une junte militaire s’emparerait du pouvoir pour y faire régner la terreur.

 

Les sinistres généraux avaient entrepris d’éliminer toute opposition en pratiquant la torture. Des milliers d’argentins avaient ainsi disparu, soit jetés dans le Rio de la Plata d’un hélicoptère, soit prisonniers dans des salles de tortures. Cela n’empêcha pas le pays d’organiser la Coupe du Monde. Et l’équipe d’Argentine de remporter le trophée sous les vivats de la foule. “Ne gagnez pas pour les généraux, avait clamé César Luis Menotti à ses joueurs. Gagnez pour les disparus, pour vos proches, pour le peuple.”

 

Lorsqu’il visite les anciennes salles de torture avec son épouse en 2017, David Forrest est frappé par le fait de les trouver dans des zones très fréquentées. Notamment celui que l’on surnommait lugubrement le Club Atlético parce qu’il se trouvait juste à côté de la Bombonera, le stade de Boca Juniors. On ne pouvait pas trouver endroit plus animé que ce quartier des affaires, le CBD, l’une des principales artères commerciales de Buenos Aires. La torture n’avait donc rien de clandestine. Elle était pratiquée au vu et au su de tous. Le gouvernement argentin était juste parvenu à masquer ces endroits aux yeux des journalistes et touristes étrangers durant le tournoi.

 

 

 

 

 

"Brassard noir"

Forrest a l’occasion de se rendre à l’Estadio Monumental à l’occasion d’un superclasico River-Boca, rien que ça. Un match nul (0-0) qui lui laisse le loisir de vaquer à ses pensées. Les filets ne sont plus blancs comme en 1978, et il n’y a plus les bandes noires au pieds des poteaux. Quelques heures plus tôt, il avait feuilleté dans un café un livre sur le Mundial 1978, et avait demandé au serveur si par hasard il connaissait la signification de ces bandes noires. Le serveur avait grommelé et lui avait conseillé de se rendre directement au stade.

 

Le lendemain du match, Forrest retourne visiter le stade vide. Lorsqu’il demande au gardien ce que sont devenues les bandes noires, celui-ci lui conseille de contacter un certain Ezequiel Valentini. Ironie de l’histoire, cet homme n’est autre que le serveur du café! En 1978, Valentini était préposé à l’entretien de l’Estadio Monumental: “Dans notre famille, notre entourage, raconte-t-il. Nous avions tous quelqu’un qui avait disparu, qui était torturé quelque part… Même les joueurs de l’équipe nationale. Ils auraient dû tous porter un brassard noir. Aucun n’a pu le faire. Alors ce brassard noir, on l’a peint sur les poteaux.”

 

Une revendication qui bien entendu n’a pas été ébruitée jusqu’aux sommets de l’État. Les généraux ne se sont aperçus de rien. La FIFA n’a rien trouvé à redire. “On leur a juste dit que c’était une tradition ici." L’article de David Forrest paru sur le site du Guardian en 2017 et repris dans les médias argentins a levé un secret longtemps ignoré. Ces bandes noires sont restées dans l’histoire, comme une revanche du peuple face à la dictature qui s’était approprié le triomphe des hommes de Menotti.

 

Réactions

  • Ba Zenga le 21/06/2018 à 07h23
    Merci Richard pour cette belle histoire. La réponse à une question que je m'étais toujours posée de manière inconsciente, mais sans vraiment la chercher.

  • Milan de solitude le 21/06/2018 à 11h39
    Intéressant, j'ignorais entièrement.
    (Sauf erreur de ma part, on écrit "les vivats".)

  • Gouffran direct le 22/06/2018 à 03h15
    Merci pour cette histoire.
    Je vais de ce pas lire l'article du Guardian.

La revue des Cahiers du football